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Le gouvernement va (encore) relancer l’irrigation agricole

1er décembre 2018

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Le processus initié par Nicolas Hulot et Stéphane Travert le 9 août 2017 va connaître une nouvelle accélération, après l’intermède de la mission Bisch, et les tensions apparues lors de la publication du rapport éponyme. Dans ce contexte l’issue de la concertation engagée autour du projet de construction de nouvelles bassines dans la Sèvre Niortaise a déjà valeur de test. La préfète qui pilote le processus, qui a fait largement droit aux desiderata des irrigants, se prévalant (à tort ou à raison ?), du soutien de certaines APNE « historiques » et de certains élus du territoire concerné, veut signer un protocole d’accord ayant valeur d’engagement le 18 décembre prochain. Passage en force évidemment applaudi par la FNSEA, que dénoncent d’autres élus et acteurs de la société civile. La récente réponse ministérielle à un parlementaire, reproduite ci-dessous, témoigne que le ministère de l’Agriculture a totalement repris la main sur le dossier et va le réactiver fortement dès janvier 2019.



- La question écrite n° 07348 de M. Claude Bérit-Débat (Dordogne - SOCR), publiée dans le JO Sénat du 18/10/2018 - page 5245 :

« M. Claude Bérit-Débat attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur l’enjeu majeur que constitue l’augmentation indispensable des capacités de stockage d’eau en faveur des filières agricoles. 



Malgré une pluviométrie élevée lors du premier semestre 2018, les effets négatifs de la sécheresse de ces dernières semaines ont été particulièrement importants. Par ailleurs, ces phénomènes de sécheresse deviennent de plus en plus récurrents et sont les conséquences d’un dérèglement climatique que plus personne ne conteste aujourd’hui. 



Il y a un an jour pour jour, alors que la France traversait un épisode de sécheresse similaire, les ministres de l’écologie et de l’agriculture détaillaient plusieurs annonces prometteuses.

Aujourd’hui, l’heure est de nouveau à un triste bilan alors que les agriculteurs affrontent les conséquences de ce nouvel épisode qui affecte toutes les productions. 



Les professionnels demandent depuis plusieurs années un soutien financier et un allègement des normes afin de faciliter la constitution de réserves d’eau via notamment les retenues collinaires.

Plus largement une politique ambitieuse est attendue par la profession en faveur du développement des procédés d’irrigation, notamment dans le cadre du second volet des assises de l’eau lancé par le Gouvernement cet automne 2018, d’autant plus que le ministre de l’agriculture a annoncé début août 2018 que le grand plan d’investissement français, prévoyant 5 milliards d’euros pour l’agriculture, servirait lui aussi à financer l’irrigation. 



Or, les agriculteurs et les irrigants restent à ce jour sans aucune visibilité tant sur les moyens financiers qui seront réellement affectés que sur les mesures qui seront mises en œuvre. 



L’agriculture a déjà adapté ses pratiques et itinéraires culturaux au changement climatique, mais l’accélération et l’amplitude de celui-ci rend urgente la nécessité de lui donner les moyens de s’adapter.

Si l’innovation permettra elle aussi de continuer d’améliorer l’efficience de l’eau, son stockage est une des réponses de long terme indispensables. 



Aussi, il lui demande ce que compte proposer, de manière concrète, le Gouvernement en matière de stockage de l’eau à vocation agricole. L’enjeu concerne non seulement le monde agricole mais aussi l’ensemble de la société. »

- La réponse du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, publiée dans le JO Sénat du 29/11/2018 - page 6017 :

« L’agriculture est l’un des secteurs particulièrement exposés aux modifications hydrologiques et il est important de réduire la vulnérabilité de l’agriculture à un risque accru de manque d’eau dans le contexte du changement climatique.

Les orientations du Gouvernement en matière de gestion durable de l’eau, exprimées à l’occasion de la communication du 9 août 2017, s’inscrivent à cet égard autour de deux objectifs : encourager la sobriété des usages et réguler en amont la ressource ; faire émerger, dans l’ensemble des territoires, des solutions adaptées aux besoins et aux contextes locaux.

Le Gouvernement a installé fin 2017 une cellule d’expertise sur l’eau regroupant un représentant de l’assemblée permanente des chambres d’agriculture, de France nature environnement et des experts des ministères de la transition écologique et solidaire et de l’agriculture et de l’alimentation.

L’objectif de cette cellule était de passer en revue les projets de stockage d’eau et identifier les freins ou obstacles à leur réalisation.

Le rapport de cette cellule, publié le 26 septembre 2018, souligne l’apport de la démarche « projet de territoire » comme outil de médiation sur les économies et la gestion partagée de l’eau et recommande de faire évoluer le cadre d’action actuel afin de le rendre plus efficace.

Sur la base de ces recommandations, le Gouvernement a décidé d’encourager à partir du 1er janvier 2019 le recours à la démarche de projet de territoire pour la gestion de l’eau, qui privilégie une gestion concertée, partagée et équilibrée de la ressource en eau sur un territoire donné.

Une instruction sera transmise aux préfets pour dynamiser les projets de territoires et remobiliser les acteurs.

Un certain nombre d’actions concrètes, telles que l’élaboration de guide pratique ou la mise en place d’un centre de ressources, sont également initiées avec l’implication du comité national de l’eau, de l’agence française pour la biodiversité, de l’institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, afin d’aider les acteurs, en particulier les porteurs de projet, en ce sens.

Par ailleurs, la seconde phase des assises de l’eau, lancée début novembre 2018, est l’occasion de conforter la démarche de concertation afin d’aider les territoires et les acteurs économiques tels que les agriculteurs à être plus résilients face aux conséquences du changement climatique et plus performants aux regards des enjeux de gestion qualitative et quantitative de l’eau. »

Marc Laimé - eauxglacees.com