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Gestion publique (2) : un nouvel élan

17 février 2009

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les mobilisations multiformes engagées depuis plusieurs années en France en faveur d’une gestion publique de l’eau et de l’assainissement revêtent désormais de nouveaux contours. Dans un secteur fortement marqué par l’emprise qu’y exercent les géants français de l’eau, de nouvelles dynamiques se font jour, suscitées par l’exigence de réponses adaptées à une mainmise que rejettent de plus en plus massivement collectivités, élus et usagers.



Ces nouvelles dynamiques répondent à l’emprise croissante qu’exercent les opérateurs privés sur toute la chaîne de l’eau. Désormais Veolia, Suez et Saur ne se contentent plus de gérer les services d’eau et d’assainissement pour le compte des collectivités territoriales, dans le cadre de délégations de service public, dont les dérives ont notamment été dénoncées dans la période récente par l’UFC-Que Choisir ou le Conseil économique et social.

Enseignement, recherche et développement, brevets, normalisation, analyses, données publiques, évolutions réglementaires et législatives, directives européennes, et désormais de plus en plus clairement la gestion de la ressource elle-même sont étroitement contrôlés par le Cartel.

Il suffit pour s’en convaincre d’étudier le lobbying intense qu’ont exercé les entreprises tout au long de l’élaboration de la Loi sur l’eau du 30 décembre 2006 et de ses innombrables textes d’application.

Résultat : Veolia et Suez contrôlent désormais les eaux de baignade, les laboratoires publics départementaux d’analyse des eaux disparaissent les uns après les autres, au profit de trois groupes privés aux ambitions dévorantes. Les services d’assistance technique aux exploitants des stations d’épuration (Satese), qui apportaient une précieuse assistante techniques aux petites communes rurales se sont vu interdire d’accomplir leurs missions, au prétexte qu’elles contredisaient les dispositions européennes en matière de concurrence...

Il n’existe quasiment plus d’ingenierie publique dans le domaine de l’eau en France.

La « Régression générale des politiques publiques » (RGPP), conduite tambour battant par Messieurs Fillon et Woerth, va encore aggraver le phénomène en achevant de démanteler les missions d’ingenierie publiques jusqu’ici mises en œuvre par les services déconcentrés de l’Etat (DDE et DDA), ouvertement affermées au secteur privé.

Et c’est loin d’être fini.

Confrontées, tant à une remise en cause virulente des rentes de situation colossales que représentent les milliers de contrats de délégation de service public qu’elles détiennent, qu’à la baisse structurelle enregistrée depuis une quinzaine d’années des volumes d’eau consommés, et donc facturés, ce qui entraîne mécaniquement, en gestion publique ou privée, une augmentation du prix de l’eau, les entreprises développent désormais de nouvelles offres.

Elles prétendent désormais gérer la ressource elle-même, et se substituer à l’Etat et aux collectivités locales pour, par exemple, animer un contrat de rivière, un Sage, implanter en aval d’une STEP un réseau de surveillance de la pollution, gérer une nappe souterraine, participer à la prévention des inondations...

Mieux, enfin pire, elles seront demain très étroitement associées à la production des données publiques dans le domaine de l’eau, après avoir fait le forcing pour être associées au Système d’information sur l’eau (SIEau) que doit mettre en place l’Onema.

C’est pour répondre à ces ambitions sans limites de conquête de nouveaux marchés que nombre d’acteurs publics du domaine de l’eau doivent donc se mobiliser derechef afin de pouvoir demeurer présents sur ces « nouvelles frontières » de la gestion de l’eau, qui revêtent un caractère de plus en plus totalitaire.

Il n’est pas vrai que tous les maillons de la chaîne de l’eau doivent impérativement être sous le contrôle demain de Veolia, Suez et Saur

Heureusement plusieurs rapprochements et mobilisations semblent à même de favoriser d’indispensables mutualisations qui apparaissent comme l’enjeu majeur de la période.

Marc Laimé - eauxglacees.com