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Journée mondiale de l’eau : 22 associations et ONG demandent aux nouveaux élus de protéger la ressource en eau en France

19 mars 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Regroupant 22 associations et ONG françaises, la « Coalition Eau » est une structure informelle qui a été créée dans le courant de l’année 2007, après que l’ensemble des acteurs de l’eau français aient décidé lors du Forum mondial de l’eau de Mexico de constituer un
"Partenariat français pour l’eau." Initiative non exempte d’ambiguïtés puisqu’elle s’insère dans un dispositif auquel participent activement les grandes entreprises françaises du secteur. Réputée s’investir dans les programmes d’aide en direction des pays en voie de développement, la Coalition vient toutefois, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, et au lendemain des élections municipales, d’innover en interpellant tous les élus français, leur demandant d’agir afin de protéger la ressource en eau et l’accessibilité à l’eau potable. Un nouveau signal d’alarme qui souligne l’urgence de mesures fortes, et témoigne que, tant la nouvelle loi sur l’eau adoptée le 30 décembre 2006, que la tenue d’un Grenelle de l’environnement qui semble s’être évanoui, sont loin de répondre aux enjeux de la période.



La Coalition vient donc de lancer un appel aux maires de France récemment élus, leur rappelant qu’ils ont un rôle primordial dans la gestion de l’eau au sein de leur territoire et au-delà.

« Acteurs de référence aguerris aux réalités du terrain, chargés du bien-être concret de leurs administrés, ils sont (…) des alliés potentiels pour passer à l’action de façon concrète, explique la coalition. Ils sont aussi de puissants leviers susceptibles d’entraîner d’autres acteurs dans ce combat, ajoute-t-elle.

Trois dossiers sont pour la Coalition particulièrement préoccupants, et notamment « l’action pour un service public accessible et universel. »

Et d’enjoindre les maires de prendre les mesures opérationnelles nécessaires pour donner une résonance concrète au droit à l’eau dans leur commune, ce qui inclut notamment un prix de l’eau abordable.

Dans un contexte hautement polémique, marqué tant par les remous suscités par les récentes enquêtes de l’UFC-Que Choisir que par les mobilisations d’usagers lors de la campagne des municipales, l’initiative semble de nature à relancer, non pas tant les querelles sans issue sur le « juste prix de l’eau », notion à géométrie aussi variable que le montant de la facture, mais le problème de la régulation publique du secteur.

Un dossier dont le gouvernement se défausse depuis des années, en renvoyant à la création d’un Observatoire national du prix de l’eau, que doit mettre en place le nouvel Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA).

Autant dire que la polémique va inévitablement rebondir dans les mois qui viennent, sans que l’on puisse pour autant augurer de réelles avancées, tant l’emprise qu’exercent les grandes entreprises du secteur échappe jusqu’à présent à tout contrôle digne de ce nom...

Fidèle à ses « fondamentaux », la Coalition opte manifestement pour une stratégie dont l’avenir témoignera de l’efficacité. Elle enjoint en effet les maires à initier une réflexion sur la tarification et l’affectation de l’argent de l’eau.

Et leur rappelle ainsi que la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (Lema), votée en décembre 2006, a introduit une disposition permettant de proposer un tarif réduit pour rendre l’eau plus abordable pour les plus démunis, ceci lors même que la tarification de l’eau en France est historiquement fondée sur le tarif unique pour tous les usagers d’une même commune. 


Préserver la ressource

Témoignage s’il en était besoin que la France est bel et bien confrontée à une crise structurelle de la gestion de l’eau, en dépit des lénifiantes déclarations officielles, les ONG appellent également les maires à réagir à la mise en péril des ressources.

La Coalition souligne en effet, à juste titre, que l’état des ressources soulèvera à terme des problèmes de santé publique et écologiques inextricables.

Et demande donc aux maires de garantir et d’accélérer la protection des zones de captage exposées aux pollutions. France Nature Environnement soulignant que près de 100 captages d’eau potable dans des rivières ou des nappes souterraines sont déjà abandonnés en France chaque année pour cause de pollutions.

