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Bataille de l’eau en banlieue parisienne

24 avril 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les récentes élections municipales ont provoqué la désignation de nouveaux délégués par les 144 communes d’Ile-de-France membres du SEDIF, le plus important syndicat des eaux français, affermé depuis 1923 à Veolia et présidé depuis 25 ans par M. André Santini, maire d’Issy-les Moulineaux, et actuel secrétaire d’Etat à la Fonction publique du gouvernement de M. François Fillon. Le syndicat doit élire un nouveau bureau et un nouveau président le 15 mai 2008. Puis le comité syndical est censé se prononcer très rapidement sur le choix d’un nouveau mode de gestion à l’expiration de l’actuel contrat qui le lie à Veolia, le 31 décembre 2010. Mais pour la première fois une opposition au « consensus » qui prévaut depuis 25 ans se fait jour. Elus et usagers se mobilisent. La tension monte. Manœuvres et pressions se multiplient. La bataille de l’eau en banlieue parisienne est engagée.



Le trop long règne de M. Santini et sa conception très autocratique du pouvoir qu’il exerce sans partage sur le Sedif depuis 25 ans focalisent aujourd’hui les critiques qui se multiplient depuis plusieurs années sur les dérives d’une gestion confiée depuis 1923 à la Générale des eaux, aujourd’hui Veolia.

Et sous le masque de l’amuseur public ou du gestionnaire débonnaire qui présente un radieux Bilan du mandat 2001-2008 sur le site du syndicat, affleure le visage d’un homme dont les manifestations d’humeur semblent pouvoir revêtir une coloration inquiétante. comme le relatait le Parisien du 11 mars 2008, ou le site Backchich le 18 avril 2008.

Dans son édition de l’Essonne du mercredi 23 avril 2008 le Parisien a par ailleurs rendu compte du violent affrontement suscité par la procédure de désignation au SEDIF d’un nouveau maire-adjoint, récemment élu à Wissous, et bête noire d’André Santini, le militant Jean-Luc Touly, ex-salarié de Veolia, qui pourfend depuis des années les pratiques des majors de l’eau françaises.

L’incident témoigne de la tension croissante autour de la réunion du SEDIF du 15 mai prochain, qui procédera à l’élection de son nouveau bureau et de son nouveau président.

De l’aveu de plusieurs observateurs avertis, l’affaire est sans précédent en matière de fonctionnement de l’intercommunalité.

Titré « La guerre de l’eau aura bien lieu », l’article de Louise Colcombet décrit un invraisemblable imbroglio politico-juridique :

« Wissous peut-elle faire trembler la forteresse Sedif (Syndicat des eaux d’Ile-de-France) dirigée depuis un quart de siècle par l’actuel secrétaire d’Etat André Santini ? La commune essonnienne, récemment passée à gauche, est depuis ce matin au coeur d’un imbroglio juridique qui pourrait ébranler le puissant Sedif... Ou à défaut, montrer les ambiguïtés de cette énorme machine qui gère l’approvisionnement en eau de 144 communes d’Ile-de-France.

Jean-François Hommassel, élu d’opposition (gauche citoyenne) à Antony (Hauts-de-Seine) doit déposer ce matin un recours en référé auprès du tribunal administratif de Versailles.

« Objectif : faire invalider la désignation des représentants de l’agglomération des Hauts de Bièvres qui siégeront au syndicat des eaux. Wissous n’en ayant obtenu aucun. « C’est contraire au règlement interne qui stipule que chaque ville doit avoir un représentant, donc une voix », explique Jean-François Hommassel. 



« L’enjeu est plus politique qu’administratif. A l’approche de l’élection du président du Sedif, le 15 mai, certains rêvent de tourner la page Santini, le maire (Nouveau Centre) d’Issy-les-Moulineaux. « L’élection pourrait se jouer à quelques voix près, priver de sa voix n’est pas anodin », relève Jean-Luc Touly, adjoint au maire de Wissous.

« Ce dernier aurait voulu siéger au Sedif. Mais une autre décision du président de l’agglomération - Georges Siffredi, maire UMP de Châtenay-Malabry et premier vice-président du Sedif - l’en a empêché.

« Auteur de plusieurs livres sur les multinationales de l’eau, syndicaliste trublion licencié par Veolia, Jean-Luc Touly avait déposé en 2005 une plainte sur la gestion du Sedif par André Santini. « Touly ? Je ne sais pas qui c’est, évacue Georges Siffredi.

« Quant à Wissous, ce n’est pas une voix qui va faire la différence pour l’élection du président. » 

A défaut de pouvoir renverser André Santini, qui a toujours bénéficié du soutien d’une grande partie des élus de gauche, certains aimeraient au moins pouvoir influer sur un enjeu majeur : l’éventuel retour de la gestion de l’eau en régie municipale.

« Depuis 1923 et la création du Sedif, celle-ci a toujours été confiée au privé, et toujours à Veolia (anciennement Générale des eaux). La Cour des comptes et des associations de consommateurs ont, depuis, dénoncé le coût exorbitant de l’eau en Ile-de-France.



« Dans cette optique, les deux camps fourbissent leurs armes. Quelques maires, comme la verte Dominique Voynet à Montreuil (Seine-Saint-Denis) ou les socialistes François Lamy à Palaiseau et Philippe Kaltenbach à Clamart (Hauts-de-Seine), ont envoyé aux communes de gauche adhérentes au Sedif une lettre sans équivoque.

