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Assainissement non collectif (56) : la polémique sur les micro-stations

12 février 2009

par Marc Laimé - eauxglacees.com

L’invraisemblable saga de l’ANC n’en finit plus de rebondir, dans une course folle qui témoigne pour le moins d’une anomie sans cesse grandissante. Au vu des témoignages reçus après nos derniers posts, l’ensemble des acteurs concernés avoue généralement ne plus savoir de quoi demain sera fait. La polémique croissante sur les performances et la légalité des micro-stations méritait bien un rappel, puisque ces équipements symbolisent à eux seuls l’échec d’une politique qui semble de plus en plus aller à vau l’eau.



L’un des vendeurs de micro-stations mis en cause par nombre d’acteurs de l’ANC pour sa politique commerciale agressive et ses affirmations approximatives, Aquitaine Bioteste, vient de mettre en ligne un nouveau « manuel », assez peu différent de l’ancien si ce n’est la mise à jour de son assurance.

L’entreprise apporte aussi des précisions sur les techniques utilisées.

Mais, à l’image des documents précédents, on retrouve des mentions qui induisent en erreur le particulier.

On apprend par exemple qu’il s’agit de la seule station d’épuration qui est une filière de traitement, et qu’il n’y a plus besoin d’épandage ni de filtre à sable, les normes françaises et européennes étant respectées....

Au-delà de ce cas d’espèce, tentons, pour celles et ceux qui auraient raté les épisodes précédents, de résumer la situation et de comprendre les enjeux de pareils propos.

Tout d’abord un constat.

Une micro-station est, il faut l’admettre, plus « vendeur » qu’un système traditionnel.

En théorie un prix de vente élevé, mais moins qu’un filtre à sable.

En revanche, aucune obligation à priori de service après-vente.

Une marge commerciale intéressante, si le modèle est fiable, puisque du point de vue du particulier l’implantation d’une micro-station ne requiert qu’une dizaine de m2, une excavation, une prise de courant, un fossé, et hop le tour est joué.

Bref, si on rajoute que l’eau permet d’arroser la haie, que la consommation électrique est faible, que le bruit et les odeurs sont quasi-nulles et que la fosse est recyclable, c’est le job rêvé pour un technico-commercial !

Sauf que la réalité est moins rose, avec un triple hic : la réglementation actuelle, le contrôle des Spankeurs et la concurrence...

Depuis sa création en juin 2004, l’entreprise Aquitaine B. déclare avoir vendu 2500 installations, et souhaite maintenir son activité à hauteur de 10 à 15% du marché, grâce à son nouveau modèle « Stépizen » (admirons le « ZEN »), qui succède à feues « Stepiplast » et « Stepi ».

Sur cette base, il se serait donc vendu en France entre 17 et 25 000 micro-stations « non individuelles » en 4 ans, à quoi il faudrait ajouter un nombre inconnu d’installations « individuelles », peu ou prou validées par des SPANC peu regardants, ou mis devant le fait accompli comme en témoignent par exemple les discussions acharnées entre nos amis Spankeurs de l’Ille-et-Vilaine ou du Finistère...

Est-ce peu ou beaucoup ? En l’absence de statistiques officielles il est difficile d’y voir clair.

Avec l’obligation instaurée par la LEMA de travaux sous 4 ans après la déclaration d’une installation non-conforme par le SPANC, on entrevoit les appétits que peut susciter un marché Français, que personne n’est d’ailleurs capable de quantifier réellement.

A tel point qu’il fait donc fantasmer et rend dangereusement audacieux notre ami d’Aquitaine B., comme nombre de ses concurrents.

Un document diffusé lors des 4èmes Assises annuelles de l’ANC à Cahors en 2007 par un autre vendeur de micro-stations, la société EPUR, estimait lui gaillardement que le marché Français à l’horizon 2015 porterait sur 1 600 000 installations, plus qu’en Allemagne et en Belgique, représentant donc en théorie plus d’une réhabilitation sur trois en France ! Bizarre décidément ces chiffres brandis à l’emporte-pièce.