Et d’ajouter que quand bien même ces problèmes de pollution ne dépendent pas exclusivement de leurs pouvoirs de police, les maires n’en possèdent pas moins un pouvoir d’influence sur les acteurs économiques de leur territoire et ont un devoir de sensibilisation des usagers.

« Ne rien faire coûtera bien plus cher que d’engager des actions préventives : au nom de l’intérêt général, les maires doivent avoir le courage d’opérer des arbitrages, explique la Coalition. » 



La récente pollution de la Loire par Total l’illustre cruellement.

Elle appelle par ailleurs les élus à intensifier leurs actions de coopération solidaire pour l’eau potable et l’assainissement, en usant des facultés offertes, tant par la loi de 1992 sur la coopération décentralisée, que par celles aménagées par la désormais fameuse loi « Oudin-Santini » de janvier 2005.

Un terrain sur lequel, comme nous l’avons déjà exprimé à maintes reprises, nous ne partageons pas l’analyse de la Coalition, qui ne se résout pas à déroger à ses « fondamentaux »...

Polémique sur la loi « Oudin-Santini »

Ainsi le directeur général d’Action contre la faim, M. François Danel, publie-t-il dans le quotidien Le Monde daté du 20 mars 2008 une Tribune intitulée : « L’eau, un droit pour tous. »

Il y présente l’action que va conduire Action contre la faim le 20 mars, en lien avec l’Agence française de développement (AFD), soit des appels aux dons lors de manifestations publiques organisées à Ajaccio, Cannes, Lille, Bordeaux, Marseille, Brest, Montauban, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Nîmes, Caen et Paris, sur fond de promotion de la loi « Oudin-Santini. »

Sur la loi « Oudin-Santini », un dispositif qui divise profondément le monde associatif et politique français impliqué dans la défense de l’accès à l’eau, lire l’analyse magistrale de Gérard Borvon, animateur de l’association bretonne S-Eau-S, responsable des Verts et membre du Comité national de l’eau :

Elus municipaux et associations de solidarité : ce qu’on ne vous dit pas sur la loi "Oudin-Santini".

S-Eau-S, mercredi 19 mars 2008.

Au-delà de cette divergence, notable, la démarche à tout prendre inattendue de la Coalition eau témoigne de la gravité d’une crise, à laquelle le MEEDDAT n’apporte pour l’heure aucune réponse convaincante. A ce titre l’initiative de la Coalition participe donc d’une mobilisation plus que jamais nécessaire et urgente.

Créée en 2007, la Coalition Eau regroupe 22 associations et ONG françaises dont l’Association de Coopération entre Acteurs du Développement Urbain et Social, l’Association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement, les Agronomes et Vétérinaires sans Frontières, le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement, le Centre de Recherche et d’information pour le Développement, l’Association 4D, Eau Agriculture et Santé en milieu Tropical, Eau Vive, Fondation France Libertés, Green Cross France, Groupe de recherche et d’échanges technologiques, Helen Keller International, Hydraulique sans Frontières, Ingénieurs sans Frontières, Initiative Développement, Les Amis de la Terre, Réseau Foi et justice Afrique Europe, Secours Catholique, Caritas France, Solidarité Eau Europe, Toilettes du Monde, Triangle Génération Humanitaire et WWF-France.

Plusieurs conférences ou expositions célébreront par ailleurs la Journée mondiale de l’eau. A Paris, les 22 et 23 mars, sur la Péniche de l’eau dans le 19e arrondissement, une visite de l’exposition permanente et des ateliers pour les enfants sur le thème "Quelle eau pour demain ?" A Toulouse se tiendra le 20 mars une conférence sur les métiers de l’eau dans l’humanitaire. Le même jour, le ministre de l’Ecologie, M. Jean-Louis Borloo, est attendu à l’usine de production d’eau potable Edouard-Imbeaux de la communauté urbaine du Grand Nancy.

Marc Laimé - eauxglacees.com