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COVID-19 : Anne Hidalgo, les égouts de Paris et les rats…

11 mai 2020

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Nouvelles tensions autour du COVID-19 à la Ville de Paris. Après l’épisode calamiteux du nettoyage des rues avec de l’eau non potable contenant des traces de coronavirus, cette fois ce sont les égoutiers de la Ville Lumière qui ont déposé un préavis de grève renouvelable du 11 au 30 mai, afin de contraindre la Ville à les doter d’équipements protégeant leur santé, et à engager des recherches scientifiques sur la contagiosité du virus à partir des eaux usées. Une demande formulée depuis le début du mois de mars dernier, à laquelle la Ville n’avait pas répondu.



C’est à l’occasion de deux CHSCT tenus les lundi 4 et jeudi 7 mai derniers que l’affaire s’est emballée, comme le résume le communiqué de presse ci-après de la CGT – FDNDEEA :

« 3 millions de rats à Paris, ont-ils le Covid-19 ?

La capitale court-elle un danger sanitaire avec le coronavirus qui circule dans ses eaux usées à 1 million de génomes/litre ! Paris sera-t-elle obligée de dératiser ses égouts par un progestatif comme la ville de New York au lieu d’un anti-vitamine K ?

La Ville n’a lancé aucune étude sur le sujet pour le moment. Or nous savons que les rats, qui circulent en égout et viennent régulièrement en surface pour se nourrir peuvent être porteurs de l’hépatite E. Il n’est donc pas improbable qu’ils soient également porteurs du Covid-19 et qu’ils l’excrètent à leur tour.

Pour le savoir, il suffirait de faire des prélèvements sur des déjections (et pourquoi pas sur quelques spécimens) à intervalle régulier et de les faire analyser en laboratoire qui ont déjà en mains tous les outils et les technologies déjà éprouvés pour faire ces tests.

Au cas d’espèce, il faudrait analyser, non les matières fécales émises, mais de procéder directement par écouvillonnage PCR du rectum des rats.
Le rat étant déjà vecteur de maladie, il nous semble important que la population et les agents qui travaillent dans leur environnement sachent ce qu’il en est, pour en être protégés. »

A ce jour, alors que plus de 100 égoutiers parisiens ont déjà contracté le COVID-19, force est de constater que la Ville a trop longtemps traité par le mépris les inquiétudes des personnels du Service technique de l’eau et de l’assainissement (STEA), dépendant de la Direction de l’environnement et de la propreté (DPE).

Pourtant, dès le 29 avril dernier, un communiqué de presse commun aux syndicats CGT de l’assainissement de l’agglomération parisienne témoignait de l’urgence de mettre en œuvre des mesures exceptionnelles pour répondre aux inquiétudes légitimes que pose la présence du coronavirus en quantité considérable dans les eaux usées de la région parisienne.

Communiqué de presse CGT assainissement, 29-04-20 -.

Ensuite, dans un courrier en date du 30 avril adressé à Mme Celia Blauel, maire adjointe à l’eau et à l’assainissement, en sa qualité de présidente du CHSCT du STEA, les syndicats pointaient des dysfonctionnements récurrents.
Aucune réponse au droit d’alerte exercé dès le 6 mars, puis réitéré le 16 avril. Absence de toute diligence relative au péril sanitaire encouru par les agents et la population, et réitération de l’affirmation scandaleuse selon laquelle les équipements de protection individuels (EPI) fournis aux personnels seraient suffisants, alors qu’ils ne les protègent aucunement d’une éventuelle contamination par aérosols pouvant se transmettre, non seulement par voie respiratoire, mais aussi par les yeux. Et ceci lors même que les syndicats mentionnent très précisément le type d’équipement, disponible, qui les mettrait à l’abri…

Courrier CGT à Celia Blauel, 30-04-20 -.

