Retour au format normal


Tempête sur l’assainissement non collectif, par Claude Réveillaut (*)

19 septembre 2017

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Une étude officielle, rendue publique aux dernières Assises annuelles de l’ANC à Limoges le 13 septembre, vient de révéler que 8 dispositifs de traitement sur 10, commercialisés par les entreprises privées qui ont édifié un monopole écrasant sur ce secteur (dont le chiffre d’affaires atteint 1 milliard d’euros par an), ne remplissent pas leur office, et ne rejettent pas dans le milieu naturel une eau correctement épurée !



"Le diagnostic est sans appel ! "L’analyse statistique des données (recueillies au cours de l’étude), tenant compte de la diversité des installations, montre que seulement 5 des 21 dispositifs qualifiés sont satisfaisants quant aux seuils de référence « qualité de l’eau ». Si l’on intègre aussi le critère « fréquence d’entretien », seuls 3 dispositifs (sur 18 qualifiés sur les 2 critères) sont satisfaisants", assène l’IRSTEA !

Toutes celles et ceux qui étaient présents, à Limoges, ce mercredi 13 septembre, en ce premier jour des Assises Nationales de l’ANC, dans une salle de plénière pleine à craquer, ont dû éprouver le même sentiment de vivre en direct l’implosion d’un système.

A la fin de l’exposé de l’étude scientifique publique, de suivi du fonctionnement en conditions réelles de dispositifs d’ANC chez des particuliers volontaires, le résultat final est tombé comme un couperet…

Dans huit cas sur dix, les dispositifs individuels de traitement des eaux usées, ne font pas leur travail… C’est donc la quasi totalité des dispositifs agréés par les ministères (de type microstations) actuellement sur le marché qui ne délivrent pas, après traitement, une qualité acceptable des eaux usées.

Les filières les mieux classées, autant en termes de qualité des eaux traitées que d’entretien, sont les filières à filtre à sable (dites filières traditionnelles) et celle à lits filtrants plantés de végétaux… l’un des deux dispositifs de la filière « copeaux de coco » et deux dispositifs de la filière de la famille des « microstations agréées à culture fixée » tirent leur épingle du jeu, en termes de qualité des eaux traitées (ces derniers ayant toutefois été classés « inacceptables » en termes de contrainte et de coût des opérations de dépannage, par les propriétaires).

Une étude publique indépendante attendue depuis 7 ans

C’est un Groupe National Public (*) – mis en place en 2011, grâce à la pugnacité d’acteurs publics locaux –, qui a piloté cette étude, sous la conduite scientifique de l’IRSTEA (Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture).

De 2011 à 2016, 1448 visites ont été réalisées dans 22 départements, sur 246 installations (dont 80% âgées de moins de 4 ans lors des visites).

Ce groupe ayant rempli son office (grâces lui soient rendues !), la balle est maintenant dans le camp des tutelles, et singulièrement du ministre de l’environnement.

Il ne serait ni admissible, ni tolérable que la situation aujourd’hui mise au jour, reste figée au milieu du gué et que, cette étude, oubliée, s’empoussière dans un bureau ministériel, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour infléchir de façon décisive la mise en œuvre de la politique nationale de l’ANC, qui reste largement et fondamentalement à assainir…

Des « usagers-clients » victimes

Comment pourrait-on admettre plus longtemps, alors que quelque douze millions de Français qui ne sont pas reliés au tout à l’égout et qui sont assujettis à des SPANCs (services publics d’assainissement non collectif), qu’ils financent intégralement, sont soumis :

 à des obligations de contrôles payants de leurs installations d’assainissement autonome, selon une périodicité qui va de 4 ans à 10 ans, et parfois même, tous les ans ;

 à des obligations de travaux de « remise aux normes », trop fréquemment injustifiés, qui s’élèvent en moyenne à 10 000 euros, mais qui peuvent dépasser 20 000 euros, pour lesquels ils doivent souvent s’endetter ;

 à la brutalité de sanctions imposées par des collectivités locales responsables des services, (pénalités financières, avec saisies sur leurs salaires ou sur leurs retraites), lorsqu’ils ne peuvent ou ne veulent pas réaliser les travaux qui leur sont imposés par leur SPANC ;

Il est en effet invraisemblable que des dispositifs, pourtant agréés par les ministères de l’environnement et de la santé, puissent continuer à être commercialisés, alors qu’ils ne remplissent pas leur fonction de traitement des eaux usées, de façon correcte.

C’est à bon droit que nous questionnons…

Quelles actions les ministères respônsables vont-ils exercer pour, d’une part, manifester leur souci des usagers et venir en aide à ceux qui, contraints par leur SPANC à remplacer leur dispositif, sont lésés pour s’être vus équipés d’un matériel « non acceptable », et, d’autre part, pour retrouver la confiance des particuliers, des techniciens et des élus, par la révision des procédures d’agréments délivrés aux dispositifs mis sur le marché, voire par le retrait de certains agréments ?

Par ailleurs et plus globalement, l’État va-t-il pouvoir continuer à faire admettre aux élus locaux, responsables des SPANC (qui sont le bras armé, véritables et souvent involontaires porte-flingues de la politique décentralisée anarchique de l’ANC) que leur mission du « grand remplacement » de tout le parc des 5 millions d’ANC, est une mission de service public essentielle pour la restauration de la qualité de l’eau ?

Les résultats de cette étude étant attendus et censément anticipés par les décideurs, nous ne doutons pas que toutes les mesures nécessaires seront rapidement décidées et mises en œuvre pour restaurer la confiance dans le service public et dans la parole et l’autorité de l’État, déjà largement mises à mal.

Dans cette attente, nous suggérons dès maintenant, aux particuliers qui auraient des doutes sur la fiabilité du dispositif dont ils ont été nouvellement équipés (particulièrement ceux qui envisagent une transaction immobilière de vente ou d’achat d’un bien), de se tourner vers l’élu local, responsable de leur SPANC, pour s’assurer qu’ils n’auront pas à pâtir, dans le cas où ils seraient, malheureusement pour eux, dotés d’un dispositif défaillant… Si l’élu se trouve dans l’incapacité de répondre, qu’ils se tournent alors vers les services ad hoc des Conseils départementaux ou les services déconcentrés de l’État (DDPP ou Préfet), voire…vers le ministre lui-même.

Présentation de la démarche
L’étude de l’IRSTEA

(*) Les partenaires du Groupe National Public : IRSTEA ; Agence française pour la biodiversité (ex ONEMA) ; représentants de Conseils et de Syndicats départementaux ; Agences de l’eau ; Ministère de l’environnement ; CEREMA (Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) ; Association des maires ruraux de France ; Propriétaires volontaires.

(*) Claude Réveillault, animatrice du réseau ConfiANCe, qui regroupe plusieurs dizaines d’associations d’usagers de l’ANC dans toute la France.

contact@reseauconfiance.org

Marc Laimé - eauxglacees.com