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Adieu à Pierre Lazuly

28 mars 2019

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Un ami s’en est allé. Il y a longtemps que nous ne l’avions vu, ne lui avions écrit, ne l’avions appelé. Et nous nous en voulons. Comme Bartleby, son premier élan c’était toujours “I would prefer not”. Pourtant, pour le meilleur, il a changé la vie de centaines d’entre nous. So long my friend.



Sans toi Eaux glacées n’existerait pas.

Nous nous sommes connus par hasard.

Le hasard fait bien les choses.

Avec Fil, ARNO*, Davduf, Mona, Grosse fatigue, Pascale, Agnès, l’Homme moderne, et toutes celles et ceux que j’oublie, alors que fourbu, déjà chenu - enfin un peu plus que vous -, mais grâce à vous, en cette toute fin des années 90, je découvrais un nouveau monde, vous m’y avez accueilli.

Des années durant, lors même que rien ne nous y avait préparé, nous avons échangé, débattu, écrit, des jours et des nuits entières, deviné ce qui allait advenir.

http://www.uzine.net/rubrique100.html

Impeccablement deviné, hélas. Nul ne peut l’ignorer aujourd’hui.

https://www.monde-diplomatique.fr/1998/12/LAZULY/4198

Valentin, Laurent, l’armée des ombres...

http://www.confessions-voleur.net/confessions.pdf

D’emblée tu intriguais.

“I would prefer not…”

Toute ta vie.

Au fil des ans nous devinions, comprenions, notre vie, nos vies.

Nul besoin d’en parler vraiment.

Du moins le croyions nous.

Parfois nous en disions trop, par accident.

L’autre n’insistait pas.

Ton autre vie, l’entreprise dans laquelle tu travaillais, là j’avais tout compris vraiment.

A un moment, très long, c’était très dur.

Tu as survécu.

Et le temps a passé.

Dans nos vies, toutes nos vies, c’est toujours la même histoire, implacablement.

Pour des mois, des années, à cinq, dix, cent, nous partageons tout. Sommes assurés que ce sera pour la fin des temps.

Le temps passe, tout finit. Un jour, brutalement, ou pas.

Après chacun survit, ou non, ailleurs, avec d’autres, et tout recommence.

Un an, cinq ans, dix ans, un vertige.

Nos vies, et toutes et tous, au bord du vide.

Alors je me souviens de cette après-midi où, toutes vitres fermées, nous suffoquions en longeant la plage de Plestin-les Grèves, envahie par les algues vertes.

Je me souviens de ce jour où, depuis le Portugal où tu faisais du kayak, tu m’as radiographié en pleine nuit la co de ma box plantée depuis trois semaines dans les égoûts de Paris. Inoui.

Je me souviens…

Comme les ami(e)s que tu auras marqué à jamais, j’ai pleuré ce matin, Laz.

Je m’en veux à mort de ne pas t’avoir téléphoné ces derniers mois, même si j’ai su ce matin que tu ne répondais plus au téléphone.

Je voudrais te dire que ton “I would prefer not”, il me donne la force de continuer à me battre.

Juste parce qu’un monde sans romantique qui pêche le bar, c’est plus un monde.

So long Laz. On t’aime. Mais même te l’aurions-nous dit davantage, toujours aurait resurgi “I would prefer not”…

Ca ne nous console pas.

Marc Laimé - eauxglacees.com