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Rennes : mobilisation contre un projet d’usine agroalimentaire polluante

29 mai 2022

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Une commission d’enquête a rendu un avis sur la construction d’une nouvelle usine Bridor, à Liffré, près de Rennes, à l’heure où les impacts sur la ressource en eau et la biodiversité du site sont pointés du doigt par les opposants au projet.



Le public a été invité à s’exprimer. Et le résultat est sans appel : 29 avis pour face à 200 avis contre la construction d’une usine productrice de 650 tonnes de pains et de viennoiseries à Liffré, au nord-est de Rennes. D’un côté, les défenseurs du projet mettent en avant les 500 emplois créés par la filiale Bridor du groupe Le Duff et des recettes recettes fiscales supplémentaires. Mais aussi la construction sur le sol français d’un projet qui se serait délocalisé ailleurs, là où les normes environnementales sont peut-être moins strictes.

De l’autre, les opposants fustigent la destruction de milieux naturels pour des emplois sans qualification nuisibles aux boulangers. Ou encore l’utilisation de matières premières non locales et des produits destinés à l’exportation, engendrant le trafic de 60 camions par jour et une forte consommation d’eau. Face à ces points de vue apparemment irréconciliables, une commission d’enquête a été chargée de rendre un avis. Verdict : favorable malgré de nombreuses réserves.

À Liffré, la future usine prévoit de s’étendre sur 21 hectares. 12 à 16 seront imperméabilisés, l’équivalent d’environ 20 terrains de foot. Alors que le conseil régional tente de réduire l’artificialisation des sols, le projet représente à lui seul « la surface consommée en plus de dix ans, entre 2009 et 2020 ». « L’imperméabilisation a un impact très important sur le milieu naturel par les répercussions sur les zones humides, le débit des cours d’eau du bassin-versant et la gestion des eaux pluviales » note la commission d’enquête. Un site « sensible », souligne-t-elle, qui a été malgré tout classé par la commune de Liffré en « nouvelle zone de développement économique ».

Les commissaires enquêteurs ajoutent que l’objectif de ne plus construire sur des espaces agricoles et naturels n’est pas effectif avant 2040. Et soulignent les efforts de Bridor pour limiter l’impact : un parking en « revêtement semi-perméable » et un magasin de stockage « de grande hauteur »

La filiale du groupe Le Duff avance qu’il est impossible, d’un point de vue « technico-économique », d’éviter la destruction de toutes les zones riches en biodiversité. Sur plus 10 000 m2 de zones humides identifiés, moins de 2 000 m2 seront préservés et une grande partie des haies intérieures devront être abattues.

L’industriel vise donc à « réduire » et surtout à « compenser » son impact. Un plan de 192 000 euros prévoit de recréer 9 548 m2 de zones humides sur des terrains publics proches, pour y transférer les espèces animales et végétales. « D’importantes mesures, mais dont l’effectivité n’est pas établie » pointe la commission d’enquête. D’autant que lors de la consultation, l’Office français de la biodiversité a pointé que « la création ex nihilo d’une zone humide présente un fort risque d’échec ».

Un risque qui soulève une autre question : comment garantir la préservation des lieux où les mesures de compensation seront mises en œuvre ? En les gravant dans le marbre du Plan local d’urbanisme, demande la commission d’enquête. Elle rappelle que l’objectif est de « garantir l’absence de perte de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité à l’issue du projet d’aménagement ».

De son côté, l’entreprise travaillera avec un écologue pendant les travaux. Ces mesures compensatoires seront suivies pendant 20 ans. « En cas d’échec sur les zones humides ou si les mesures sont jugées insuffisantes, des compléments seront déclenchés », promet Bridor.

L’un des enjeux majeurs reste celui de la ressource en eau. Selon Bridor, la consommation estimée de l’usine serait de 187 000 m3, soit l’équivalent de celle d’une ville de 6 200 habitants. Dans ses conclusions, la commission d’enquête pointe que « l’eau est un bien limité ».

Et surtout que la consommation du département devrait augmenter de 21 % en quinze ans, avec la forte croissance attendue de la population. À cela s’ajoutent les risques de sécheresse dus au réchauffement climatique. Elle regrette que la récupération et la réutilisation des eaux de pluie par les toitures ne soient « pratiquement pas explorées ».

La commission émet donc deux demandes : la réduction « par tous les moyens possibles » de la consommation d’eau potable et établir, tous les ans, un objectif à atteindre. Elle incite aussi les pouvoirs publics locaux à mieux coordonner les politiques de l’eau et à poser des priorités face à une ressource qui promet de diminuer.

Source Ouest-France.

Marc Laimé - eauxglacees.com