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Eaux et rivières de Bretagne et la Frapna-Rhône sponsorisés par la fondation Veolia...

6 mars 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

A bien des égards, la « France de l’environnement » n’est pas sans rappeler les "villages Potemkine", ces décors de carton-pâte que l’administrateur favori de la Grande Catherine aurait, dit-on, fait installer le long du Dniepr au printemps 1787, afin de cacher la pauvreté des campagnes et d’égayer la croisière de sa souveraine et celle de ses courtisans. Tristesse.



La Fondation d’entreprise Veolia subventionne des centaines de « projets citoyens » en France et dans le monde.

La consultation du site dédié (accablante), nous rappelle cette sentence d’Adam Smith : "Les gens du même métier se rassemblent rarement, même pour se divertir et prendre de la dissipation, sans que la conversation aboutisse à une conspiration contre le public ou à quelque invention pour augmenter leurs prix".

Ici, nulle conspiration, juste des "partenariats", "durables"... Ces deux vocables incarnant désormais l’horizon indépassable de notre temps, sous forme d’abominable géhenne, aussi vivace que le chiendent...

 Eaux et rivières de Bretagne : Former les futurs utilisateurs de pesticides

« Pour réduire l’impact des pesticides sur l’environnement, l’association Eaux et rivières de Bretagne développe un programme de sensibilisation et de formation auprès des élèves des lycées horticoles, aquacoles et agricoles de la région. »

Comité du 6 décembre 2005 : 34 000 euros.

La pente est glissante. Un puits sans fond. Eaux et rivières s’apprêtant à récidiver en 2008, comme l’association l’a évoqué lors de son dernier conseil d’administration, avec une demande de subvention pour l’achat d’un véhicule pour le Centre régional d’initiation à la rivière, son bras pédagogique...

 Frapna Rhône-Alpes : Informatique stratégique pour la biodiversité

« En se dotant d’outils informatiques performants, l’association Frapna Rhône préserve sa capacité à intervenir efficacement en matière de protection de la biodiversité et d’éducation à l’environnement. »

Comité du 4 juillet 2006 : 15 000 euros.

La position d’Eaux glacées

Nous n’ignorons pas qu’après avoir massivement embauché des emplois-jeunes sous le gouvernement de M. Jospin, la quasi totalité des associations de défense de l’environnement ont du faire face à une situation dramatique quand celui de M. Raffarin a réduit drastiquement les crédits au "tiers-secteur" en 2004.

On nous dira que pour dîner avec le diable nos amis se sont dotés de longues cuillers (en bois bio).

Non, ici cette situation interpelle le corps social dans son ensemble, et en tout premier chef le politique.

Le jour même où M. Jean-Louis Borloo affronte le premier conflit social lié à l’explosive "réforme de l’Etat", les syndicats du Medad ayant appelé, unanimes, à la grève pour protester contre le démantèlement programmé du service public de l’environnement, on ne peut admettre que le seul recours du "tiers secteur" soit d’implorer l’obole d’une entreprise, Veolia, dont la filiale de transport calédonienne, Carsud, est agitée d’un « conflit social », qui voit plusieurs dizaines de ses employés, dont des syndicalistes, emprisonnés et violemment réprimés par les forces de gendarmerie françaises déployées sur le « Caillou »...

Au vu du maillage territorial et politique réalisé par la fondation Veolia, qui pourra et qui osera remettre en cause, s’il a reçu son obole, les pratiques de l’entreprise ?

Le politique et les politiques seraient bien inspirés de prendre l’affaire au sérieux. A laisser faire, à renvoyer au mécénat, à l’humanitaire, aux largesses "désintéressées" des entreprises "responsables", ils se privent de tout interlocuteur crédible.

On connaît la suite.

Pourquoi relayer ces informations ?

 "A quoi sert le journalisme ?"

"C’est la dernière saloperie de barrière qui nous empêche de sombrer dans la barbarie. Sans journalisme, sans circulation d’information, nous lèverions tous la main aux ordres de Big Brother. Le journalisme, c’est la voix des muets et l’oreille supplémentaire que Dieu donne aux sourds. C’est l’unique saloperie de métier qui vaille encore la peine dans la seconde moitié du XXe siècle. C’est l’équivalent moderne de la piraterie éthique, le souffle de rébellion des esclaves. C’est l’unique saleté de boulot amusant qui puisse encore se pratiquer. C’est ce qui empêche le retour au primitivisme des cavernes. Contradictoirement, c’est un domaine où, récemment, sont apparues des choses éternelles : la vérité, le mal, l’éthique, l’ennemi. C’est la meilleure des littératures, parce que c’est la plus immédiate. C’est la clé de la démocratie réelle, parce que les gens doivent savoir ce qui se passe pour pouvoir décider comment jouer leur vie. C’est la rencontre entre les meilleures traditions morales du christianisme primitif et celles de la gauche révolutionnaire de la fin du XIXe siècle. C’est l’âme d’un pays. Sans journalisme, nous serions tous morts et, pour la plupart, aveugles. Sans circulation d’informations véridiques, nous serions tous idiots. C’est aussi le refuge des rats, la zone la plus contaminée, après les forces policières, de notre société. Un espace qui se dignifie parce qu’on le partage avec les types les plus abjects, les plus serviles, les plus lâches, les plus corrompus. Et, par comparaison, il offre des possibilités d’héroïsme."

Paco Ignacio Taibo II.

 Discours des 20 ans du Centre de Formation des Journalistes prononcé par Philippe Viannay.

"Le journalisme, très au-delà des formes économiques ou institutionnelles dans lesquelles il s’exerce, est d’abord une magistrature qui appartient à la nation tout entière, magistrature la plus difficile, celle du témoignage et de l’opinion.

Quand un journaliste affirme, critique ou approuve, son acte doit pouvoir être revêtu, pour celui qui le lit, l’entend ou le voit, du sceau de l’indépendance d’esprit.

C’est très précisément en cela que la mission du journaliste se distingue des tâches de la publicité ou des besognes de la propagande. Il ne peut pas affirmer une chose à cause d’une autre. La presse est, devant la loi, responsable de ses dires.

L’apprentissage de cette indépendance d’esprit, qui est d’abord le fruit de la justesse de coeur et de la fermeté mentale, doit pouvoir se poursuivre après les enseignements donnés au cours des études secondaires, voire supérieures, dans des établissement spécialisés mais protégés de tout souci déformant d’efficacité ou de rentabilité immédiate."

A SONG :

Die Einheitsfront – Kurt Weill/Bertold Brecht

Marc Laimé - eauxglacees.com