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Adour-Garonne : la fin d’une époque ?

8 juillet 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

L’Agence de l’eau et le Comité de bassin Adour-Garonne viennent coup sur coup d’hériter d’un nouveau directeur général et d’un nouveau président. Dans une région où la gestion de l’eau, fortement marquée par l’emprise d’une agriculture productiviste, suscite des débats qui enregistrent un regain de vivacité, ces deux nominations augurent d’une nouvelle ère qui pourrait être plus tumultueuse que celle qui l’a précédé.



Adour-Garonne restera marqué par la personnalité de deux figures qui auront, chacun à leur manière, imprimé leur marque sur la gestion de l’eau dans une région qui représente un cinquième du territoire français.

M. Vincent Frey, tout d’abord, le directeur de l’Agence qui, témoignant d’une rare personnalité, aura été le seul ces dernières années à oser, à plusieurs reprises, exprimer son désaccord avec les réformes aux forceps imposées, pour le meilleur et pour le pire, par la Direction de l’eau...

Un arrêté du 15 juin 2008, publié au Journal officiel le 17 juin 2008, annonçait son remplacement à la direction générale de l’Agence, à dater du 1er août 2008, par M. Marc Abadie, ancien directeur de cabinet du ministre de la Fonction publique et de la réforme de l’Etat, et ancien directeur de la Direction du développement économique de l’emploi et de la formation professionnelle (DDEEFP) à la Région Ile-de- France.

Une nomination qui prend tout son sens quand on apprend l’élection à la présidence du Comité de bassin Adour-Garonne, intervenue le 4 juillet 2008, de M. Martin Malvy.

Celui-ci succède à l’inoxydable M. Jean-François Poncet, ancien ministre des Affaires étrangères de M. Valéry Giscard d’Estaing, qui aura présidé sans discontinuer le Comité de bassin Adour-Garonne depuis... 1980 ! A la plus grande joie de la profession agricole du Sud-Ouest qui lui doit tant...

Une page se tourne et une nouvelle époque s’ouvre.

La séance inaugurale du Comité de bassin Adour-Garonne 2008-2014 avait lieu le 4 juillet 2008, et c’est donc M. Martin Malvy, par ailleurs président (PS) de la région Midi-Pyrénées, qui en est devenu le nouveau président.

Une nomination qui a été immédiatement été saluée, fait inattendu, par un communiqué titré « Pour une nouvelle politique de l’eau en Adour-Garonne ! » publié par plusieurs associations et syndicats, dont Uminate (fédération régionale de Midi-Pyrénées membre de France nature environnement) et la Confédération paysanne de la Haute-Garonne.

Associations et syndicats évoquent une situation alarmante en matière de préservation et de restauration des eaux et des milieux aquatiques, qui n’a rien à « envier » à celle de la Bretagne.

Ils estiment que les eaux souterraines sont « durablement » polluées par les pesticides et les nitrates, et que les consommations d’eau ne sont pas maîtrisées en période d’étiage, avec plus de 50% du bassin classé en zone déficitaire ». Le financement de barrages et retenues pérennisant l’agriculture intensive (dont la maïsiculture), est également remis en cause.

Les auteurs du communiqué appellent donc le nouveau comité de bassin à « retrouver l’efficacité de l’action publique et (à) réconcilier tous les citoyens avec l’eau », en adaptant la redevance pour « tendre vers un équilibre entre les usagers en privilégiant le principe « pollueur-payeur ».

Comme en écho, M. Martin Malvy, interrogé en début d’après-midi, après son élection à la présidence du Comité de Bassin, et après avoir rendu hommage à son prédécesseur, M. Jean François-Poncet, a notamment déclaré :

« L’une des caractéristiques de l’époque que nous traversons, c’est que l’on ne peut plus raisonner comme si l’avenir était simplement la prolongation du passé.

« On est en train de le vérifier dans le secteur des énergies avec les augmentations du prix du pétrole qui se poursuivront pour des motifs de raréfaction du produit et de hausses exponentielles des consommations.

« C’est vrai des problèmes de l’eau qui se poseront différemment dans les années qui viennent sous l’influence des changements climatiques, de la croissance des populations, de l’évolution des usages et des consommations.

« Les Comités de Bassin Français ont été à juste titre qualifiés de Parlements de l’eau.

« Je souhaite que le Comité de Bassin Adour-Garonne, qui représente le 5è du territoire français, se projette sur ce futur difficile à imaginer, sans partir d’a priori et de solutions défendues depuis des décennies sans se demander pourquoi elles n’ont pas abouti.

« S’il doit apporter une réponse aux problèmes de la ressource en eau, partout le Comité de Bassin doit aussi se pencher sur ceux posés par la qualité des eaux, la préservation des zones humides ou les pollutions quelles qu’elles soient, et notamment celles produites par l’habitat diffus dont les maires savent aujourd’hui l’extrême difficulté qu’il y aura à les réduire sans financement particulier.

« Pour être clair, ce n’est pas en se focalisant, sur Charlas par exemple, sans procéder à toutes les expertises qui peuvent guider la décision que l’on fera de la bonne politique de l’eau, ni en dissimulant l’insuffisance des budgets à satisfaire les besoins en termes d’investissements. »

Dans le contexte du grand Sud-Ouest, cette interrogation sur le projet de barrage de Charlas une aberration à 280 millions d’euros, a fait l’effet d’une bombe, eu égard aux polémiques que suscite ce projet de barrage, résolument contesté par les défenseurs de l’environnement.

Nul doute que ces évènements soient de nature à dynamiser la grande enquête régionale que vient de lancer l’Agence pour influer “sur la politique de l’eau 2010-2015 » en application de la DCE d’octobre 2000 lqui impose aux Etats membres d’atteindre l’indice de “bonne qualité”, soit :

 un bon état biologique (richesse et diversité des peuplements aquatiques),

 physique (forme et état du lit et des berges, régime des eaux préservé et quantité suffisante en été,…)

 et chimique (matières organiques, nitrates, phosphores, métaux, pesticides, etc.).

Pour les eaux souterraines, il y a également le bon état quantitatif à prendre en compte.

Une mission que l’Agence évalue d’ores et déjà à 4 milliards d’euros sur l’ensemble de la zone d’intervention.

En surface 1/5 de la France, soit un territoire peuplé de 7 millions d’habitants, qui couvre deux régions en totalité - Midi-Pyrénées, Aquitaine - et quatre partiellement : Poitou-Charente (départements 16, 17, 79 et 86), Limousin (départements 19, 23 et 87), Languedoc-Roussillon (départements 11, 30 et 34) et Auvergne (départements 15 et 63).

La réalisation de ces actions de reconquête de la qualité des eaux a un coût qui a donc été estimé à près de 4 milliards d’euros sur la période 2010 – 2015.

Le public est invité à répondre à cette consultation jusqu’au 15 octobre 2008 via un site internet dédié à l’opération.

Marc Laimé - eauxglacees.com