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Non à la disparition des départements de la petite couronne parisienne, par Christian Favier (*)

29 septembre 2017

par Marc Laimé - eauxglacees.com

A l’occasion d’un déjeuner de presse, organisé le jeudi 28 septembre 2017, le président du Conseil départemental du Val-de-Marne a évoqué l’éventualité de la prochaine disparition des départements de la petite couronne parisienne, dans le cadre du projet annoncé par Emmanuel Macron, de réforme de la Métropole du Grand Paris. Christian Favier a ainsi longuement détaillé l’impact de l’éventuelle disparition des départements de la petite couronne parisienne.



« Mesdames, Messieurs,
(…)

Ce déjeuner de presse est le premier depuis les échéances nationales qui ont donné au pays une nouvelle majorité présidentielle.

En janvier dernier, ici même, je vous détaillais les enjeux qui m’apparaissaient cruciaux pour l’année 2017. Il s’agissait de l’emploi, du service public et de la décentralisation.

Sur ces trois thèmes, force est de constater que les annonces et les mesures inquiétantes se succèdent de la part du Gouvernement.

Sur le front de l’emploi tout d’abord, la casse du Code du Travail à marche forcée est désormais réalité. En appliquant les mêmes recettes libérales qui ont toutes échoué depuis des décennies, le Gouvernement promet d’hypothétiques emplois au prix d’une précarisation - elle bien réelle -, de tous les salariés et de cadeaux fiscaux immédiats aux plus fortunés.

A ces ordonnances Travail s’ajoutent des coups bas aux objectifs purement comptables, destructeurs d’emplois. Je pense à la suppression massive des emplois aidés provoquant la colère d’élus locaux, de responsables associatifs et de parents d’élèves.

Cette mesure est contraire à l’intérêt des associations et des collectivités dont de nombreuses actions sont dépendantes de ces emplois aidés.
Pour le seul Conseil départemental du Val-de-Marne, 40 emplois aidés, tout particulièrement des emplois avenir destinés aux jeunes les moins diplômés, sont menacés dès le 1er janvier 2018.

Sur le front de l’emploi, mes inquiétudes sont donc nombreuses. Elles le sont également sur le terrain du service public.

Alors que les collectivités enregistrent depuis des années des baisses considérables de dotations de la part de l’Etat, le Président de la République prône la continuité et l’austérité aveugle, encore et toujours, avec l’objectif de supprimer 120 000 fonctionnaires et de baisser les dépenses des collectivités de 13 milliards d’euros supplémentaires sur le quinquennat.

Dans bien des domaine, les fonctionnaires manquent et sont indispensables au fonctionnement du pays.

Les collectivités ne sont pas responsables de l’augmentation de la dette du pays, c’est bien l’Etat qui creuse à lui seul 90% de cette dette.

Par ailleurs, les dépenses obligatoires de nombreuses collectivités, dont les Départements, progressent en raison d’évolutions nationales, je pense singulièrement aux dépenses d’action sociale liées à la crise économique ou au vieillissement de la population.

Nous avons atteint les limites pour le service public qui ne peut pas répondre à des défis toujours plus grands avec moins de moyens.

C’est dangereux pour l’emploi car l’investissement public est essentiel pour remplir le carnet de commandes des entreprises et maintenir un tissu économique diversifié.

Cette vague libérale se ressent également sur le front de la décentralisation.

En effet, les grandes lois de décentralisation, qui ont fait l’originalité de l’organisation territoriale de notre pays et qui l’ont rendu plus démocratique, sont très clairement remises en cause.

Le mot « décentralisation » a disparu du vocabulaire du Gouvernement,
alors qu’il est un pivot constitutionnel de l’organisation territoriale du pays.

Une véritable reconcentration des pouvoirs « vers le haut » est à l’oeuvre afin de réduire le service public de proximité, jugé trop coûteux, et d’éloigner un peu plus encore les citoyens et les élus locaux des lieux de décisions.

En Ile-de-France singulièrement, cette reconcentration ne tait pas son nom.

Elle a été annoncée par le Président de la République lors de la Conférence des Territoires, le 17 juillet dernier lorsqu’il annonçait vouloir « simplifier drastiquement les structures » d’une organisation institutionnelle bouleversée et - à juste titre -, complexifiée par la loi NOTRe.

Mais au lieu de remettre en cause les nouveaux échelons créés par cette loi, dont les périmètres et les fonctions ont été imposés aux élus locaux, le gouvernement semble s’orienter vers la suppression des départements de petite couronne et l’affaiblissement des communes.

Je dis bien « semble » car, malgré l’engagement pris par le Président de la République de tenir une « concertation approfondie », les informations en notre possession sont issues de confidences et d’échos de la presse ce qui ne constitue pas - vous en conviendrez - ni une concertation approfondie, ni une méthode respectueuse des élus.

Ces échos confirment une volonté d’aller vite par le dépôt d’un projet de loi spécifique à la Métropole de Paris avant la fin de l’année.