L’analyse du marché par la société EPUR en 2007

Problème, il ne s’agit que… d’estimations, et les niveaux de rejets ne sont pas harmonisés à l’échelle européenne, mais sont réglementés par les états membres.

En France, sous la pression du ministère de la Santé, ils sont déjà plus sévères que les réglementations nationales de nos voisins Belges et Allemands, et vont encore se durcir un peu plus avec le futur arrêté « prescriptions techniques ». Enfin, quand il sortira des limbes dans lesquels il semble durablement encalminé...

Or le fameux « marquage CE », système déclaratif trop souple, ne permet pas à la France de vérifier si les niveaux de rejets qu’elle demandera seront bien respectés.

C’est pour cette raison que le MEEDDAT a souhaité confier un protocole à l’AFSSET.

Jusque là on pouvait donc retracer les logiques techniques et institutionnelles qui orientaient l’action du ministère.

Jusqu’à la semaine dernière où un quarteron de sénateurs bien mal (ou trop bien), inspirés ont flanqué à bas tout l’édifice, lors de l’examen, puis du vote en première lecture du projet de loi Grenelle 1, en flanquant à la poubelle ledit protocole AFFSSET...

Ce projet de loi Grenelle 1 doit être examiné par l’Assemblée, avant de revenir à nouveau en seconde lecture au Sénat, puis à nouveau à l’Assemblée.

Que va faire le gouvernement ? Flinguer l’amendement « César » ? Ou tenter à nouveau de ruser à la marge en bornant le fameux protocole à une simple formalité d’enregistrement ?

Comment arbitrer entre des parlementaires excédés qui relaient les inquiétudes de leurs administrés, et se montrent par ailleurs sensibles à l’argumentaire des vendeurs de micro-stations, les fourches caudines de Bruxelles et de la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée », et la légitime inquiétude des Spankeurs, et donc peu ou prou des collectivités, qui redoutent à juste titre de voir se multiplier des installations et d’une efficience technique douteuse, et d’une légalité limite au regard de la réglementation française ?

Comment s’en sortir ?

Le Grenelle pourrait décider d’une obligation de mise en conformité uniquement pour les mutations immobilières à l’horizon 2012 fixé par la LEMA, et reporter l’échéance pour les autres logements à l’horizon 2020 ?

Histoire de donner au marquage CE le temps d’évoluer, de laisser souffler un peu le MEEDDAT et de redonner du pouvoir d’achat aux particuliers en ces temps de crise.

Après tout, cela fait plus de trente ans qu’il existe des rejets directs ou pré-traités dans les fossés et les puisards de nos campagnes !

L’urgence de mettre la main au porte-monnaie est toute relative, surtout si l’on sussurait à l’Elysée, dont l’hyper-président s’est fortement investi l’été dernier, comme l’ont narré les gazettes, dans la remise aux normes de la résidence de sa belle-mère, que certaines des dites micro-stations sont fabriquées en Chine ou assemblées en Tchéquie..

La voie semble désormais donc toute tracée pour Mme Chantal Jouanno, qui vient d’hériter de notre encombrant dossier.

Chiche !

Sauf que ça ferait immensément plaisir à Veolia, et que côté réduction des pollutions diffuses, Directive-cadre européenne et tutti-frutti, ça ne serait pas totalement génial.

D’où il appert que nous allons devoir nous apprêter à voguer consciencieusement vers le centième épisode de notre feuilleton...

Avec en prévision moult rebondissements, voire faits divers sanglants.

Le jour où un zélé contrôleur de Veolia se ramassera une décharge de chevrotines, faudra pas venir nous dire qu’on ne vous a pas prévenus...

Assainissement non collectif (43) : le dossier d’Eaux glacées

Les eaux glacées du calcul égoïste, 4 septembre 2008.

Lire aussi :

ANC : 0% réglementaire, 100% risqué

S-Eau-S, 16 février 2009.

Marc Laimé - eauxglacees.com