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Peste porcine africaine : l’état protège l’export pas nos cochons !, par Titom (*)

31 janvier 2019

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Eleveur de porc bio en plein air dans les Hautes Pyrénées, Titom dénonce les errements de l’Etat face à une nouvelle épidémie de peste porcine africaine.



« Ça y est, le ministère de l’agriculture s’agite et prend le problème de
la peste porcine africaine à bras le corps. Il était temps, depuis le
temps que l’on en parle. Les grands moyens sont déployés : on fait
appelle à l’armée : objectif 500 sangliers abattus à la frontière belge.

Un seul but, garder notre statut de pays indemne, rassurer les investisseurs étrangers, pour ne pas enrayer la « belle »industrie » du porc français à l’export.

Toujours aussi mal conseillé, l’Etat s’apprête à pondre de nouvelles
normes de biosécurité pour que nos élevages de cochons en plein air
deviennent étanches à de potentiels sangliers contaminés.

Comme pour la catastrophe de Tchernobyl, les pouvoirs publics mentent en
déclarant que le virus n’a pas franchit la frontière belge. Comment
peuvent ils l’assurer alors que tous les sangliers abattus ne sont pas
systématiquement analysés ?

Alors que le cochon bio, de plein air ou fermier, se développe, que de
nombreux éleveurs intensifs se convertissent à l’extensif, l’état
s’apprête à prendre des mesures qui n’auront pour seule conséquence
que de faire disparaître ces élevages, qui eux vont dans le bon sens.

Combien de témoignages d’agriculteurs heureux d’avoir fui le système
intensif pour passer à l’extensif faudra-t-il pour que l’état comprenne que l’avenir de l’élevage de cochons ne peut plus passer par l’industriel ?

Pour nous éleveurs indépendants de cochons en plein air, le statut
indemne au niveau international ne compte pas puisque nous vendons
tout en local.

N’est-ce-pas ce type d’agriculture dite des circuits courts, de plus en plus plébiscitée par le consommateur qu’il faut à tout prix préserver ? Les courts déplacements de nos bêtes ou de nos produits ne valent-ils pas tous les murs du monde ? Vaut-il mieux nourrir nos voisins ou les quelques gros patrons de l’industrie ?

Cette histoire est représentative des choix que nous avons à faire
aujourd’hui pour l’avenir.

Les sangliers

Voilà l’exemple typique d’un problème qui s’est développé grâce à
nous. Nous lui offrons le couvert avec nos immenses champs de céréales
et le chauffage avec l’augmentation des températures à l’échelle
planétaire. De la bouffe et des hivers moins rigoureux, deux facteurs
qui favorisent le nombre et la réussite des portées. Si l’on rajoute à
cela la désertification humaine de certaines zones rurales, qui
forment des gigantesques réserves et l’absence de prédateurs, on a
tout fait pour eux.

Les chasseurs à qui l’on a depuis longtemps confié la « gestion » de
cette espèce ont bien réussi leur « élevage extensif ». Ici ils ont
volontairement introduits des cochon-gliers pour une meilleure
prolificité, là ils les nourrissent, là-bas ils refusent de tirer les
femelles.

Ne parlons pas de ces gestionnaires de chasse privées qui
pour le plaisir de la « haute » n’hésitent pas à faire rentrer
clandestinement des sangliers provenant de pays infectés (certains
diront qu’ils sont couverts par ces gens de la haute).

Les chasses en battues organisées actuellement n’auront pour autre conséquence que de déplacer le problème. Pour un sanglier tué combien passent entre les mailles ? Si l’on doit effectivement tuer des sangliers il faut que ce soit à l’affût et avec des silencieux pour éviter la dispersion.

Mettons donc les chasseurs dans les arbres avec interdiction d’en
descendre tant qu’ils n’en ont pas tué un....

Enfin avec l’absence de prédateurs (encore grâce à nous), les
sangliers n’ont aucune raison de ne pas se multiplier.

L’arrivée du virus est donc presque une bonne nouvelle puisqu’il n’y a aucune régulation naturelle. Si des loups arrivent, leurs techniques de
chasse étant bien meilleures que les nôtres, les familles de sangliers
risquent d’avoir plus souvent les oreilles dressées... Dans les zones
à ours, les analyses de crottes montrent qu’ils consomment aussi des
sangliers. Rien que nos braves toutous peuvent maintenir les sangliers
éloignés de nos fermes (les chasseurs auront au moins appris au
sanglier à se méfier des chiens).

Nos cochons

L’élevage industriel de cochon en France est en crise depuis de
nombreuses années. On ne compte plus le nombre de suicides dans cette
filière. On le sait, au niveau environnemental, ce mode d’élevage est
une catastrophe.

Au niveau social, les entreprises qui en dépendent vont de plans sociaux en fermetures. Seuls subsistent quelques gros groupes qui n’hésitent plus à se passer des paysans pour produire leur cochons.

Dans notre département la Fipso veut construire une nouvelle
usine à cochon alors que l’élevage de cochons en plein air est en
plein essor ! No PORCHARAN !

Si le sanglier peut être porteur, le virus bulgare qui à contaminé la
Chine (un million de cochons abattus en moins de six mois) n’est pas
arrivé par un sanglier. Comme pour la grippe aviaire, le virus préfère
nos transports pour aller plus vite, plus loin.

Il est donc urgent de ne manger que des cochons produits à proximité et ne plus dépendre de cette filière qui se sert de notre territoire pour l’export (ce qui contribue au réchauffement climatique voir le chapitre sur les
sangliers - la boucle est bouclée…).

Il est urgent de laisser s’installer, tous ces gens qui veulent faire « un peu de cochon mais pas que » afin de pouvoir s’en passer les années où une épidémie passe dans le coin.

Il est urgent d’arrêter de faire voyager cochons vivants ou produits transformés trois fois autour du globe avant de les consommer.

Bref il est urgent de passer d’un modèle de production intensive à un modèle d’agriculteurs résilients, d’une agro-industrie mondiale à une économie locale.

Contrairement aux bananes, je ne connais aucun endroit en France où l’élevage de cochon en plein air n’est pas possible (sauf peut-être sur le pourtour méditerranéen si on n’arrive pas à tenir cet objectif de 2°… encore lui...).

Si l’argent de la PAC doit servir à quelque chose, ce doit être pour
aider les agriculteurs en industriel à se reconvertir, développer les
élevages qui sont déjà en circuits courts, refaire des abattoirs de
proximité ou nous permettre d’abattre à la ferme.

En cas de problème sanitaire, nos petits élevages sont plus à même de se protéger. C’est facile de mettre à l’abri une cinquantaine de cochons beaucoup moins quand on en a 3 ou 400 (c’est en tout cas plus coûteux). A nous de nous protéger par des pratiques adaptées à nos fermes pas à des normes aveugles qui veulent transformer nos fermes en prison.

A nous paysans de refuser d’être une nouvelle fois victimes de la
mondialisation et de devenir acteurs du changement . A vous
consommateurs de ne plus acheter de viande industrielle quitte à
manger moins de viande (ça aussi c’est bon pour la planète !). »

Titom

Marc Laimé - eauxglacees.com