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Chronique d’une crise annoncée

10 janvier 2023

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Philippe Ledenvic, président de l’Autorité environnementale, vient de publier un texte dans lequel il souligne les insuffisances des politiques publiques de l’eau face aux enjeux du changement climatique.



« .../... La ressource en eau, un point devenu critique

D’ores et déjà, le bassin Adour-Garonne a connu des crises graves pour l’ordre public. Les retenues de Sivens et de Caussade ne sont que les symptômes dramatiques d’un fantasme : celui d’une ressource en eau éternellement disponible. Elles révèlent aussi que l’État de droit n’est pas respecté.

Les volumes concernés pour ces deux sites restent négligeables au regard du déficit prévu sur ce bassin à l’horizon 2050 (1,2 milliard de mètres cubes). Mais, dans le Sdage Adour-Garonne ne figure aucune référence à ces crises et à l’ampleur de la transition agroécologique nécessaire : ces sujets restent tabou.

En Loire-Bretagne, dans le Marais poitevin, les conflits sont aussi tenaces : non seulement entre l’agriculture et la société, mais parmi les agriculteurs eux-mêmes, entre les irrigants et les autres usagers ! La sécheresse de l’été 2022, nouvel indice de la récurrence des extrêmes climatiques, rappelle une fois de plus l’urgence d’une transition.

L’Ae avait alerté dans deux avis sur la nécessité de prendre en compte et d’anticiper les effets du changement climatique lorsque serait délivrée la demande d’autorisation unique de prélèvement qui doit permettre à l’Établissement public du Marais poitevin de répartir une ressource limitée pour tous les irrigants.

Alors qu’une vision d’ensemble s’imposerait, les conclusions du Varenne de l’eau ont été adoptées après l’approbation des Sdage révisés, comme s’il n’y avait aucun rapport entre celui-ci et ceux-là, et d’autant que les objectifs des Sdage semblent avoir été déterminés sans prendre en compte les effets du changement climatique sur la ressource en eau, en dépit des études-diagnostics conduites sur plusieurs bassins.

Le recours croissant à l’irrigation est envisagé comme la solution inévitable au changement climatique : une demande d’eau accrue en situation de pénurie !

L’Ae a d’ailleurs souligné que le plan stratégique national était particulièrement discret sur ce sujet, alors que l’adaptation de l’agriculture au changement climatique est pour elle une question de survie.

.../... Les « projets de territoire pour la gestion de l’eau » (PTGE) et les « plans climat air énergie territoriaux » (PCAET)

Si les PCAET ont été conçus pour que chaque territoire s’approprie les enjeux de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique et décline des objectifs nationaux, les PTGE sont des outils nécessaires pour concilier les enjeux de l’eau au plus près des acteurs des territoires, en particulier pour décliner les schémas d’aménagement et de gestion des eaux lorsqu’ils existent. Dans les deux cas, projets et plans ont vocation à servir une transition concertée au plus près des acteurs.

Dans quelques cas, des réponses ont pu être apportées à l’échelle territoriale pour mieux maîtriser les rejets d’intrants là où ils étaient excessifs ; la réalisation de bilans eau ou carbone à l’échelle des exploitations permet également d’établir un diagnostic de leur vulnérabilité et de faire des choix de cultures et de pratiques plus résilients.

On peut aussi espérer que ces projets territoriaux constitueront un moyen de recréer de la cohésion sociale dans des territoires en souffrance, de fonder un avenir moins incertain pour le monde agricole tout en évitant l’exacerbation des tensions.

https://revue-sesame-inrae.fr/vous-avez-dit-transition-agroecologique-chronique-dune-crise-annoncee/ 21 décembre 2022

Lire aussi :

Crise de l’eau en Europe : la situation est plus grave que ce que l’on pensait

https://www.nationalgeographic.fr/environnement/2022/12/crise-de-leau-en-europe-la-situation-est-plus-grave-que-ce-que-lon-pensait

Marc Laimé - eauxglacees.com