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Puits et forages privés : contrôle renforcé

7 juillet 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les forages individuels, comme l’utilisation des puits implantés sur des propriétés privées, sources potentielles de pollution, se multiplient sans que la puissance publique soit en capacité de quantifier le phénomène avec précision. Un décret publié au Journal officiel le 2 juillet 2008 vient de préciser les obligations de déclaration et de contrôle de ces opérations, instituées par la loi sur l’eau du 30 décembre 2006 (LEMA), qui a considérablement renforcé en ce domaine les dispositions de protection et de préservation de la ressource en eau. Ce décret impose aux particuliers concernés, comme aux maires de leurs collectivités de rattachement, l’accomplissement de formalités dont la mise en œuvre risque de susciter quelques difficultés.



La LEMA modifiait l’article L.2224-9 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), en prévoyant la déclaration au maire de la commune concernée de tout prélèvement, puits ou forage, réalisés à des fins d’usage domestique de l’eau, au sens de l’article R. 214-5 du Code de l’environnement.

Un nouveau dispositif de contrôle, prévu par l’article L. 2224-12 du CGCT, permet désormais aux agents du service d’eau potable d’accéder aux propriétés privées pour contrôler les installations intérieures de distribution d’eau potable et les ouvrages de prélèvement, puits ou forages.

Le décret publié le 2 juillet 2008 précise le contenu de la déclaration en mairie, désormais obligatoire, ainsi que les modalités de ce contrôle (articles R. 2224-22 à R. 2224-22-6 du CGCT).

Cette déclaration en mairie doit être effectuée par le propriétaire de l’ouvrage, ou son utilisateur, au plus tard un mois avant le début des travaux envisagés. Elle comprend ses nom et adresse, la localisation précise de l’ouvrage et ses principales caractéristiques, les usages auxquels l’eau prélevée est destinée, par exemple son utilisation dans un réseau de distribution d’eau intérieur à une habitation, ou le rejet ultérieur dans le réseau public de collecte des eaux usées.

Ce qui entraînera en outre désormais la perception d’une redevance d’assainissement, puisque le traitement de ces eaux usées rejetées dans le réseau à partir d’une installation privée est bel et bien assuré par la collectivité de rattachement...

Un mois après la fin des travaux, le déclarant devra communiquer au maire la date d’achèvement de l’ouvrage, les modifications éventuellement apportées à la déclaration initiale et enfin, une analyse, effectuée par un laboratoire agréé, de la qualité de l’eau lorsqu’elle est destinée à la consommation humaine, au sens de l’article R. 1321-1 du Code de la santé publique.

On voit que boire l’eau du puits du jardin va désormais nécessiter l’accomplissement d’un véritable marathon administratif...

Innovation, le maire, qui disposera d’un délai d’un mois après la date de réception de cette déclaration pour en accuser réception, devra ensuite les enregistrer dans la nouvelle base de données qui vient d’être mise en place à cet effet par le Meeddat, et qui vise à faciliter la transmission de ces données au préfet et aux agents des services publics d’eau potable et d’assainissement.

Contrôle des domaines privés

La suite des opérations, prévues par les nouveaux textes, risque de susciter de nouveaux problèmes, au regard de ce que l’on peut déjà constater en matière d’assainissement non collectif ou de mise en conformité des branchements, dès lors que les agents du service de l’eau interviennent dans le domaine privé.

Le contrôle prévu par l’article L. 2224-12 comporte notamment, en effet, un examen des parties apparentes du dispositif (systèmes de protection et de comptage), le constat des usages de l’eau effectués ou possibles, ainsi que la vérification de l’absence de connexion avec le réseau public de distribution d’eau potable.

C’est le règlement du service de distribution d’eau potable de la collectivité de rattachement qui organise les modalités d’exercice du contrôle, dans le respect des règles énoncées par le décret, et fixe les tarifs des contrôles à la charge de l’abonné, en fonction des coûts exposés pour les réaliser.

(Nos amis autarciques vont grimper aux rideaux : contrôle payant du puits, contrôle payant de l’ANC, sans compter la taxe pluvial qui s’annonce coquette, et sans même s’aventurer sur les chemins des « remises aux normes » multiplicatrices de zéros sur les factures...)

L’abonné devra être informé de la date du contrôle, qui doit s’effectuer en sa présence (encore heureux !). Les agents nommément désignés par le responsable du service des eaux sont seuls autorisés à procéder aux contrôles. L’accès et la visite des lieux sont limités aux seules nécessités du contrôle. Hors les cas de risque de pollution du réseau public, un nouveau contrôle portant sur le même ouvrage et pour un même abonné ne pourra être effectué avant l’expiration d’une période de cinq ans.

On soulignera ici que près de 17 000 collectivités françaises, puisqu’il existe sur le territoire national autant de services de distribution d’eau potable, vont donc devoir réviser leur règlement de service à ce titre... On attend la publication des « indicateurs » qui rendront compte de l’avancement des travaux.

Autre point de friction à venir, lorsque l’ouvrage, ou les installations intérieures, ne présentent pas les garanties nécessaires à la protection du réseau public de distribution d’eau potable contre tout risque de pollution, le rapport de visite fixera les mesures à prendre par l’abonné.

(Ici le débat va inévitablement s’engager autour des prescriptions de la norme Afnor sur les forages d’eau et la géothermie, parue en avril 2007, puisque, concrètement, la conformité des installations sera appréciée vis-à-vis des dispositions arrêtées par cette norme Afnor, qui est, on ne le rappellera jamais assez, un organisme privé et non une institution publique.)

Dans ce cas de figure (risques découlant de la non-conformité), le rapport de visite sera adressé, outre à l’abonné, au maire de la commune concernée. A l’expiration du délai fixé par le rapport, le service pourra organiser un nouveau contrôle et procéder, à défaut d’exécution des mesures prescrites, et après une mise en demeure restée sans effet, à la fermeture du branchement d’eau potable...

Là, ça promet.

Chaque année, avant le 1er avril (et ce n’est pas une blague), le service adressera au maire un bilan des contrôles effectués au cours de l’année précédente sur le territoire de la commune.

Ces dispositions entrant en vigueur le 1er janvier 2009, les travaux entrepris ou achevés avant le 31 décembre 2008 devront être déclarés au plus tard le 31 décembre 2009. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’Environnement, de l’Intérieur et de la Santé fournira ultérieurement des précisions supplémentaires.

On souhaite par avance bon courage aux maires et aux agents des services des eaux concernés.

Voir le décret n° 2008-652 du 2 juillet 2008, « relatif à la déclaration des dispositifs de prélèvement, puits ou forages réalisés à des fins d’usage domestique de l’eau et à leur contrôle ainsi qu’à celui des installations privatives de distribution d’eau potable »,, paru au JORF n°0155 du 4 juillet 2008, page 10720, texte n° 4.

Lire aussi :

Contrôle des puits et forages privés : les lobbies encore gagnants

Gérard Borvon, S-Eau-S, 7 juillet 2008.

Marc Laimé - eauxglacees.com