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Exclusif : le rapport-choc sur la gestion des eaux pluviales dissimulé par le ministère de l’Ecologie depuis un an

19 avril 2018

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Eaux glacées dénonce obstinément depuis des années l’illégalité du financement de la gestion des eaux pluviales urbaines institué depuis un demi-siècle sans aucune habilitation législative, et qui représente un montant annuel de plus de 2 milliards d’euros, imputé à tort, pour l’essentiel, à l’usager du service public de l’assainissement. Or le gouvernement s’apprête à procéder à un coup de force, en incluant par la loi les compétences eaux pluviales et ruissellement dans la compétence assainissement, sans pour autant régler la question de ce financement illégal. Nous avons obtenu de la CADA le rapport « Roche » que le ministère de l’Ecologie dissimulait tout aussi obstinément depuis un an, afin de pouvoir conduire à bien, par devant le parlement, une véritable forfaiture. Ce rapport confirme et amplifie notre analyse, et préconise une refonte totale de l’encadrement réglementaire de la gestion des eaux pluviales urbaines et de leur financement. Nous le dévoilons aujourd’hui en exclusivité alors qu’à l’instigation de plusieurs associations d’élus, le débat fait rage au Sénat.



La proposition de loi LREM-Modem, dite « Ferrand-Fesneau » visant à assouplir le transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, adoptée en première lecture en procédure accélérée par l’Assemblée nationale le 30 décembre 2017, revenait devant un Sénat fortement remonté le 17 avril.

Comme nous l’avons récemment relaté, à l’instar de plusieurs associations d’élus, dont l’ADCF, la commission des lois de la Chambre haute refuse catégoriquement l’inclusion de la gestion des eaux pluviales urbaines et des eaux de ruissellement urbaines dans la compétence « assainissement », pour l’ensemble des catégories juridiques d’EPCI à fiscalité propre.

Il s’agit selon la commission de laisser la plus grande souplesse aux élus locaux "pour définir au mieux l’organisation qui leur paraît la plus pertinente au vu des réalités locales".

C’est pourquoi, elle prévoit également, pour les communautés de communes et d’agglomération, la sécabilité de la gestion des eaux pluviales de l’assainissement (art. 2).

Suivant cette logique, le rattachement de la gestion des eaux de ruissellement à l’assainissement pour ces deux catégories d’EPCI est supprimé.


Le rapport choc du CGEDD

En séance, au Sénat, Mme Jacqueline Gourault a mentionné un rapport sur les eaux pluviales « qui devait être prochainement transmis au Parlement » :

http://videos.senat.fr/video.632482_5ad5dbebb4aa4.seance-publique-du-17-avril-2018-apres-midi?timecode=18520000

Ce rapport, commandé par le ministère de l’Ecologie en 2015 au CGEDD, établi sous la direction de Pierre-Alain Roche, a été rendu en décembre 2016 au ministère de l’Ecologie, qui l’a immédiatement enfoui dans un placard.

Eaux glacées a saisi la CADA qui a ordonné à l’administration de nous le communiquer.

A la lecture des préconisations du CGEDD on comprend pourquoi la DEB l’avait mis sous clé :


« (…) L’option que privilégie la mission consiste à :

 établir une compétence intégrée, attribuée explicitement aux EPCI, achevant l’intégration de l’assainissement et de la gestion des eaux pluviales, mais en y intégrant aussi le ruissellement.

- fusionner le service public de gestion des eaux pluviales urbaines et celui de l’assainissement collectif en l’étendant au ruissellement, avec des dispositions financières adaptées. Il s’agit d’abonder le budget annexe d’assainissement ainsi élargi, par une combinaison de compensations de charges de service public issue du budget général des collectivités pour les voiries et espaces publics, et par des redevances d’usage du service perçues sur les constructions et leurs annexes.”

Tout est dit : pour légaliser enfin le financement de la gestion des eaux pluviales, il faut donc recourir à la fiscalité locale (M14), et non plus à la facture de l’usager domestique du service public de l’assainissement (M49), et surtout taxer les aménageurs de tout poil, publics comme privés !

C’est cela que refusent obstinément la DEB et la DGCL depuis 2015, en publiant des “Notes” qui n’ont aucune valeur légale, et qui prétendent, en instrumentalisant une décision du Conseil d’état, lui faisant dire ce qu’elle ne dit aucunement, à savoir que depuis une décision de la CCA de Marseile de 2013, les EP feraient désormais partie de la compétence assainissement...

Il s’agit ici d’une véritable forfaiture, qui s’est poursuivie avec l’intoxication par les mêmes des godillots REMouleurs qui, n’y connaissant rien, reprennent comme des moutons à l’Assemblée puis au Sénat les éléments de langage mensongers de la DEB et de la DGCL.

Le rapport “Roche” fait litière de ces billevesées et nous le publions donc en exclusivité, et pour rendre justice à ses auteurs, et pour promouvoir le débat démocratique autour de cette compétence, un débat qui peut, et doit désormais s’ouvrir en toute clarté.

Car compte tenu des faibles chances de parvenir à une commission mixte paritaire conclusive, le texte devrait à présent poursuivre son parcours devant l’Assemblée en deuxième lecture.

 Voir le texte adopté par le Sénat :

http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2017-2018/422.html

Rapport CGEDD T.1. Synthèse et propositions - Avril 2017 -.
Rapport CGEDD T.2 Diagnostic détaillé, Avril 2017 -.

Marc Laimé - eauxglacees.com