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Taxe pluvial : l’addition va être salée !

5 juillet 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La gestion des eaux pluviales est un véritable casse-tête pour les collectivités qui en ont la charge, au premier rang desquelles les communes, puisqu’aucun financement spécifique n’y pourvoyait jusqu’à présent. La loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 a donc prévu l’instauration, optionnelle, d’une nouvelle taxe qui permettrait d’instaurer un financement pérenne, se substituant aux budgets généraux des collectivités, et donc à l’impôt, comme à la ponction jusqu’ici opérée sur les budgets annexes de l’eau et de l’assainissement. Il restait à en définir le taux et l’assiette. Qui va payer et combien ? Très attendu, le projet de décret qui doit être prochainement promulgué apporte des éclairages nouveaux sur un sujet qui ne va pas manquer de susciter d’intenses polémiques.



Un groupe de travail associant des représentants des ministères de l’Ecologie, des Finances, de l’Intérieur, des collectivités intervenant dans le domaine de l’assainissement en région parisienne, de la FNCCR, et de Veolia, Suez et de la FP2E, vient d’élaborer, au terme d’un an de réunions mouvementées, un projet de décret qui a été présenté à la Mission interministérielle de l’eau le 12 juin 2008, au Comité des finances locales le 1er juillet 2008, puis au Comité national de l’eau le 3 juillet 2008.

Le groupe de travail précité doit finaliser le 8 juillet au Meeddat la rédaction d’un « Guide d’accompagnement à la mise en place de la Taxe « pluvial » destiné aux communes », un document d’une cinquantaine de pages qui contient notamment, pour la première fois, une évaluation précise du montant de la taxe que devraient désormais acquitter les propriétaires de pavillons, les copropriétés, les grandes surfaces..., si les collectivités dont ils dépendent décident d’instaurer cette taxe, en l’état facultative.

Le projet de Guide d’accompagnement rappelle que :

« La taxe annuelle instituée par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques au profit des communes assurant la collecte des eaux pluviales vise un double objectif et un double bénéfice :

 Alléger la charge supportée par les contribuables communaux et les consommateurs d’eau qui financent aujourd’hui exclusivement la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux de ruissellement en appliquant les principes « pollueur-payeur » et de la « récupération des coûts » ;

 Inciter les responsables des déversements à développer des dispositifs de rétention à la source des eaux de ruissellement, leur permettant de réduire la taxe à laquelle ils seront soumis et limiter en conséquence la dépense publique correspondante.

Elle a l’avantage d’agir sur la totalité du « stock » des surfaces imperméabilisées. Son institution est par ailleurs facultative. »

Quand on sait qu’après des débats byzantins sur la notion de « surface imperméabilisée », de « raccordement au réseau public d’assainissement », de « bien immeuble »..., le projet de décret prévoit la création d’un service public d’assainissement pluvial, l’identification des redevables via les fichiers cadastraux, ou par défaut par estimation réalisée par les agents du service public d’assainissement pluvial, on commence à mesurer l’ambition du dispositif, qui aboutirait à ce que :

 le propriétaire d’un pavillon implanté sur une parcelle de 500 m2 acquitterait une taxe annuelle de 30 euros ;

 un immeuble de 4 étages comportant 24 appartements serait imposé à hauteur de 140 euros par an ;

 un local industriel et commercial d’une surface de 10 000 m2 serait assujetti à hauteur de 1200 euros par an ;

 un hypermarché dont la surface imperméabilisée qu’il occupe est estimée à 3,45 hectares, serait assujetti à hauteur de 6900 euros par an.

Cette taxation est nécessaire. On peut en discuter à l’infini le principe, l’équité, le taux, l’assiette, les modalités de mise en œuvre, le caractère facultatif...

Reste que tous les acteurs concernés dont désormais au pied du mur.

Les collectivités vont-elles jouer le jeu ?

Les grandes entreprises du secteur de l’eau vont-elles en tirer de nouveaux profits ?

La taxe va-t-elle contribuer à une évolution radicale des politiques d’aménagement et d’urbanisme, qui ont conduit à ce que la question du pluvial, ou plutôt l’absence d’une véritable politique du pluvial obère considérablement jusqu’à présent tous les efforts accomplis en faveur d’une gestion soutenable de la ressource ?

Les réponses qui seront apportées à ces questions détermineront en grande partie, avec les efforts accomplis ou non en matière de mise en conformité des branchements, une réelle amélioration, ou une stagnation déplorable des politiques publiques de l’assainissement.

A quoi sert en effet de contraindre les collectivités à investir des milliards d’euros pour procéder à la mise en conformité "réglementaire" des STEP, au regard des contraintes communautaires dépendant de la DERU 91, si en amont la lutte contre les pollutions diffuses demeure un slogan purement incantatoire ?

Le projet de décret
Exemples d’application de la taxe

Lire aussi :

Loi sur l’eau et taxe pour la collecte, le stockage et le traitement des eaux pluviales : le n’importe quoi gagne encore du terrain

Gérard Borvon, S-Eau-S, 7 juillet 2008

Marc Laimé - eauxglacees.com