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Municipales (26) : A Lyon, les usagers de l’eau se sont fait rouler dans la farine avant les élections...

14 février 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Hasard du calendrier, la Communauté urbaine du Grand Lyon devait, à moins de dénoncer le contrat, ce qu’elle s’est bien gardé de faire, convenir des termes d’une révision quinquennale dudit contrat qui la lie depuis 1995 à Veolia et à une filiale de Suez, avant la fin du mois de décembre 2007… Nous avons déjà longuement narré les péripéties qui ont accompagné la mobilisation des usagers de l’eau lyonnais depuis une dizaine d’années. Alors que la ville et les opérateurs annonçaient triomphalement une baisse du prix de l’eau, il y a à peine deux mois, un représentant des usagers lyonnais dénonce vertement la supercherie. Ici, comme en d’autres domaines, un étonnant tropisme rhodanien semble frapper tout le spectre politique qu’interpelle aujourd’hui, à raison, notre ami furieux des palinodies des très (trop) modérés édiles lyonnais…



Le texte ci-après a été établi par Jean-Louis Linossier, animateur de l’Association des consommateurs d’eau du Rhône (ACER), membre de la Coordination des associations de consommateurs d’eau (CACE) et d’Attac 69.

« L’eau du Grand Lyon : on vous a promis, élections obligent, 0.285 € / m3 de baisse du prix de l’eau au 1er janvier 2008. Une inflation annuelle moindre et contrôlée de ce prix de l’eau. Et si on vous avait trompé ?

Suite à la négociation de la révision quinquennale des contrats de distribution d’eau, on vous a dit : « A partir de 2008, l’eau augmentera 2 fois moins qu’avant, car on a obtenu de Veolia et de la SDEI qu’ils acceptent de modifier la formule absconse qui faisait augmenter le prix de l’eau de 4 % par an ».

Une simulation sur les 5 dernières années passées n’aurait en effet donné que 1.7 % d’augmentation par an, au lieu des 4, et plus, de l’ancienne formule.

Pourtant, on peut douter de la sincérité de cette promesse car, au premier semestre de 2008, le prix de l’eau distribuée augmentera de 1.5 % soit 3 % sur l’année…

On est donc loin du compte, car les 3 % au lieu de 4 % en cours de réalisation, alors que l’encre de la signature des accords est à peine sèche, et alors que l’inflation n’est que de 2 %, et que les charges surévaluées du service sont à la baisse, sont loin d’être au niveau des revendications que le Grand Lyon lui-même mettait sur la table de négociation.

Ne pensez-vous pas qu’on se moque de vous ?

On vous a dit aussi : « 0.285 € / m3 de baisse du prix de l’eau nous permettra de reprendre 400 millions d’€ à Veolia et la SDEI sur ce qu’ils nous auraient surfacturé durant les 8 années de contrat qui restent à courir. »

Mais on ne vous a pas dit que les Veolia et SDEI nous doivent à ce jour plus de 500 millions d’€ qu’ils nous ont surfacturés depuis 1986 !

Pire, on ne vous dit pas que le président Collomb, pensant faire un bon mot, a balayés ces 500 millions d’euros d’un revers de main accompagnant cette déclaration définitive : « Faisons table rase du passé ».

On mesure la considération qu’il accorde aux usagers dont il est censé défendre les intérêts !

500 millions d’€, ce sont plus de 1850 € par abonné, soit plus de 4 années d’eau gratuite pour ces mêmes usagers.

Rappelons que l’ACER, l’Association des consommateurs d’eau du Rhône, revendiquait, au bénéfice des usagers, une baisse immédiate de 0.92 € par m3 (0.53 à la charge des fermiers et 0.39 à la charge du Grand Lyon, lui-même redevable de 0.39 €/m3).

Chiffres jamais démentis dans les réponses aux lettres recommandées adressées à ce président sans mémoire. Le compte est donc loin d’y être.

D’autant que les 500 millions d’€ surfacturés n’ont pas été pris en compte dans la négociation de la révision quinquennale, sauf peut-être les 75 millions du renouvellement des installations arrivant en fin de vie, ce qui reste à vérifier.

Même les partis politiques et leurs regroupements politiques au Grand Lyon, vous trompent. Nous les avons tous interrogés, surtout d’ailleurs ceux de gauche, car ce sont eux qui vous trompent le plus, puisqu’ils sont aux affaires.

On ne va en effet pas demander à ceux de droite de se déjuger. Ils ont signé et approuvé en 1986 (et à quel prix ?) le contrat léonin qui permet aujourd’hui, et pour huit ans encore, aux fermiers de surfacturer leurs services. Ils ne sont naturellement pas prêts à renier la signature en question. Du moins c’est ce que nous avons cru comprendre.