Je ne nie en rien le besoin de mieux organiser l’action locale sur le territoire. Il est en effet urgent de mieux répondre aux défis de notre temps, de mieux répondre aux besoins des populations.

Je ne nie pas le fait métropolitain. Il existe en effet des sujets qui doivent être coordonnés à l’échelle métropolitaine. Fallait-il ajouter pour cela deux échelons ?

Toutefois, je doute que la réforme territoriale qui se prépare dans les salons de l’Elysée concoure à répondre aux besoins grandissants des populations et à améliorer le quotidien de toutes et tous.

Malgré les belles déclarations, je doute que nous soyons à l’aube de la construction de centaines de milliers de logements accessibles à tous, de la création de milliers de places en crèches, dans les écoles, de lits dans les hôpitaux...

Je crains d’avantage que cette réforme par la suppression des départements au sein de la Métropole conduise à supprimer toutes les politiques publiques originales développées dans nos départements de petite couronne et qui fondent ici, en Val-de-Marne, l’identité de notre collectivité et l’attachement de ses habitants.

Cette logique libérale tend à faire croire que ce dont les populations ont besoin c’est que Paris rivalise avec Londres, New-York ou Tokyo et non d’un emploi stable, d’un logement accessible et de transports efficaces.

Personne n’est dupe. Ce n’est pas par une réforme technocratique que l’on fait « rayonner » le Grand Paris. C’est par l’investissement public pour des équipements structurants, c’est par l’amélioration du cadre de vie et tout ce qui fait que la vie est plus agréable, de l’espace vert à la place en crèche, de l’accès au très haut débit à la qualité de l’air.

D’ailleurs, nous n’avons pas attendu la création Métropole pour défendre - 10 ans auparavant - de grands projets utiles qui - eux - font de Paris une agglomération pionnière et attractive : je pense bien entendu à ORBIVAL et au Grand Paris Express.

Malgré tout, le Président de la République souhaite aller vite et frapper fort avec une réforme territoriale qui donnera des gages aux partisans de la réduction de la dépense publique, quel que soit le prix à payer.

Je crains que cette obligation de résultats que s’impose le Président de la République se solde par un désastre économique et social pour les 1 300 000 Val-de-Marnais qui bénéficient du service public départemental.

Je compte me consacrer pleinement, avec l’ensemble de l’exécutif départemental, à la défense des services publics départementaux, de ses agents et de ses moyens.

Dans quelques jours, le 4 octobre, nous fêterons le cinquantième anniversaire de le première réunion du Conseil général.

Ces cinquante premières années d’actions départementales ont fait la démonstration de l’utilité du Département pour mieux répartir les richesses sur le territoire, répondre aux besoins de la population en matière d’équipements et accompagner les villes dans leurs projets.

Cette même ambition guide toujours l’exécutif départemental. Le Conseil départemental poursuit son travail et les prochaines semaines renforceront les actions menées depuis un demi-siècle.

Ainsi, la mise en oeuvre des engagements que nous avons pris lors des élections départementales de 2015 avance.

Parmi ces mesures, l’extension aux retraités imposables de la carte de transport Améthyste est à présent confirmée.

Après deux années de négociations, nous avons trouvé un accord avec Ile-de-France Mobilités. Nos instances respectives délibéreront en octobre afin de proposer la carte Améthyste à 50% du tarif Navigo pour tous les retraités imposables du Val-de-Marne. Nous serons dès 2018 l’unique Département d’Ile-de-France à proposer une mesure tarifaire si avantageuse et - je le crois -, très utile.

Naturellement, pour les retraités non-imposables, la carte Améthyste à 25 euros par an restera en vigueur en Val-de-Marne.

Autre engagement fort de cette mandature, la création de 500 nouvelles places en crèches départementales pour porter à 5.000 le nombre d’enfants qui y sont accueillis.

L’Assemblée départementale votera en décembre ce plan ambitieux. D’ores et déjà, le permis de construire de la 77ème crèche départementale, qui ouvrira au Plessis-Trévise fin 2019, a été déposé.

Les investissements en matière de petite enfance se poursuivent donc. J’aurai le plaisir d’inaugurer le 18 octobre le nouveau centre de protection maternelle et infantile des Bleuets à Créteil. Le 20 octobre, les nouveaux locaux de la nouvelle PMI Pasteur de Cachan seront livrés alors que le chantier de la nouvelle PMI des Navigateurs à Orly est engagé.

Du côté des collégiens, nous avons reconduit le dispositif ORDIVAL. Depuis 2012, le Département a fait le choix de mettre un ordinateur portable à la disposition de tous les collégiens entrant en 6ème en Val-de-Marne.
18 000 élèves sont concernées cette année, pour un investissement de près de 7 millions d’euros. C’est une contribution concrète à la réussite éducative et à la défense du pouvoir d’achat des familles.

