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Pavillon ou HLM : les Français inégaux face à l’eau

22 février 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Etre propriétaire ou locataire, dans le parc privé ou social, habiter dans une grande ville ou à la campagne, change tout dans le rapport à l’eau. Dans un cas on a un contrat, avec une collectivité ou un distributeur, et on reçoit une facture. Du coup on s’y intéresse. Dans l’autre pas de contrat, pas de facture. L’eau est comprise dans les charges. Du coup deux France coexistent : ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Pire, pour ceux qui ne savent pas, c’est à peu près impossible de savoir afin de comprendre de quoi il en retourne. Depuis des années un débat fait rage entre les tenants de « l’individualisation », non pas des compteurs, comme le prétendent malignement Veolia ou Suez, mais des contrats, ce qui se traduirait immédiatement par une augmentation minimale de cent euros par an pour ceux qui n’en ont pas… Micmac identique pour les compteurs, comment ça marche, qui fait quoi ? C’est pas clair...



L’affaire est d’importance car non seulement elle modifie radicalement le rapport à l’eau et à ses usages, a un impact financier non négligeable, mais elle explique aussi, pour partie, pourquoi on se mobilise beaucoup plus autour de la question de l’eau dans une petite ville ou à la campagne qu’à Paris ou dans une grande ville de province.

L’idée de reparler un peu des compteurs nous est d’ailleurs venue à la réception du message ci-après qui nous a laissé un rien pantois, et muet, tout arrive…

« Bonjour, j’aimerais savoir si je peux acheter moi-même un module radio
émetteur, l’installer sur mon compteur d’eau et lire sur mon ordinateur
ou un appareil approprié mes consommations d’eau, ou le faire faire par un
artisan ? Dans quelle mesure puis-je le faire sans rajouter un compteur
supplémentaire après celui de Veolia par exemple ? »

Honnêtement, je ne sais pas ☺ M’enfin c’était pour dire qu’après avoir publié un précédent post titré « Les compteurs d’eau vont nous rendre dingos », nous voilà gros jean comme devant as arroseur arrosé...

Bref, compteur ou pas, ça change donc bien des choses, comme en atteste ce récent échange autour de l’épineuse question des compteurs. Et encore ne s’agit-il pas de télérelève ou de wiki !

L’animateur du blog « Dans mon HLM » s’inquiétait ainsi, à juste titre, le 5 février dernier, de la manière dont l’OPAC de Paris « gère » les compteurs d’eau de ses locataires :

« L’OPAC de Paris n’est pas propriétaire des compteurs d’eau individuels de son parc locatif (à vrai dire c’est la première fois que je constate qu’un propriétaire/bailleur n’est pas propriétaire de ses compteurs d’eau). Résultat, l’OPAC passe des marchés de location de compteurs d’eau et à chaque renouvellement du marché, les compteurs sont remplacés ! Le plus effarant, c’est que les compteurs remplacés sont souvent quasi neufs, car ils ont été installés quelques années auparavant.

Outre le caractère étrange de l’opération, les locataires doivent subir des dommages collatéraux très désagréables. Le plus fréquent : les fuites d’eau suite à « l’oubli » par le technicien qui change le compteur du remplacement des joints d’étanchéité, quand ce n’est pas purement et simplement « l’oubli » de la remise en place des joints d’étanchéité.

Il faut dire que pour remplacer plusieurs dizaines de compteurs en quelques heures, il faut bien gagner du temps quelque part. Pourquoi pas sur le remplacements des joints.

Un autre « grand classique » : le décompte de la consommation d’eau qui repart sur une base fantaisiste, bien différente du presque 0 que doit afficher un nouveau compteur.

En fait les locataires, pressés par le technicien, signent une fiche d’intervention sans pouvoir vérifier la concordance entre le dernier chiffre de leur compteur remplacé et le chiffre rapporté sur la fiche d’intervention.

Quand la régularisation de charge arrive, la surprise du locataire est parfois salée. Au locataire qui conteste, l’OPAC répond un péremptoire : « Vous avez signé ».

