Retour au format normal


Bretagne : un assainissement défaillant à l’origine de pollutions chronique

5 avril 2021

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Stations d’épuration qui débordent par fortes pluies, canalisations d’eaux usées qui fuient, raccordements anarchiques pour accueillir de nouveaux habitants… Faute d’intérêt et d’investissements suffisants, la Bretagne se heurte à l’obsolescence de ses réseaux d’assainissement, sources de pollutions chroniques.



Début 2021, l’ordre du préfet des Côtes-d’Armor de geler les permis de construire dans 18 des 57 communes de l’agglomération de Guingamp-Paimpol a fait l’effet d’une bombe. Motif ? La vétusté des réseaux de traitement des eaux usées et la non-conformité de bon nombre de stations d’épuration.

En 2019, une station de l’agglomération a rejeté ses eaux usées pendant 90 jours dans le fleuve côtier du Trieux, constate amèrement Dominique Le Goux, membre de l’association Eau et rivières de Bretagne. Quand il pleut beaucoup, il y a régulièrement des intrusions d’eaux pluviales dans les stations qui voient arriver des volumes qu’elles n’ont pas la capacité de traiter, entraînant des rejets dans les rivières et des pollutions chroniques, raconte-t-elle.

Dans le Grand Ouest, les défaillances des réseaux d’assainissement sont régulièrement dénoncées par les conchyliculteurs, dont les coquillages filtreurs sont les premiers réceptacles involontaires de virus ou bactéries d’origine humaine présents dans l’eau.

« L’assainissement, c’est notre bête noire. Les stations d’épuration ne sont ou pas bien dimensionnées ou pas bien étanches ou pas bien réalisées », reconnaît Philippe Le Gall, président du Comité national de la conchyliculture, qui évalue le préjudice annuel à des millions d’euros.

L’Ifremer, qui surveille les marqueurs de contamination fécale dans 413 zones conchylicoles de France, a estimé que seules 22 % avaient une bonne qualité de l’eau en 2019, contre 72 % une qualité moyenne.

« Sur nos 55 systèmes d’assainissement, 21 sont considérés à divers degrés comme non conformes, le travail est colossal », témoigne Gervais Egault, vice-président de l’agglomération Lannion Trégor Communauté, qui prévoit d’investir 96 millions d’euros jusqu’en 2025 dans l’assainissement.

Des travaux très coûteux mais techniquement difficiles et peu valorisants pour les élus, commente Gilles Huet, d’Eau et Rivières.

« On défonce les rues pour des travaux sous terre, sans impact immédiat sur les gens comme par exemple une crèche, si bien que pendant longtemps, les collectivités ont fermé les yeux en continuant à attribuer des permis de construire », poursuit-il.

« 400 000 habitants supplémentaires en Bretagne d’ici à 2040 »

Mais le vent tourne. En décembre, le gouvernement a ordonné aux préfets de faire preuve de fermeté pour obliger les collectivités à respecter la directive européenne sur le traitement des eaux résiduaires urbaines. L’Hexagone étant déjà en infraction, toute nouvelle infraction importante […] expose la France à d’importantes sanctions financières, prévient le gouvernement.

« La Bretagne devrait accueillir 400 000 habitants supplémentaires d’ici à 2040 mais avec quelles ressources naturelles et quelles capacités épuratoires ? », s’interroge Thierry Burlot, vice-président de région, pour qui l’accès à l’eau et à l’épuration va devenir le premier critère d’installation.

« Toutes les régions de France sont concernées. Moins il y a d’eau, plus il y a de tensions », ajoute l’élu, également président du Comité de bassin Loire-Bretagne.

Selon la Fédération des entreprises de l’eau (FP2E), il manque 2,5 milliards d’euros d’investissement par an dans les réseaux d’eau potable centenaires, et d’assainissement construits après-guerre.

« Le taux de renouvellement est de 0,4 % sur les canalisations d’eaux usées. Cela suppose une durée de vie théorique de 230 ans, alors qu’elle est deux à trois fois inférieure », résume Tristan Mathieu, délégué général de la FP2E.

« Un sous-investissement chronique qui s’explique notamment par l’inflation des coûts, alors qu’augmenter le prix de l’eau reste un totem politique », analyse André Flajolet, de l’Association des maires de France. « Avec la recherche des micropolluants, les stations d’épuration sont d’une complexité croissante et le coût de traitement des eaux usées dépasse celui de l’eau potable », souligne-t-il.

Outre l’obsolescence des réseaux et l’urbanisation non maîtrisée, la recrudescence d’épisodes météorologiques intenses inquiète. Selon Jean-Côme Piquet, chef de projet à l’Ifremer, ces épisodes, notamment pluviométriques, peuvent provoquer de gros apports de contaminants. Inversement, quand l’étiage des rivières est bas, le milieu récepteur est plus sensible aux pollutions, souligne Tristan Mathieu.

Source : Ouest-France

https://www.ouest-france.fr/bretagne/un-assainissement-defaillant-a-l-origine-de-pollutions-chroniques-en-bretagne-279a6e24-9204-11eb-8153-111acea7321d

Lire aussi :

La Penzé anéantie sur plusieurs kilomètres

https://www.eau-et-rivieres.org/pollution-penze-avril2021

Eau et rivières de Bretagne, 3 avril 2021.

Marc Laimé - eauxglacees.com