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Municipales (23) : Le guide « Eau » d’Attac-France suscite la polémique

12 février 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Dans le contexte d’élections municipales qui voient la question de la gestion de l’eau animer nombre de campagnes partout en France, la publication le 11 février 2008 par Attac-France d’un
guide réalisé à l’intention de ses militants, qui se positionne clairement, nul n’en aurait douté, en faveur de la republicisation de la gestion de l’eau, une partie de l’argumentaire de l’association d’éducation populaire a fait réagir un ancien membre du Groupe Eau d’Attac, Yann Olivaux, qui vient de publier un énorme et passionnant ouvrage, « La nature de l’eau ». Délibérément polémique, son intervention à le mérite d’interroger les fondamentaux doctrinaux des partisans de la republicisation, sous l’angle de leur prise de position en faveur de l’eau du robinet, opposée à l’eau en bouteille. Ce débat, qui s’est déjà développé quand Eaux glacées a longuement évoqué « L’Affaire Cristalline », à le mérite de souligner la nécessité pour les différents acteurs qui s’engagent en faveur d’une gestion démocratique et soutenable de l’eau de confronter approches « politiques » et enjeux environnementaux. Une convergence à peine initiée en France, qui pourrait contribuer à un plus large rassemblement de celles et ceux qui se battent pour l’eau. Eaux glacées publie donc cette contribution car elle nous semble de nature à provoquer un débat plus que jamais indispensable. Eaux glacées accueillera bien évidemment toute réponse que souhaiterait formuler Attac-France.



Le texte ci-après a été établi par Yann Olivaux :

« Avoir politiquement et économiquement raison mais sanitairement tort ! »

De janvier à mars 2007, Marc Laimé nous a rendu compte avec pertinence et truculence des enjeux de la guerre économique féroce entre l’eau du réseau et l’eau en bouteille à travers « l’affaire Cristaline » (épisodes 1 à 8). Quelques commentaires avisés soulignaient l’absence de la dimension sanitaire dans ce débat passionné sur l’eau que nous buvons (Cf épisodes 6 et 7). Voici qu’Attac relance le débat dans cette brochure du « Guide de survie dans la jungle du marché » avec l’encadré « Eau du robinet ou eau en bouteille ? ».

One more time, la dimension sanitaire est la grande oubliée dans le discours de lobbying des partisans de l’eau du robinet !

Décortiquons les facettes argumentaires.

Economiquement d’abord, il n’y a pas photo entre le coût moyen de l’eau du réseau et des eaux de source et minérale. Notons au passage que l’assertion « la France est le plus gros consommateur d’eau en bouteille au monde, juste derrière l’Italie » est inexacte ; « Les six premiers pays consommateurs sont respectivement les USA, le Mexique, la Chine, le Brésil, l’Italie et l’Allemagne. Quelques places plus loin, la France ».

Source : article « Explosion de la consommation d’eau en bouteille », mercredi 15 février 2006.

Ecologiquement ensuite, la production d’eau en bouteille n’est pas durable (fabrication et transport sans oublier que la production d’un litre d’eau embouteillé nécessite l’utilisation d’environ 50 litres d’eau – rinçage des chaînes de production…-).

Sanitairement pour finir, c’est là que le bât blesse ! En effet, il est logique que les opérateurs et les embouteilleurs soient dans leurs rôles respectifs de défense commerciale de leurs « produits », mais plus surprenant est le positionnement des milieux associatifs (environnementalistes et consuméristes) que l’on voit voler régulièrement au secours de l’eau du robinet en affirmant l’innocuité sanitaire de l’eau potable.

Quelle légitimité scientifique et médicale ces associations ont-elles quand elles se placent sur le terrain de la santé ? Leur discours est en tout point identique à celui du C.I.EAU (financé par nos chères Trois Sœurs) !

