Retour au format normal


Précis de décomposition de la politique de l’eau

26 septembre 2018

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La lecture attentive de trois documents officiels, soustraits à l’attention du public, permet de comprendre les fondements, les logiques opératoires et les conséquences prévisibles de la destruction organisée des politiques publiques de l’eau, qui se poursuit et s’accélère dans l’indifférence générale.



- La lettre de cadrage de Nicolas Hulot aux présidents des Comités de bassin du 26 juillet 2018.

Ce document incarne et décrit la logique opératoire qui s’est déployée à partir du Grenelle de l’environnement. Ou comment les thématiques du climat et de la biodiversité ont conquis le leadership, renvoyant aux poubelles de l’histoire les anciens compartiments des politiques publiques du domaine de l’environnement, comme celle de l’eau.

(Nonobstant bien sur l’ardente nécessité de lutter contre le réchauffement climatique et de préserver la biodiversité, ce qui ne souffre pas débat, mais ce n’est pas la question ici).

Mais bien prendre en compte ici que l’irrésistible conquête de la bande à biodiv et climat c’est aussi et surtout une conquête du pouvoir. Qui s’incarne par une nouvelle hiérarchie des priorités, mais aussi et surtout une nouvelle hiérarchisation des plans de carrière, des postes, des crédits, des orientations de la recherche, et donc des réseaux, et donc de la bataille pour l’hégémonie culturelle, préalable obligé de la prise du leadership, bataille remportée haut la main par quelques dizaines de conjurés, pas plus et c’est ce qui est effarant, sous la mandature du Culbuto et de l’ambassadrice des pingouins, dont l’inneffable jobardise et l’incompétence abyssale ont grandement facilité le hold-up, via la loi Biodiv et la création de l’AFB, cheval de Troie de nos conquérants.

Voir ici, entre autres exemples, Diane, entre Elysée et Matignon, et retour.

Voir aussi, par exemple, dès l’entame de la lettre de cadrage de Hulot, que les Agences de l’eau sont rebaptisées opérateurs de la biodiversité et de la lutte contre le changement climatique… Comprendre que comme il n’y a évidemment aucun moyen de lever des fonds conséquents pour la biodiv et le change (comprendre leurs thuriféraires et les rentes de situation qu’ils en attendent), au sein du système, capitaliste et libéral, dans lequel nous sommes, il appert dès lors que l’unique solution c’est d’aller faire les poches des Agences de l’eau, sachant que l’oligarchie vieillissante et endogame du monde de l’eau sucre les fraises, n’a rien vu venir, et que l’opération a dès lors toutes les chances d’aboutir.

Noter que le drame ici c’est la conjonction mortifère de cette logique d’accaparement de la bande à biodiv et climat qui a rencontré la très ancienne rancoeur de Bercy vis-à-vis de la fiscalité affectée. Deux projets distincts qui se rencontrent fortuitement, dans une conjoncture favorable. Pour le pire.

Lettre de cadrage de Nicolas Hulot aux Présidents des Comités de bassin, 26 juillet 2018.

- Le projet de plan de mutualisation interagences du 1er juillet 2018

Comme les pleurnicheries rituelles des élus et de leurs associations, qui pilotent depuis des décennies le secteur mano dans la mano avec la haute administration n’émeuvent plus personne, et qu’avec Hulot et la Macronie, cette fois il y a vraiment le feu au lac, les directeurs d’Agence vont bien devoir manger leur chapeau. Et se démènent pour, de leur point de vue, “sauver les meubles”. C’est-à-dire décider sur qui va s’abattre le couperet de la réduction de crédits, désormais actée dans le marbre.

(On peut les comprendre, ils risquent leur tête, et Delduc et Guespereau, dircab de Lecornu, ne les lâchent pas d’une semelle...).

L’exercice est passionnant : on y lit à ciel ouvert le rapport de forces réel entre l’Etat, les élus et les collectivités, et les professionnels…

On y découvre aussi (outre le Rapport sur l’avenir des opérateurs du CGEDD-IGD que l’on connaissait déjà et qui sentait furieusement le sapin), l’adhésion pleine et entière des directeurs d’agence à un mystérieux audit d’Ernst and Young (rebaptisé EY), totalement orienté vers la réduction des effectifs et des budgets. Audit dont nul ne sait qui l’a commandé, ni quand, ni ce qu’il contient… Du CAP 22 dans le texte !

Le projet de mutualisation interagences, 1er août 2018.

On admirera dès lors l’exercice de haute voltige auxquels se livrent les mêmes, quand ils comparaissent le 12 septembre dernier devant la Commission du développement durable de l’Assemblée nationale, dans le cadre d’une table ronde sur la politique de l’eau :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6564096_5b98bec35861d

- L’instruction du gouvernement pour la mise à jour des PAOT de la DCE

Examinons maintenant cette instruction interministérielle du 14 août 2018, non parue au JO, qui détaille par le menu l’éprouvante machinerie que devraient mettre en œuvre agences de l’eau, comité de bassin, services de l’état, etc… pour tenter de répondre à nos obligations européennes, ici nos engagements vis-à-vis de la mise en œuvre de la Directive-cadre sur l’eau.

Voir aussi le référentiel réalisé conjointement par l’INRA et l’AFB qui présente un inventaire et une analyse des outils méthodologiques pouvant contribuer à l’élaboration des Programmes de Mesures (PdM) pour atteindre l’objectif de bon état des masses d’eaux dans le cadre de la mise en œuvre de la Directive cadre européenne sur l’eau (DCE).

https://aires-captages.fr/connaissances-et-outils/documents/r%C3%A9f%C3%A9rentiel-sur-les-outils-de-la-recherche-pour-r%C3%A9duire-les

On comprendra très vite à la lecture que la mise à bas des agences de l’eau nous ôte toute chance d’y parvenir…

Instruction mise à jour PAOT-DCE du 14 août 2018.

Surtout que dans le même temps un nouveau chamboulement des services déconcentrés de l’État se précise :

http://www.maire-info.com/etat-administration-centrale-elections/reforme-de-etat/un-nouveau-chamboulement-des-services-deconcentresde-letat-se-precise-article-22196Réforme de l’état

RIP la politique de l’eau…

Marc Laimé - eauxglacees.com