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Villefranche-sur-Saône (3) : quelle gestion durable de l’eau ?

21 janvier 2008

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Eaux glacées a déjà publié deux articles consacrés à la situation des ressources en eau à Villefranche-sur-Saône, et à leur pollution, que dénonce avec force arguments un usager dont les observations, analyses et interpellations semblent fortement déranger les autorités locales. Les deux articles précédents avaient suscité des débats animés, notamment parce qu’ils posaient la question de la réelle qualité sanitaire de l’eau « réglementairement » potable. Ce troisième texte apporte de nouveaux éléments de réflexion sur cette question sensible. Eaux glacées, comme nous l’avons déjà fait, accueillera bien évidemment tout point de vue qui éclairera ce débat.



Avertissement : Eaux glacées ne publie qu’exceptionnellement des contributions extérieures, qui ne soient pas rédigées par son animateur. Mais l’affaire de Villefranche-sur-Saône nous ayant déjà valu, entre autres, d’être contactés par TF1 qui enquêtait sur les problèmes de pollution de l’eau, tout arrive, plusieurs éléments nous conduisent à enfreindre la règle…

Tout d’abord nous avons pu vérifier, qu’outre l’auteur du billet ci-après, à Villefranche de nombreux autres usagers et associations agissent aussi pour l’eau : lettres aux élus et au préfet, réunions publiques…

Ceci dans l’indifférence générale puisque tant la ville que la communauté d’agglomération ou Veolia se bornent à dire, en substance, qu’à Villefranche « l’eau est conforme aux normes, tout va bien, il n’y a donc rien à faire de plus pour l’eau ».

Tous les élus ont réaffirmé que l’eau était parfaitement potable à Villefranche, et que les « rumeurs qui couraient sur internet » n’étaient pas fondées.

Comme quoi « la rumeur » les aura tout de même agacés…

Depuis des années, la DDASS, Véolia et les élus répètent que l’eau distribuée à Villefranche-sur-Saône est de très bonne qualité, et 99 % de la population semble le penser.

Au vu des informations diffusées par notre usager, Eaux glacées n’en considère pas moins que l’absence de tout dialogue local sur des pollutions avérées éclaire singulièrement la « gouvernance » locale.

Un exemple parmi d’autres, juste un peu plus caricatural que d’autres.

La parole à l’usager :

« En France, des millions d’habitants boivent une eau sans polluants (pesticides, solvants chlorés, perturbateurs endocriniens…), et sans aucun traitement polluant (chlore, aluminium, ozone).

De grandes agglomérations comme Grenoble (360 000 habitants), Mulhouse (180 000 habitants) distribuent même une eau non traitée et non chlorée.

La chloration de l’eau, cancérigène d‘après le Centre international de recherche sur le cancer, a été remplacée par une protection efficace de l’ensemble des bassins d’alimentation des captages, par des puits et des réservoirs totalement étanches, par un réseau d’eau bien entretenu, par de multiples caméras et alarmes pour contrer un acte de malveillance ou un acte terroriste.

Certaines administrations et groupes privés disent que la chloration de l’eau est obligatoire en France, c’est faux.

La chloration est une action de confort pour les administrations et les exploitants. Il suffit de mettre du chlore dans l’eau pour avoir 100 % d’analyses bactériologiques conformes, et pouvoir dire que l’eau est de « très bonne qualité », en oubliant tous les autres polluants.

En France, la moitié des collectivités sont en train d’appliquer la DCE (Directive Cadre sur l’Eau), c’est à dire de mettre en place des protections de l’eau sur l’ensemble des bassins d’alimentation des captages, et non uniquement dans les périmètres de protection.

Rappel, à Villefranche, la révision des périmètres est engagée depuis 27 ans et ça n’avance toujours pas. Un délai normal est de 3 à 5 ans pour une révision.

Villefranche n’a pas fait l’inventaire obligatoire des masses d’eau alimentant ses captages, le Nizerand alimente en eau environ 40 % des captages, la vérité officielle de la Communauté d’agglomération de Villefranche-sur-Saône (Cavil) et de la Préfecture est que le Nizerand alimente de façon négligeable les captages...

La plupart des collectivités en France appliquent l’article 7 de la DCE, qui enjoint de privilégier la protection des ressources au traitement de l’eau. A Villefranche on fait le contraire !

Voisin de Villefranche, le Syndicat des eaux du Val d’Azergues (45 000 usagers, exploité en régie directe, sans entreprise privée), a réduit ses fuites de 52 % en 1980 à 17 % en 1986. Comme à Villefranche, l’eau est traitée pour le manganèse, mais sans production d’aluminium toxique dans l’eau distribuée.

Il suffit de traverser la Saône, dans le département de l’Ain, pour voir des champs captants implantés à plus de 500 mètres de la Saône qui distribuent une eau de bonne qualité.

