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Qualité de l’eau du robinet : une campagne choc qui va faire des remous

23 juin 2009

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Le médecin David Servan-Schreiber a lancé le mardi 23 février 2009, associé au WWF, une campagne pour alerter sur la nocivité de l’eau du robinet. Il y soutient, appuyé par un impressionnant collège de scientifiques, que la pollution croissante des ressources en eau menace tout particulièrement les malades atteints de cancer… Quatre jours plus tôt Arte alertait pour sa part sur la présence inquiétante de résidus médicamenteux dans l’eau. Le débat ainsi relancé s’annonce houleux.



Le débat sur la qualité de l’eau du robinet, souvent accusée d’être trop polluée ou d’avoir mauvais goût, est donc relancé par le docteur David Servan-Schreiber, auteur du best-seller « Anticancer », et responsable du site Guerir.Fr, et Bernard Cressens, directeur scientifique du WWF-France.

Le quotidien Le Parisien du 23 juin publie une interview croisée de David Servan Schreiber et Bernard Cressens, qui soulignent à juste titre qu’en dépit des assurances officielles la qualité de l’eau distribuée au robinet est très inégale, surtout si l’on examine des collectivités de taille différente.

Si les grandes collectivités ont les moyens d’investir dans des technologies de dépollution de plus en plus sophistiquées et dispendieuses, dans les petites collectivités, en revanche, des millions de français reçoivent chaque année une eau qui dépasse trop souvent les normes autorisées, pour ce qui concerne par exemple les pesticides.

Noter d’emblée pour mesurer toute la dimension de la polémique qui ne va pas manquer de se développer, et comme nous en informe une minuscule « brève » parue dans le quotidien Libération du 24 juin 2009, qu’en 2008 « le chiffre d’affaires français des pesticides est en hausse de 14%, à 2 milliards d’euros. Pour 2009, les professionnels s’attendent à une baisse des utilisations et à une stabilité du chiffre d’affaires ».

Vous avez dit « Grenelle » ?

Mais ce sont à l’évidence les recommandations du docteur Servan-Schreiber, qui invite notamment les malades du cancer à ne plus consommer l’eau du robinet, qui vont susciter la polémique.

Le débat est complexe et extrêmement sensible, comme le soulignait il y a quelques années déjà notre ami Gérard Borvon dans son excellent ouvrage "S-EAU-S l’eau en danger" :

"Informer sans affoler, tel est le problème auquel sont confrontées les associations de consommateurs et de protection de l’environnement. Leur objectif n’est pas de développer vis à vis de l’eau du robinet un dégoût tel que l’idée même d’en améliorer la qualité et de pouvoir à nouveau l’utiliser pour l’alimentation soit considérée comme une utopie."

Lire : "Marchands, Charlatans et Gourous de l’eau".

On notera de plus, ce qui n’est pas de nature à calmer le jeu, que l’Institut national de santé et de veille sanitaire (INVS), organisait justement la veille un colloque dédié aux limites de la surveillance en santé environnementale..., "mettant en lumière le rôle de la surveillance en santé environnementale, mais aussi ses limites et les freins techniques, financiers et juridiques à son développement, dans un contexte de préoccupations sociétales fortes."

Et que nous racontaient les « experts » patentés qui participaient à ce fameux colloque ?

« Si l’on ne peut toujours pas prouver aujourd’hui l’effet sanitaire des pesticides, c’est parce qu’aucune étude de grande ampleur n’a été conduite sur ce sujet », fait remarquer Daniel Eilstein, chercheur à l’INVS, co-organisateur du colloque.

(…)

« La surveillance de la santé environnementale se heurte à de nombreuses difficultés. Il y a une rareté des données d’expositions à des facteurs environnementaux, note Jérome Lozach, de l’agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET). Les données sont parcellaires dans le temps et dans l’espace. Certains thèmes émergents, comme les pesticides ou le bruit, ne sont pas suffisamment couverts aujourd’hui. Cela conduit les chercheurs à faire de la modélisation ou de l’extrapolation. » 


Lire :

Surveillance en santé environnementale : mieux comprendre

Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 27-28, 22 juin 2009

Le dossier (à charge) du docteur Servan Schreiber

Pour mieux comprendre une position qui ne va pas manquer de faire des vagues, consulter le dossier mis en ligne sur le site « Guérir.fr », intitulé « L’eau potable et le cancer ».

On y découvrira notamment l’impressionnant comité scientifique qui soutient la démarche.

Rivières de médicaments

Pour sa part le magazine « Global Mag » d’Arte diffusait le 19 juin 2009 une enquête dédiée aux inquiétudes croissantes que suscite la présence de résidus médicamenteux dans l’eau :

« Anxiolytiques, antibiotiques, contraceptifs… Les médicaments passent dans nos urines, partent dans les égoûts et les stations d’épuration n’y peuvent rien ! Jusqu’à 90% des médicaments résistent au traitement. Résultat : bourrés d’hormones, les poissons de nos rivières se féminisent. Un phénomène qui met en danger la reproduction et la survie d’espèces entières. Pour l’homme aussi les conséquences sont inquiétantes, puisque c’est aussi dans les rivières que nous puisons l’eau du robinet. Certaines molécules bouclent la boucle et reviennent dans nos organismes par l’eau du robinet. »

Voir :

Rivières de médicaments

Voir aussi :

Les 29, 30 et 31 octobre 2007 s’est tenu à Pau le 7ème congrès international GRUTTEE organisé par Le Laboratoire de Chimie Analytique Bio Inorganique et Environnement (LCABIE) de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et la ville de Pau.

Voir le compte-rendu

Ce congrès a rendu compte des travaux engagés dans le cadre du programme de recherche européen Knappe (Knowledge and Need Assessment on Pharmaceutical Products in Environmental Waters)

Voir le programme Knappe

Lire aussi :

Qualité de l’eau : le dossier d’Eaux glacées

Les eaux glacées du calcul égoïste, 13 mars 2009

Marc Laimé - eauxglacees.com