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Dérogation à l’obligation de réalisation d’une évaluation environnementale pour certaines ICPE

14 janvier 2023

par Marc Laimé - eauxglacees.com

En réponse à la question d’un parlementaire, l’Etat fait montre d’une sidérante schizophrénie juridico-administrative.



La question écrite n° 03298 de M. Hervé Maurey (Eure - UC), publiée dans le JO Sénat du 20/10/2022 - page 5090

« M. Hervé Maurey attire l’attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur la possibilité de déroger à l’obligation de réalisation d’une évaluation environnementale pour certaines installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Ce faisant, il lui rappelle les termes de la question écrite n° 25646 publiée au Journal officiel des questions du Sénat le 2 décembre 2021 (p. 6644) qui, n’ayant pas obtenu de réponse malgré la question de rappel n° 26825, est devenue caduque du fait du changement de législature.

Le droit de dérogation prévu par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 permet à un préfet de déroger, sous certaines conditions, aux normes réglementaires notamment dans le domaine environnemental.

Des projets soumis à évaluation environnementale aux termes de l’article R. 122-2 du code de l’environnement ont été dispensés de cette obligation. Il en a ainsi été pour un projet d’éoliennes relevant du régime de déclaration mais soumis à évaluation environnementale du fait d’une emprise au sol supérieure à certain seuil.

Le recours au droit de dérogation pour ce type d’installations pose question à plusieurs titres.

D’un point de vue juridique, le décret prévoit que la dérogation accordée doit être compatible avec les engagements européens de la France.

Or, les dispositions prévues par l’article R 122-2 du code de l’environnement constituent des déclinaisons de directives européennes qui exigent que les ouvrages, travaux ou aménagements ayant des incidences significatives sur l’environnement fassent l’objet d’études d’impact.

Par ailleurs, compte tenu des nuisances dont peuvent être à l’origine ces installations, l’accord des habitants et des élus des territoires concernés par le projet d’implantation doit être recherché. Supprimer l’évaluation environnementale risque d’aggraver les tensions qui peuvent exister autour de ces projets.

Aussi, il lui demande sa position sur le sujet et si elle compte prendre des dispositions pour encadrer plus fortement le recours au droit de dérogation concernant ce type d’installations.
Transmise au Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. »

La réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, publiée dans le JO Sénat du 12/01/2023 - page 236

« Le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet donne aux préfets la possibilité de déroger aux normes arrêtées par l’administration de l’Etat lorsqu’ils prennent une décision non réglementaire relevant de leur compétence dans les matières suivantes :

  subventions ou concours financiers ;

  aménagement du territoire et politique de la ville ;

  environnement, agriculture et forêts ;

  construction, logement et urbanisme ;

  emploi et activité économique ;

  protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;

  activité sportives, socio-éducatives et associatives.

L’article 2 de ce décret prévoit quatre conditions pour permettre la dérogation :

- la première tient à l’existence d’un motif d’intérêt général à accorder la dérogation, lié notamment au projet de celui à qui elle bénéficie, et à l’existence de circonstances locales particulières ;

 la deuxième exige que la dérogation ait « pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques » ;

 la troisième exige une compatibilité avec les engagements européens et internationaux de la France ;

 la dernière condition interdit toute atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et toute atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Ce décret ne permet donc pas de déroger à des normes réglementaires ayant pour objet de garantir le respect de principes consacrés par la loi, tel le principe de non-régression, ni à des obligations issues du droit européen ou des conventions internationales.

Ce principe a été rappelé dans une circulaire envoyée aux préfets le 6 août 2020.

L’évaluation environnementale des projets est notamment encadrée par la directive 2011/92/UE. Celle-ci prévoit que les projets susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale.

L’article R. 122-2 du code de l’environnement liste ainsi en son annexe les catégories faisant entrer les projets dans le champ de l’évaluation environnementale systématique ou dans le champ de l’examen au cas par cas.

Pour que le préfet puisse utiliser son droit de dérogation, il est donc nécessaire que l’arrêté ne permette pas que des projets susceptibles d’avoir des impacts sur l’environnement échappent à une évaluation environnementale ce qui serait contraire à la fois au principe de non-régression et aux dispositions européennes précitées.

La circulaire du 6 août 2020 relative à la dévolution au préfet d’un droit de dérogation aux normes réglementaires est venue préciser les conditions d’application du décret, en rappelant que cette dérogation ne peut contrevenir aux engagements internationaux de la France, et en particulier au droit européen. En cas de doute, les préfets sont invités à saisir les directions d’administration centrale concernées par l’intermédiaire du ministère de l’intérieur Dès lors, sur le point soulevé, le droit de dérogation apparaît suffisamment encadré. »

Marc Laimé - eauxglacees.com