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Pluvial : vers une crise systémique des assurances “dommages-ouvrage”

20 mai 2018

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Le gouvernement français s’apprête, en intégrant de force la compétence pluvial dans celle de l’assainissement collectif, au mépris de toute intelligence, et en transférant l’essentiel d’un financement annuel de près de deux milliards d’euros sur l’usager du service public de l’assainissement - ce qui en soi est un véritable scandale démocratique -, à précipiter l’aggravation d’une crise financière systémique internationale qui rappelle furieusement le précédent des “subprimes”. Les contentieux colossaux qui en découleront seront à porter au débit de la poignée de hauts fonctionnaires de la DEB et de la DGCL, qui ont enfumé à loisir la caste des REMouleurs, politiciens d’occasion dont l’incompétence abyssale et l’arrogance insensée qui s’efforce (en vain), de la dissimuler nous précipitent tout droit au désastre.



Depuis plusieurs mois la faillite en cascade d’importants assureurs et réassureurs internationaux, basés en Nouvelle Zélande, au Danemark, à Gibraltar, au Liechtenstein, au Costa Rica, en Islande... précipite la crise du pluvial dans l’immobilier neuf quand des malfaçons, vices cachés, tromperies et non conformités entraînent des dommages dans les maisons et résidences et des absences de maîtrise du pluvial, et de ce qui en découle : étanchéité, infiltrations, inondations de locaux et... évacuation du pluvial dans les réseaux d’eaux usées urbaines soumises à traitement d’épuration, ce qui ne devrait plus être le principe, mais l’exception, à raison du développement des systèmes séparatifs, comme des technologies dites « alternatives » : infiltration à la parcelle, etc.

Ces assurances, elles-mêmes réassurées, sont ce qu’on appelle des "dommages-ouvrage" (DO), de garantie décennale, obligatoires de par la loi pour tout promoteur/constructeur dans le neuf. Leurs polices d’assurance sont vendues aux promoteurs immobiliers, petits ou gros, par des courtiers classiques (GAN...) ou spécialisés, pas toujours très prudents, et leurs contrats, formulaires, dossiers, sont établis par des sociétés souvent off shore ou britanniques, comme EISL, une filiale de la Lloyds qui fut revendue à des "investisseurs". La gestion courante des sinistres est confiée à des prestataires de services travaillant pour plusieurs assureurs à la fois, et disposant d’un réseau captif d’experts.

La DO est un système de pré-financement des réparations de dommages (autres qu’esthétiques, c’est- à-dire ceux entraînant la non habitabilité des logements/locaux "nobles") et de traitement des causes de ceux-ci quand la situation est grave, sans que pour autant la DO ne soit obligée de traiter les non conformités aux normes DTU (Dispositions Techniques Uniques) de la construction.

La DO se retourne ensuite en recours contre les responsables (constructeurs, entreprises, fournisseurs...), et leurs assureurs professionnels pour rentrer dans ses frais. Le pré-financement de l’expertise et des travaux permet ainsi aux propriétaires et résidents de ne pas rester des années les pieds dans l’eau.

Souscrites normalement avant le démarrage des travaux de construction, ces assurances sont généralement chères pour les constructeurs, surtout celles, mieux garanties, de leurs pays respectifs, d’autant que les malfaçons sont légion dans tous les bâtiments récents faits à la va-vite et souvent en sous-traitance en cascade avec tout ce que cela suppose (travail dissimulé, entreprises non assurées, fraude fiscale, non respect des normes, faible qualification des opérateurs, absence de contrôle public et privé...).

Il n’est pas rare de voir des réseaux pluviaux sous-dimensionnés, ou, quand ils sont enterrés, écrasés faute de matériaux résistants, comme du PVC employé à la place de tuyaux en ciment armé. On voit même des réseaux pluviaux installés sans exutoires, ni "puits perdus", inondant les sous-sols des immeubles, quand ce ne sont pas leurs logements.

Une directive européenne, la LPS - Libre Prestation de Services -, serait à l’origine de ces faillites en cascade dues à des prises de risques inconsidérées de la part d’opérateurs financiers peu scrupuleux, acteurs agressifs d’une guerre des prix sans limites, voulue au nom d’une concurrence libre et sans entraves, laissant acquéreurs, résidents, propriétaires ou locataires, artisans et entreprises/PME, etc... dans les difficultés que les tribunaux engorgés et peu rompus au droit international (des pays douteux -même européens-), seront incapables de résoudre en masse. Ce qu’un acquéreur désespéré comprit assez vite en se suicidant au vu des dizaines de malfaçons de son logement d’une filiale de Bouygues à Montpellier, laissant une famille éplorée.

Malgré l’existence de fonds de garantie, les systèmes d’assurances nationaux et internationaux ne sont pas un paquebot à caissons étanches. Même le célèbre Titanic, pourtant doté d’un tel dispositif, finit pas sombrer.

L’iceberg rencontré par le secteur de la construction finira-t-il par couler un dispositif qui se voulait vertueux et que des rapaces financiers sans patrie ni frontières et des eurocrates libéralo-dogmatiques ont fini par condamner en l’ouvrant à des opérateurs off shore, flibustiers des temps modernes ? Pourtant, la Lloyds fut créée il y a plus de trois siècles pour les armateurs contre la piraterie.

L’eau étant souvent la cause des dommages aux immeubles neufs et à leur environnement immédiat, il y a fort à parier que le pluvial résidentiel et urbain en fasse les frais en ne permettant pas la réparation rapide des dommages si ces assurances continuent à faillir. Ce qui ne laissera pas d’arranger une situation du pluvial urbain déjà désastreuse alors que l’expansion des villes et métropoles est devenue un fléau reconnu pour les terres, les paysages et les cours d’eau.

ACPR Banque de France, communiqué du 7 juillet 2017.
Autorité de contrôle danoise sur Alpha Insurance, 16-03-2018.
Crise systémique dans l’assurance-dommages, 05-03-2018.

NOTE : Cet article est issu des travaux du réseau informel PluviaLeaks, dont Eaux glacées a oeuvré à la constitution pour sa composante française.

((Lire aussi :))

 Le rapport choc sur la gestion des eaux pluviales urbaines dissimulé par le ministère de l’Ecologie depuis un an :

http://www.eauxglacees.com/Exclusif-le-rapport-choc-sur-la

Les eaux glacées du calcul égoïste, 19 avril 2018.

 A Malpassé les bâtiments nés de la rénovation urbaine prennent déjà l’eau :

https://marsactu.fr/a-malpasse-les-batiments-nes-de-la-renovation-urbaine-prennent-deja-leau/?goal=0_dc9011be44-b1b17f5206-431546645&mc_cid=b1b17f5206&mc_eid=8c2827c226

Thibault Barle, Marsactu, 22 mai 2018.

 De Cambrai au Ternois, un pilote photographie les coulées de boue et alerte sur un "désastre" :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/cambrai-au-ternois-pilote-photographie-coulees-boue-alerte-desastre-1488711.html

France 3 Régions, 5 juin 2018.

 Le dernier point d’étape de Chevreuse :

http://www.chevreuse-courtage.com/wp-content/uploads/2018/04/2018-04-10-LE-MONITEUR-DES-TRAVAUX-PUBLICS-ET-DU-BATIMENT-13-AVRIL-18-10000000054048052.pdf

Marc Laimé - eauxglacees.com