Normalement un compteur ne doit être remplacé qu’après un laps de temps assez long. Sur quelles bases textuelles et jurisprudentielles ?

Un bailleur peut-il imposer à ses locataires de fréquents remplacements de compteur d’eau ? Pour moi rien ne justifie un tel remplacement, sauf la vétusté du compteur remplacé ou si le nouvel équipement présente une avancée technique notable.

Ce qui me choque le plus c’est l’absurdité d’un marché de location de compteur d’eau. Il serait moins cher pour l’OPAC de passer un marché de fourniture de matériel pour l’achat des compteurs d’eau de ces logements.

Si j’étais mauvaise langue, je dirais que le remplacement des compteurs d’eau, opération aussi coûteuse qu’inutile, est une opération très rentable pour la société qui remporte le marché.

Payer une prestation inutile est un véritable gaspillage qui rapporte beaucoup à la société privée sur le dos des locataires. Quand on sait que ce sont toujours les mêmes sociétés qui remportent les marchés et qui se partagent le « gâteau », je me dis que l’on n’est pas loin d’une forme d’avantage financier occulte. »

La salsa du compteur

Parler de compteurs c’est agiter le chiffon rouge si notre ami lyonnais Jean-Louis Linossier (ACER, CACE, Attac 69 et on en oublie) est dans les parages… Ni une ni deux, il lui apporte donc les précisions suivantes :

« La gestion (relevé + entretien) des compteurs divisionnaires destinés à répartir la facture générale entre tous les copropriétaires (bailleurs), qui la répercutent à leur tour sur les résidents (locataires), est presque toujours confiée à un sous-traitant.

Que ce soit dans le cadre d’une copropriété privée ou malheureusement dans le cadre des OPAC ou des HLM.

De ce fait, les compteurs appartiennent à ce sous-traitant, qui impose qu’il en soit ainsi, par contrat, et pour assurer la qualité du service qu’il rend.

C’est bien sûr ce qu’il prétend. C’est bien entendu abusif mais accepté par des responsables poliques et/ou associatifs ou des syndics qui ont une caractéristique commune : ils devraient défendre les usagers.

Chose qu’ils ne font guère dans ce cas d’espèce. Pourquoi ? Vous avez sans doute votre idée.

La charge de ce service est bien sûr intégralement répercutée sur le résident (copropriétaire ou locataire).

Ce sous traitant est d’ailleurs presque toujours une filiale de Veolia, Suez-Lyonnaise ou Saur qui gagnent ainsi sur 2 fronts : le contrôle et le relevé du compteur principal contractuel, et celui des compteurs divisionnaires.

Un coup au grattage, un coup au tirage ; double bingo sur le dos des usagers.

Je trouve d’ailleurs la situation décrite ci-dessus un peu optimiste dans le mesure ou les compteurs ne sont que très rarement réellement remplacés lors des changements de sous-traitants.

Et qui peut vraiment vérifier qu’ils facturent ou non une prestation, réalisée ou non, promise par contrat ?

Quant aux fuites, on les constate plutôt dans le cas de non-changement des compteurs avec l’usure par vieillissement du joint en question.

Il faut savoir que la copropriété peut en général revendiquer la propriété réelle des compteurs du fait de leur âge réel (leur amortissement étant en général terminé au bout de 14 ou 15 ans), et confier le soin des relevés au gardien ou concierge, moyennant une petite rétribution et faire intervenir le plombier local en cas d’anomalie.

Il faut savoir que le service étant facturé entre 15 et 20 € par les sous- traitants pour un compteur de moins de 50 €, tout le monde ne peut qu’être gagnant en agissant ainsi.

A noter qu’aussi bien des copropriétaires que des locataires, aussi bien d’ailleurs privés que dépendant du domaine public (OPAC, HLM, ...) peuvent être d’autant plus facilement abusés qu’ils ne voient jamais les factures correspondantes (eau et compteurs divisionnaires), puisque le montant de leur facture d’eau est inclus dans leurs charges de copropriété ou locatives… »

Marc Laimé - eauxglacees.com