Dans le département du Rhône, les puits sont à moins de 100 mètres de la Saône.

Le traitement du manganèse

Le manganèse n’est pas un produit toxique, mais comme il trouble l’eau, il est indésirable.

Avant 1992, l’hydrogéologue agréé, c’est-à-dire la Préfecture ou l’Etat, avait demandé une étude à la Cavil (District à l’époque) sur l’origine du manganèse dans l’eau. Aujourd’hui 16 ans après, la Cavil n’a toujours pas réalisé cette étude.

Cette étude simple aurait établi que les puits les plus proches de la Saône (P10 et P11) sont touchés par le manganèse, et les puits éloignés sans manganèse (P1, P2, P3, P4, P5, P6, P14).

La solution du problème paraît simple : déplacer les puits trop proches de la Saône.

D’autant plus que les drains du P10 s’approchant à 20 mètres de la Saône, on boit de l’eau de Saône à peine filtrée, aberration déjà notée en 1976 par l’hydrogéologue agréé, du jamais vu en France, tout ça pour que l’exploitant puisse diminuer ses coûts de pompage et augmenter ses marges car nous avons l’une des eaux les plus chères de France.

Au lieu d’une solution simple, en 1998, la Cavil a installé une très coûteuse installation de traitement de l’eau pour enlever le manganèse.

Cette installation enlève un peu de manganèse, mais surtout elle ajoute de l’aluminium (soupçonné d’être l’une des causes de la maladie d’Alzheimer), et des THM (cancérigènes) dans l’eau distribuée…

La concentration en manganèse (non toxique) passe en moyenne de 70 µg/l avant traitement à 24 µg/l après traitement, mais la concentration en aluminium (toxique) passe de 0 µg/l avant traitement à 30 µg/l (pic à 52 µg/l d’aluminium au robinet de usagers) après traitement…

Les THM (cancérigènes) passent de 0,5 µg/l à 10 µg/l après traitement (pic à 45 µg/l de THM), le cis-dichloroéthylène passe de 0 µg/l à 0,6 µg/l après traitement.

Le chlorure de vinyle (très toxique) n’est même pas analysé dans l’eau traitée, alors que c’est obligatoire, et que le traitement du manganèse fabrique probablement du chlorure de vinyle.

En gros, on enlève un peu de manganèse non toxique, mais on ajoute des produits toxiques par le traitement.

Les 3 procédés de traitement, qui dégradent l’eau distribuée, sont utilisés ensemble : sulfate d’alumine, chlore et ozone.

Alors qu’il existe des procédés de traitement propres, sans ces produits toxiques, biofiltre pour enlever le manganèse, UV pour la désinfection, charbon actif pour les polluants…

Le problème du mercure

Une étude sur le mercure aurait due être réalisée depuis longtemps.

Que devient le mercure contenu dans l’eau et les sédiments de la Saône ?

Atteint-il les drains situés à 20 mètres de la Saône ?

Si le mercure n’atteint pas actuellement l’eau potable, il s’accumule alors dans les quelques dizaines de mètres entre la Saône et les puits.

Tous les autres polluants de la Saône posent le même problème d’accumulation : HAP, pesticides, produits de dégradations des pesticides, phtalates, nonyphénols, tributylphosphates, phénylétains, matières actives des médicaments, hormones…

D’où un problème de gestion non durable de l’eau.

Quand le filtre à sable naturel sera saturé, tous les polluants, dont le mercure, atteindront les puits d’eau potable. Cela commence déjà avec les HAP.

Avec un risque important de relargage brusque des polluants, phénomène d’instabilité bien connu, et donc d’impact sur la santé.

Je propose donc un projet de développement durable pour Villefranche et sa région.

La meilleure solution actuellement est l’abandon des captages actuels, et la création de deux nouveaux champs captants, l’un au nord de Villefranche, l’autre dans la nappe de la Dombes.

La zone de Besonne-Boitray permettrait d’implanter des puits de captage à plus de 500 mètres de la Saône.

Un projet de lettre pour la Préfecture, pour la Cavil, pour le Député, ne sera pas envoyé. Tant qu’il n’y aura pas une réelle volonté politique de gérer l’eau dans l’intérêt des habitants, non pour des intérêts privés, cela ne sert à rien d’envoyer des lettres. Deux mois après, on reçoit une réponse qui répète toujours la même chose depuis 10 ans : « Tout va bien, l’eau est conforme aux normes, nous maîtrisons la situation », mais dans la réalité rien n’avance dans le bon sens. »

Lire aussi :

Villefranche-sur-Saône (1) : trente ans de pollution du Nizerand

Villefranche-sur-Saône (2) : eau « potable » et risques sanitaires

Villefranche-sur-Saône (3) : quelle gestion durable de l’eau ?

Marc Laimé - eauxglacees.com