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Débit réservé des rivières : le vrai scandale

30 août 2019

par Marc Laimé - eauxglacees.com

En réaction à des informations de presse dénonçant la parution d’un décret publié par le gouvernement au début du mois d’août, qui a assoupli l’obligation de débit minimal des cours d’eau, un observateur averti corrige les nombreuses omissions et approximations qui émaillent cette polémique.



Alors que 85 départements font l’objet de restrictions d’eau, le gouvernement a publié un décret qui assouplit l’obligation de débit minimal des cours d’eau, fragilisant la vie aquatique de centaines de rivières méditerranéennes.

L’affaire est partie d’un article du site Reporterre publié le 28 août, titré "En pleine sécheresse le gouvernement fragilise un peu plus les cours d’eau", dans lequel Jacques Pullou, responsable de FNE en Rhône-Alpes, ou Patrick Saint Léger, responsable du Syndicat national de l’environnement (SNE), stigmatisaient la décision gouvernementale.

https://reporterre.net/En-pleine-secheresse-le-gouvernement-fragilise-un-peu-plus-les-cours-d-eau

Notre observateur averti apporte au débat les précisions suivantes :

« Il faut prendre un peu de recul sur ce débat des débits réservés. J’observe en ce moment une attaque sur les quelques derniers canaux gravitaires de montagne dans les Cévennes gardoises. Leur prélèvement est devenu infime, pour des jardins à la périphérie de villages qui permettent à des retraités de produire leur base alimentaire. Sans avoir d’argument technique précis, l’agence de l’eau leur a coupé en deux leur dotation en imposant un débit continu de 1 litre par seconde ou moins, ce qui revient à rendre impossible les arrosages.

Du coup, les petits arrosants bricolent des acheminements avec des tuyaux en plastique ou en caoutchouc pour remplir un petit réservoir, et abandonnent les anciens canaux en pierre. Le résultat est désastreux en termes d’environnement et d’organisation sociale, mais le but avoué est de détruire ces derniers dispositifs au nom des « économies d’eau. »

Mais d’où vient l’assèchement ?

D’une part, c’est l’invasion des pins sur tout le massif qui entraîne une évapotranspiration permanente, et donc assèche les sources et les rivières de montagne, ainsi que l’abandon des terrasses (envahies par les pins), qui jouaient autrefois un rôle de régulation de la circulation de l’eau.

D’autre part, l’objectif est effectivement de donner la priorité à l’aval pour développer l’arrosage des vignes dans les plaines.

Enfin, l’assèchement des rivières ne provient pas des seuls canaux de montagnes. Il est aussi largement dû à la multiplication en aval des prélèvements d’eau souterraine aux moyens de forages licites ou non. La rivière s’assèche par le fond mais cela, personne n’en parle, en particulier dans les chambres d’agriculture et dans les agences de l’eau.

Par ailleurs, l’idée que l’irrigation gravitaire est du gaspillage est terrifiante. L’eau qui s’infiltre dans le sol assure aussi la continuité du déplacement des masses d’eau dans un hydrosystème complexe.

En rompant avec cette continuité d’eau souterraine et de surface, on finit par assécher les retours d’eau dans le lit même des rivières qui sont constituées de biefs avec des alimentations inégales en fonction de ces retours d’eau. Du coup, le débit réservé est difficilement applicable, en fonction de présence ou absence de résurgences.

Pour être plus concis, les cours d’eau ne sont fragilisés que par l’accaparement irresponsable des eaux souterraines par de gros préleveurs et non par quelques agriculteurs de montagne qui (sur)vivent avec leur patrimoine hydraulique. »

Marc Laimé - eauxglacees.com