Parallèlement, nous avons atteint en 2017 l’objectif de raccorder les 104 collèges du Département au très haut débit.

Nous inaugurerons le 13 octobre le nouveau collège Decroly à Saint-Mandé après avoir livré, il y a quelques semaines, la nouvelle restauration du collège Ferry à Villeneuve-le-Roi soit un investissement de 3.4 millions d’euros au service du « bien manger » et du confort des élèves.

De nouveaux collèges sont par ailleurs en construction : le collège Pissarro à Saint-Maur-des-Fossés dont la livraison est prévue en avril 2018, le collège de Vitry Seine Gare dont les travaux préparatoires ont débuté ce mois-ci, mais aussi le collège intercommunal de Valenton-Limeil dont le protocole foncier a été signé avec la Ville cet été.

Concernant les grands projets, j’inaugurerai ce samedi le bassin de la bonne eau, équipement structurant de l’aménagement du Rû de la Lande qui collecte les eaux de quartiers de Champigny, de Villiers et du Plessis.

Cet investissement départemental de 26.7 millions d’euros permettra de stocker 17 500 mètres cube d’eau afin de réguler et de prévenir les débordements des réseaux d’assainissement. Il collectera également les eaux du site de maintenance du GPE en cours de réalisation à Champigny.

Dans le même esprit, les travaux de remplacement de la vanne-secteur de Joinville se poursuivent, sous le pilotage du Conseil départemental. Les opérations s’achèveront dans quelques semaines. Ce sera une contribution majeure à la gestion des crues auxquelles notre département est si vulnérable.

En matière de transport, vous avez pu le lire, je suis particulièrement en alerte concernant le Grand Paris Express.

Un rapport sur « l’optimisation » de ce projet a été commandé au Préfet de la Région Ile-de-France. De premières hypothèses circulent et soulèvent des inquiétudes très légitimes en Val-de-Marne.

Le chantier de la ligne 15 Sud semble trop avancé pour la remettre en cause. Par ailleurs, les marchés de réalisation de la ligne 14 Sud seront signés en décembre.

En revanche, la ligne 15 Est semble menacée, tout comme les prolongements des lignes 1 et 10 du métro.

J’ai été reçu, avec le Maire de Fontenay, au Ministère des Transports à ce sujet. Malheureusement, les informations recueillies ont confirmé nos craintes et je proposerai aux membres de l’association ORBIVAL ainsi qu’aux élus de l’Assemblée départementale de prendre position contre tout retard et toute remise en cause des grands projets de transports.

Les récents records de pollution et d’embouteillages dans la Région rappellent - si le fallait encore - le retard pris pour proposer une alternative crédible à l’automobile individuelle.

En Val-de-Marne, le Département prend sa part de responsabilité pour palier à ce retard. Ainsi, nous avons récemment approuvé le plan de financement du tramway T9 pour lequel le Département apportera 21% des 404 millions nécessaires à ce projet utile et attendu (plus de 120 millions d’euros au total pour le Département).

Nous accompagnons la Société du Grand Paris dans la réalisation du métro. Nous assurons par ailleurs la maîtrise d’ouvrage du bus en site propre ALTIVAL qui sera soumis à l’enquête publique en 2018 tout comme le téléphérique urbain Téléval, très attendu et qui est un dossier prioritaire pour notre département.

Nous poursuivons le réaménagement de routes départementales pour donner une plus grande place aux bus, aux piétons et aux cyclistes à l’image des rampes de la RD 7 à Villejuif et de l’avenue Roger Derry à Vitry-sur-Seine que nous inaugurerons dans quelques jours.

Enfin, nous entendons continuer d’avancer de façon très volontaire pour lutter, à notre échelle, contre le réchauffement climatique à travers notamment la semaine de l’énergie que nous lançons le 9 octobre prochaine. Cette semaine de l’énergie, destinée aux agents départementaux constitue, Christian Métairie pourra vous le préciser dans la discussion, une initiative exemplaire, vraisemblablement unique en France qui proposera de multiples temps forts autour de l’énergie maîtrisée.

A travers ces quelques exemples de l’activité départementale, vous le constatez, le Département ne lâche rien de ses ambitions et de ses actions utiles, solidaires et innovantes au service des populations, des communes et du tissu économique du Val-de-Marne.

Nous entendons bien préserver ces leviers concrets d’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens malgré les difficultés budgétaires imposées aux Départements.

Voilà Mesdames et Messieurs les principaux points que je souhaitais aborder en ouverture de notre échange. »

(*) Christian Favier est président du Conseil départemental du Val-de-Marne.

Lire aussi :

 QUIZZ du Grand Paris : quelle Métropole êtes-vous ?

http://www.eauxglacees.com/QUIZZ-du-Grand-Paris-quelle?var_mode=calcul

Les eaux glacées du calcul égoïste, 17 septembre 2017.

Marc Laimé - eauxglacees.com