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Europacity : les habitants du Triangle de Gonesse ponctionnés pour offrir une mega station d’épuration à Auchan

26 septembre 2017

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Sans le savoir, des dizaiens de milliers d’habitants impactés par le grand projet inutile, fortement contesté, d’Europacity, vont financer par le biais de leur facture d’eau, la construction d’une gigantesque station d’épuration, d’un coût de 139 millions d’euros, qui va être construite par OTV, filiale d’ingénierie de Veolia… Une nouvelle station d’épuration dont la construction a explicitement été justifiée par les élus qui l’ont décidé, par le développement d’activités économiques sur le secteur.



Le maire (PS) de Gonesse (Val-d’Oise) Jean-Pierre Blazy déclarait le 19 septembre dernier lors d’une conférence de presse organisée à Paris, qu’il "ne renoncera pas" au projet d’aménagement de 260 hectares de terres arables au nord de Paris, où doit s’implanter le complexe controversé Europacity, « parce que c’est une chance pour le territoire ».

Couvert de terres agricoles, le "triangle de Gonesse" est un secteur de l’est du Val-d’Oise inhabitable en raison des nuisances causées par les aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et du Bourget qui l’entourent.

L’urbanisation de 260 hectares y est programmée, dont 80 hectares pour Europacity. Ce complexe de commerces et de loisirs à plus de trois milliards d’euros est voulu par la filiale immobilière du groupe Auchan et le conglomérat chinois Wanda, qui ambitionnent d’y créer une destination touristique d’envergure internationale.

Le projet est fortement contesté car, outre son caractère incongru, un nouveau temple de la consommation alors que des dizaines de « malls » similaires sont en situation critique en Ile-de-France, car il détruirait les dernières terres agricoles, particulièrement productives, à proximité de la métropole parisienne.

En août dernier, un commissaire-enquêteur a rendu un avis défavorable à la révision du plan local d’urbanisme (PLU) qui permet d’engager cette urbanisation, l’estimant "peu compatible avec la notion de développement durable".

Cet avis n’est que consultatif, mais il a galvanisé les opposants. Casquettes et drapeaux verts, une poignée d’entre eux disaient "Non à Europacity, grand projet inutile" le 19 septembre, au pied du bâtiment où la conférence de presse était organisée.

Estimant que l’avis du commissaire enquêteur était "personnel" et que le projet avait été "caricaturé", Jean-Pierre Blazy annonçait pour sa part que le PLU serait soumis au vote du Conseil municipal le 25 septembre. Avec des modifications, comme l’augmentation de la surface allouée à la "lisière agricole", transition entre la partie urbanisée et 400 hectares agricoles au nord.

"J’affirme que la biodiversité sera plus développée" dans le futur, avec la lisière agricole et les espaces verts prévus, "que sur l’actuelle parcelle de 260 hectares de monoculture utilisatrice d’intrants. Nous allons planter des arbres", concluait-il.

Outre Europacity et un quartier d’affaires, le projet doit aussi accueillir une gare du Grand Paris Express, le futur métro automatique autour de Paris, la seule du Val-d’Oise. L’élu socialiste a toutefois concédé ne pas savoir s’il pouvait compter sur le soutien du gouvernement d’Emmanuel Macron.

Une mega station d’épuration pour Europacity…

Et pendant ce temps-là, le 6 juillet dernier, le Syndicat intercommunal pour l’aménagement hydraulique (SIAH) des vallées du Croult et du Petit Rosne signait le lancement du projet d’extension de la station d’épuration (STEP), de Bonneuil-en-France, afin d’anticiper les futures évolutions de son territoire, "dynamique impulsée par le Grand Paris".

« Notre Step de 300 000 équivalent-habitants (EH) mise en service en 1995 arrive à saturation en particulier en temps de pluie. Par ailleurs, il existe des projets d’aménagement importants tels que le triangle de Gonesse ou de nombreux écoquartiers. Accroître sa capacité à 500 000 EH permettra d’anticiper le développement économique du territoire », expliquait Eric Chanal, le directeur du SIAH.



Pour « optimiser les investissements et les frais d’exploitation », le contrat signé pour 10 ans avec un groupement mené par OTV, la filiale ingénierie de Veolia, comprend à la fois la conception et la construction de la station mais aussi l’exploitation de la Step rénovée pendant les premières années.

Le traitement biologique intégrera le procédé Hybas, des cultures fixées sur des supports en plastique qui permettront d’augmenter la capacité épuratoire pour une même surface de traitement.

La Step est en effet située à proximité de l’aéroport du Bourget dans une zone de moins de 10 hectares et l’espace y est contraint. 



Le groupement a proposé un procédé d’hydrolyse thermique « innovant », qui permettra de diminuer la quantité de boues produits et de dynamiser la production de biogaz.

« Nous avons aussi l’intention de revendre le biogaz en l’injectant dans le réseau. L’investissement est plus élevé mais l’amortissement est très avantageux », justifiait le directeur du syndicat.

Par ailleurs, dans l’objectif de diminuer les coûts d’exploitation, un système de récupération de chaleur des eaux usées traitées sera mis en place pour chauffer les bâtiments.

« Nous privilégions des équipements moins consommateurs d’énergie. L’objectif est d’avoir des coûts de fonctionnement assez similaires à aujourd’hui malgré l’agrandissement », précisait Vanessa Guyonnet, responsable du service station de dépollution.

Le montant du contrat est fixé à 199 millions d’euros HT, dont 139 millions pour l’investissement et 69 millions pour le contrat d’exploitation. Les travaux devraient débuter début 2019 et la nouvelle station opérationnelle être opérationnelle dès la mi-2022.

Lire aussi :

 Europacity, une nouvelle maquette, mais pas un chiffre :

http://www.liberation.fr/futurs/2017/09/27/projet-europacity-une-nouvelle-maquette-mais-pas-un-chiffre_1599302

Libération, 27 septembre 2017.

Marc Laimé - eauxglacees.com