Pas un mot sur les résidus de pesticides, de produits de traitement de l’eau, la flopée de nouveaux polluants (résidus médicamenteux humains et vétérinaires)… non recherchés et pris en compte dans les limites de qualité actuelles de l’eau potable ! La récente émission « Service public » de France Inter du 30 janvier 2008 sur le thème « Qu’y-a-t-il dans l’eau du robinet ? » est un superbe exemple de mésinformation sur les dangers potentiels de l’aluminium dans l’eau.

Pourquoi dans un sondage effectué en 2005 sur les habitudes de consommation en eau alimentaire des Bretons, les personnes interrogées déclarent-elles boire de l’eau du robinet à 31% et de l’eau en bouteille à 78% ?

Ecoutons quelques opinions distanciées sur la qualité de l’eau que nous buvons, par exemple celle du Docteur Claude Danglot, longtemps membre du Laboratoire d’analyse des eaux de la Ville de Paris :

« En fait la réalité objective n’est pas "rassurante" car nous vivons dans un environnement polluant qui contamine les eaux souterraines et les eaux de surface. Ni les eaux des robinets (de nombreux niveaux de qualité sont possibles, et il n’existe pas "d’eau du robinet" unique), ni les eaux minérales embouteillées (de nombreux niveaux de qualité sont également observés) ne sont exemptes de polluants qui mettent en danger la santé humaine à long terme.

Il s’agit de cancérigènes, de reprotoxiques, de virus et de bactéries résistantes aux antibiotiques issus des pollutions agricoles et des élevages pour les eaux des robinets. Il s’agit également de cancérigènes et de reprotoxiques issus des plastiques embouteillants (chlorure de vinyle, bisphénol A, phtalates etc.), ou de bactéries résistantes aux antibiotiques issus des infiltrations des pollutions des élevages dans les nappes souterraines. Ces polluants "émergents" ne sont en général PAS pris en compte par les normes réglementaires.

En fait, il faut avoir à l’esprit qu’Il existe DEUX définitions de l’eau potable, définissant deux ensembles non superposables :

 Une définition réglementaire : une eau potable est une eau conforme aux normes réglementaires. Dans cette optique, l’eau du robinet et les eaux minérales embouteillées sont généralement potables, sauf accident.

 Une définition médicale : une eau potable est une eau qui ne rend pas malade, même à long terme. Dans cette optique médicale, ni l’eau du robinet ni les eaux minérales embouteillées ne sont potables, sauf exception. (L’affaire Cristaline (5) : Le point de vue d’un médecin, 26 janvier 2007 ).

Pour compléter ces informations, relisons également les commentaires (6) et (7) de l’Affaire « Cristaline ».

En conclusion, félicitations à Attac-eau pour ce guide de promotion de la gestion publique de l’eau (C’est une première historique que ce mouvement prenne enfin la mesure des enjeux de l’eau !), mais « carton jaune » pour la confusion de positionnement entre l’approvisionnement et la consommation en eau alimentaire.

En clair, on peut défendre l’apport en eau du réseau géré par le service public (comme votre serviteur), mais garder un discours critique sur l’impact sanitaire de cette eau sur le long terme.

Un certain nombre d’épidémiologistes à travers le monde notent la flambée des maladies dites de « civilisation » (cancers, allergies, maladies neurodégénératives…) et l’eau du robinet serait indemne de tout soupçon dans ce phénomène ?

Dernière remarque amère d’un ancien militant du groupe Attac-eau, les propos irrespectueux et parfois blessants quand l’eau est parfois traitée de
« flotte », les récupérateurs d’eau pluviale ou les buveurs d’eaux en bouteille de gogos…).

Débattre exige du respect pour l’eau et ses consommateurs quels qu’ils soient !

L’eau est une substance « ouverte » et le dogmatisme ne lui sied pas ! »

Yann Olivaux, auteur du livre « La nature de l’eau »

Le dossier des municipales :

Les mobilisations pour l’eau dans plusieurs dizaines de villes françaises

Marc Laimé - eauxglacees.com