Le courrier du 18 mars 2008 aux 144 nouveaux maires d’Ile-de-France

« Aujourd’hui, André Santini (...) pèse de tout son poids pour que le contrat reste entre les mains du privé. (...) La désignation des délégués de chaque commune est donc un enjeu important car chaque voix va compter. » « Ceux qui veulent porter le débat apparaissent comme des perturbateurs, dénonce Dominique Voynet. A minima, il faut obtenir une vraie mise en concurrence des entreprises... »

Pour une gestion publique de l’eau en banlieue

Dans son édition du jeudi 24 avril 2008 l’Humanité publie une Tribune libre co-signée par l’animateur de ce site et le vice-président du Conseil général du Val-de-Marne, Jacques Perreux, engagé de longue date pour la défense de l’eau bien commun et du service public.

"Pour une gestion publique de l’eau en banlieue"

Appel pour une Coordination de l’eau en Ile-de-France

Conjointement, de nombreuses associations se mobilisent aux fins de susciter la création d’une Coordination Eau en Ile-de-France, et organisent une rencontre qui se tiendra le lundi 5 mai 2008 à Champigny-sur-Marne.

Rencontre associative à Champigny le 5 mai 2008
L’appel pour une Coordination Eau IDF

Réunion au Conseil régional d’Ile-de-France

Elus et associations se sont par ailleurs accordés pour inviter les représentants des 144 communes d’Ile-de-France concernés à se réunir le 6 mai 2008 au Conseil régional d’Ile-de-France avec pour objectifs :

 Réflexion sur le choix du mode de gestion de l’eau en IDF.

 Organisation à mettre en place pour agir en faveur d’une gestion publique de l’eau.

La réunion au Conseil régional d’IDF le 6 mai 2008

Remous à gauche

Dans le même temps quatre autres élus de gauche, membres de l’actuel comité syndical et du bureau du syndicat ont de leur côté appelé à une autre rencontre qui se tiendra le 13 mai 2008 à 20h30 à la mairie de Neuilly-sur-Marne, ouverte aux délégués représentant les villes de gauche présentes au Sedif...

On assiste bien à la fin d’un cycle. Le « consensus » obligatoire prend l’eau de toutes parts.

L’enjeu est considérable dans un contexte marqué par la remise en cause des rentes de situation allouées aux grandes entreprises du secteur de l’eau.

Une élection animée

Que va-t-il se passer le 15 mai prochain alors que se multiplient pressions, grandes et petites manœuvres ?

Le SEDIF est un syndicat mixte fermé qui a les mêmes règles de fonctionnement que celles qui régissent tous les Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui lui sont donc à priori applicables.

Par conséquent, les séances de l’organe délibérant sont (à priori) publiques.

Par ailleurs, les statuts du SEDIF précisent (article 6) : « Le comité élit parmi ses membres le président, onze vice-présidents qui constitueront le bureau. En raison de l’étendue du territoire syndical, la désignation des membres du bureau tient compte d’une représentation sectorielle. La composition des secteurs regroupant l’ensemble des communes et des EPCI est arrêtée par le comité. »

Aucun article du Code général des collectivités territoriales (CGCT) ne stipule qu’un acte de candidature préalable doit être formalisé. Les statuts du SEDIF ne le prévoient pas davantage. Cependant, l’usage privilégie des contacts préalables aux élections, ce qui permettrait également de préciser la définition des « secteurs ». Un parallèle pouvant être établi avec le fonctionnement des instances des autres EPCI : pas de formalisation des propositions, mais des discussions préalables sur les élus potentiels et le champ des délégations.

Quoiqu’il advienne, et à l’évidence d’autres rebondissements sont à attendre avant le 15 mai prochain, il ne semble pas que le cours du SEDIF puisse continuer ne varietur à sembler paisiblement couler à l’égal d’un long fleuve tranquille...

A song :

Arbeitlose Marsch

Lire aussi :

La fiche de M. André Santini sur Wikipedia

L’affaire Cristaline (3) : le bras de fer embouteilleurs-distributeurs

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 janvier 2007.

Les 45 mots qui vont faire gagner des milliards à Veolia pour les siècles des siècles

Les eaux glacées du calcul égoïste, 11 avril 2007.

La France d’après : l’exemple d’Issy-les-Moulineaux

Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 avril 2007.

Eau publique : le défi français

Carnets d’eau, 8 septembre 2007

La bataille du Sedif a commencé

Les eaux glacées du calcul égoïste, 9 janvier 2008.

Municipales (13) : Ile-de-France, appel à la mobilisation pour le retour en gestion publique du Sedif, plus important syndicat d’eau français

Les eaux glacées du calcul égoïste, 4 février 2008.

La colère de Santini face aux questions de Backchich

Backchich TV, 25 février 2008.

Municipales (35) : à Toulouse et Montreuil, les candidats répondent aux usagers de l’eau

Les eaux glacées du calcul égoïste, 4 mars 2008.

Loi Oudin-Santini : le détournement scandaleux de l’aide au développement

Gérard Borvon, S-EAU-S, 19 mars 2008.

Municipales et gestion de l’eau : l’étrange défaite

Les eaux glacées du calcul égoïste, 31 mars 2008.

Eau publique/privée : le piège tendu à 144 élus d’Ile-de-France

Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 avril 2008.

Les révoltés du Sedif

Backchich, 18 avril 2008.

Bataille de l’eau en banlieue parisienne

Les eaux glacées du calcul égoïste, 24 avril 2008.

Décidément même quand il s’agit de parler d’eau Sedif-ficile d’y voir clair...

Madjid déblogue, 24 avril 2008.

Marc Laimé - eauxglacees.com