Les syndicats transmettent ensuite le 3 mai au responsable du STEA un « PROJET D’ÉTUDE SUR LA PRÉSENCE DU SARS-COV-2 DANS LES ÉGOUTS
PARISIENS ET RISQUES ASSOCIÉS », qui détaille très précisément les diligences à effectuer pour préserver la santé des personnels, comme de la population. Il s’agit en l’espèce, non pas d’étudier la présence du COVID-19 dans les eaux usées, ce qui est un fait avéré par plusieurs études déjà réalisées, mais surtout d’évaluer la contagiosité éventuelle du coronavirus dans les eaux usées, ainsi que l’hypothèse de sa transmission par voie animale, ici les millions de rats présents dans la région parisienne.

Et de préciser :

« (…) Il est nécessaire d’identifier rapidement le type d’analyse possible en rapport des objectifs poursuivis.

Nous avons besoin :

 de cartographier et quantifier la présence du virus SARS-CoV2

 vérifier s’il est vivant et, le cas échéant, connaître sa durée de vie dans ces
milieux

 vérifier son infectiosité dans les effluents, les boues et sur les rats.

Les tests PCR sont essentiels pour quantifier le virus mais n’indiquent pas s’il est vivant et infectieux.

Un test spécifique est donc nécessaire, il s’agit de savoir s’il est disponible pour ce virus. Dans d’autres cas, des tests d’infectiosité dits par « méthode des plages » sont effectués.

Là encore, un partenariat scientifique semble nécessaire pour en vérifier la possibilité et l’organiser. »

Projet étude SARS COV, CGT, 03-05-20 -.

C’est dans ce contexte tendu que se tiennent deux réunions du CHSCT les lundi 4 et jeudi 7 mai.

Les représentants de la Ville finissent, après des échanges tendus, par s’engager oralement à la mise en oeuvre d’un partenariat de recherche scientifique qui permettrait de répondre à ces questions.

Nonobstant, les syndicats, instruits par l’expérience, n’en déposent pas moins le 5 mai un préavis de grève reconductible du 11 au 30 mai.

Préavis de grève à partir du 11-05-20 -.

Parallèlement la sénatrice (PCF) du Val-de-Marne Mme Laurence Cohen, vient d’adresser à Olivier Véran une question écrite lui demandant des explications sur l’ensemble de ces problématiques.

A suivre…

Lire aussi :

 SARS-CoV2 et transmission environnementale :

Une synthèse du 4 mai par la Société Francophone de Santé et Environnement sur ce qu’on sait (et aussi ce qu’on ignore) sur la transmission environnementale du SARS-CoV-2.

Le SARS-CoV-2, agent de la maladie appelée COVID 19, est apparu en Chine à la fin de 2019. Il est responsable d’environ trois millions de cas confirmés en laboratoire (au 28 avril 2020) (OMS, 2020). Avec le coronavirus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, également découvert en Chine, et le coronavirus responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) (De Wit et al., 2016), c’est le troisième coronavirus humain hautement pathogène à apparaître au cours des deux dernières décennies. La transmission se fait principalement de personne à personne par l’intermédiaire de gouttelettes. Mais que sait-on aujourd’hui sur la survie du virus dans les trois matrices environnementales que sont l’air, l’eau et les surfaces ?

https://www.sfse.org/article/sars-cov-2-et-transmission-environnementale

Des biologistes de l’environnement de l’université de Stirling signalent que la propagation potentielle de COVID-19 par les eaux usées "ne doit pas être négligée" dans la bataille pour la protection de la santé humaine.

https://www.sciencedaily.com/releases/2020/05/200506133603.htm

" Le transport des coronavirus dans l’eau pourrait augmenter le risque d’aérosolisation du virus, en particulier lors du pompage des eaux usées dans les réseaux d’égouts, dans les stations d’épuration, ainsi que lors de leur rejet et de leur transport ultérieur dans le réseau de drainage du bassin versant.

La charge atmosphérique des coronavirus dans les gouttelettes d’eau provenant des eaux usées est mal comprise mais pourrait constituer une voie respiratoire plus directe pour l’exposition humaine, en particulier dans les stations de pompage des eaux usées, les usines de traitement des eaux usées et à proximité des cours d’eau qui reçoivent des eaux usées traitées."

Marc Laimé - eauxglacees.com