En clair, voici où en sont les positions des partis de gauche, telles qu’elles nous ont été transmises.

Nous leur avons posé la question suivante : dans le contrat de mandature qui vient de sceller votre alliance pour les élections de 2008, avez-vous spécifié, comme en 2001, que vous ne remettriez pas en cause les modes de gestion des services publics, et notamment celui de la distribution d’eau potable, donc que vous excluez l’éventualité même du retour en régie ?

Vous engagez-vous à permettre à la CCSPL d’étudier les tenants et aboutissants d’une rupture anticipée des contrats ainsi que ceux d’un retour en régie publique ?

Du PC au PS, en passant par le GAEC, les Verts et les Radicaux, l’ACER a interrogé tous les groupes politiques du Grand Lyon, et aucun de ces groupes n’a répondu clairement à ces deux questions.

On peut donc penser que la mandature à venir verra ces partis souffrir de la même schizophrénie que durant les années 2001 à 2008.

Le passé va redevenir d’actualité. L’histoire va à nouveau bégayer.

Tous les nouveaux élus, comme leurs prédécesseurs (beaucoup d’entre eux seront d’ailleurs les mêmes et ceci depuis plusieurs décennies), vont stigmatiser la gestion privée, voire la cogérer sur la voie de droite de la stéréo, mais tous vont l’encenser et voter les quitus annuels, malgré le préjudice occasionné aux usagers alors qu’ils en connaissent la réalité, sur la voie de gauche de cette même stéréo.

Dans un document à venir, nous vous expliquerons les travers qui restent à corriger tout de suite, puisque la révision quinquennale a accouché d’un résultat pitoyable comme nous venons de le démontrer.

Nous vous expliquerons comment le Grand Lyon, pour masquer le coût réel de la propreté, en impute la charge sur le prix de l’eau de manière doublement illicite.

Une fois en facturant la consommation d’eau au forfait, et une deuxième fois en la sous facturant à 0.03 €/m3, alors que cette même eau vous est facturée 1.54 € / m3 (50 fois plus cher).

Cette manipulation permet évidemment de financer de manière illicite les services de la propreté et de l’assainissement par les usagers du service de la distribution d’eau potable.

Or ceci est contraire au principe selon lequel tout usager de la distribution d’eau potable n’est tenu d’acquitter que la stricte contrepartie du service qui lui est rendu. Or ni les services rendus par ceux de l’assainissement, ni ceux rendus par celui de la propreté, ne sont des services rendus par celui de la distribution d’eau potable.

Et même, troisième irrégularité, en ayant « oublié » d’équiper les bouches de lavage de compteurs, ce qui pourrait permettre de qualifier le Grand Lyon de « voleur d’eau » en référence au règlement de service appliqué aux abonnés du service, sans même évoquer les nouvelles dispositions ayant force de loi depuis l’adoption de la loi sur l’eau du 30 décembre 2006.

Ces trois irrégularités induisent une surfacturation d’au moins 0.39 €/m3 aux abonnés du service de la distribution d’eau potable.

D’autres anomalies (les plus coûteuses), n’ont pas davantage été corrigées par la révision quinquennale de 2007.

Un seul exemple, mais de taille puisqu’il pesait à lui seul plus de 0.24 €/m3 en 2006, et que cette somme va augmenter chaque année jusqu’à l’échéance du contrat en 2016, s’il n’est pas dénoncé avant son terme.

En 1986, nos chers élus ont accepté que l’annuité de la dette de la régie (14.79 millions d’€) soit intégrée dans le prix de l’eau pour un montant de 0.19 €/m3.

Cette année là, mais ce fut la seule, le prélèvement via les 0.19 €/m3, coïncida avec la somme réellement versée aux banquiers.

Depuis, alors que les remboursements aux banquiers diminuent, le prélèvement via le prix de l’eau ne cesse d’augmenter, au rythme de celui du prix du m3 d’eau, soit 4 % par an.

Ainsi, en 2006, les usagers ont été surfacturés de près de 0.25 €/m3, et à partir de 2013 et pendant 3 ans, nous serons prélevés de plus de 0.30 €/m3, alors qu’il n’y aura plus de dette à rembourser.

Au cours de la révision quinquennale, le Grand Lyon a cédé devant ses fermiers, Veolia et SDEI, dont il a objectivement défendu les intérêts contre ceux des usagers.

Cette situation est intolérable.

L’ACER la dénonce sans réserve. »

Lire aussi :

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Le dossier des municipales :

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Marc Laimé - eauxglacees.com