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Alerte sur la réutilisation des eaux usées, par Thierry Uso

5 septembre 2017

par Marc Laimé - eauxglacees.com

France Nature Environnement a timidement contesté le 3 septembre 2017, par communiqué de presse, l’actuelle campagne de propagande massive conduite en faveur de la réutilisation des eaux usées (Re-use ou Reut en France), par les autorités européennes, françaises, relayant les ambitions de Veolia et Suez, comme de la FNSEA, qui se sont de belle date prononcées en faveur de cette fuite en avant technologique, qui est une aberration environnementale et sanitaire. Thierry Uso, membre d’Eau secours 34 et de l’European Water Movement, critique cette illusion funeste.



La REUT peut aussi servir à la recharge (artificielle) des nappes comme le dit la commission européenne. C’est mis en place à Barcelone : les eaux usées traitées sont injectées dans les nappes du Llobregat dans lesquelles est pompée l’eau servant à la production d’eau potable de la métropole de Barcelone. Les barcelonais boivent donc de l’eau du robinet (ou plutôt ne boivent pas parce qu’elle est dégueulasse) qui est réutilisée 7 à 8 fois en moyenne. Cela pose un grave problème sanitaire parce que l’eau potable concentre les micropolluants présents dans les eaux usées traités et qui ne sont ni éliminés par le processus de potablisation ni pris en compte dans les analyses. C’est Agbar, filiale de Suez, qui est à la manoeuvre et c’est Suez qui pousse à la recharge artificielle des nappes en France en s’affirmant le spécialiste de la technologie.

Singapour est un des rares pays dans le monde à utiliser l’eau usée traitée pour produire de l’eau potable. L’île est très peuplée et n’a aucune ressource en eau. La potabilisation utilise les techniques les plus modernes (osmose inverse) avec pour conséquence un prix du m3 d’eau potable quasiment 10 fois celui de la France. Cela n’est pas un problème pour Singapour dont le PIB par habitant est très élevé mais pour les autres...

L’eau qui sort de la plupart des STEP françaises est très chargée en phosphate et nitrate, contient plusieurs agents biologiques pathogènes et des micropolluants qui sont peu ou pas éliminés. Rejeter les eaux usées traitées dans les cours d’eau sans un post-traitement retirant phosphate et nitrate provoque l’eutrophisation des cours d’eau. C’est pour éviter l’eutrophisation des étangs que Maera (la grosse STEP de la métropole de Montpellier) rejette ses eaux usées traitées en mer. Réutiliser les eaux usées traitées pour nettoyer les rues ou irriguer les espaces verts urbains par aspersion est interdit par le ministère de la santé à cause de la présence des agents biologiques pathogènes, sauf dérogation (par exemple, en irriguant la nuit un golf par aspersion).

Les entreprise privées du domaine de l’eau (Veolia, Suez and co) font un lobbying effréné pour le développement de la REUT en France parce que c’est un business juteux. Et contrairement à la propagande autour de l’économie circulaire, les eaux usées traitées ne seront pas une ressource de substitution préservant les eaux souterraines et superficielles mais vont s’ajouter aux prélèvements existants. En théorie la REUT est séduisante mais dans la pratique elle va empêcher toute forme de remise en cause du modèle de développement actuel face au changement climatique. Par exemple, l’agence de l’eau RMC envisage la REUT pour la fabrication de neige artificielle dans les stations de sky. Est-ce bien raisonnable ?

De plus, la REUT a un coût non négligeable. Regardez qui paie pour un projet de REUT et qui en profite ; ce ne sont pas toujours les mêmes, loin s’en faut.

Le communiqué du jeudi 31 août 2017, sur le site de FNE :

Semaine mondiale de l’eau : réutiliser les eaux usées traitées, une bonne idée ?

« La semaine mondiale de l’eau met en avant cette année la thématique des eaux usées et les différents moyens de les réduire et les réutiliser. A cette occasion France Nature Environnement revient sur la pratique de la réutilisation des eaux usées traitées : une bonne idée ? Le point sur les deux grandes questions à se poser.

Le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement reste la première cause de mortalité dans le monde. Et les chiffres de l’ONU donnent le vertige. Au moins 1,8 milliard de personnes boivent une eau contaminée par des matières fécales. La pénurie d’eau affecte aujourd’hui 40 % de la population mondiale quand plus de 80 % des eaux usées résultant des activités humaines sont déversées dans les rivières ou la mer sans aucune dépollution.

Une ressource en eau malmenée alors qu’elle est précieuse, vitale. Afin de répondre à la demande en eau, utile à de nombreux usages, certains pays ont adopté la réutilisation des eaux usées traitées, surnommée la « REUT » par les spécialistes. Il s’agit de récupérer l’eau qui sort des stations d’épuration. Cette eau usée a été débarrassée de la majeure partie des éléments organiques et de diverses particules. Elle est généralement rejetée directement dans les cours d’eau mais le principe de cette REUT est justement de l’utiliser à une autre fin comme l’irrigation de champs, l’arrosage des espaces verts ou encore des golfs.

Comment en faire une bonne idée ? Les deux grandes questions à se poser.

1 - Des mesures d’économie d’eau ont-elles été mises en place ?

Dans le contexte actuel d’une ressource en eau moins disponible, la priorité est de chercher des solutions pour consommer moins d’eau. En agriculture par exemple, l’utilisation de ces eaux ne doit pas se faire dans le cadre de cultures inadaptées aux conditions climatiques et à la ressource en eau disponible tel que le maïs grain, plante tropicale très gourmande en eau. Par ailleurs, leur utilisation en agriculture doit se faire de façon raisonnée via des techniques d’irrigation économes en eau. Ainsi, pour France Nature Environnement, la réutilisation des eaux usées traitées ne peut intervenir que ponctuellement, une fois les pratiques économes mises en place.

2 - Cette eau usée respecte-t-elle des conditions sanitaires suffisantes ?

Qu’il s’agisse de la rejeter dans les rivières ou de la réutiliser pour d’autres usages, la qualité des eaux traitées peut poser question. En effet, les stations d’épuration n’éliminent pas toutes les substances dangereuses présentes dans les eaux usées. Ainsi, dans son avis sur la « Réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation des cultures, l’arrosage des espaces verts par aspersion et le lavage des voiries », l’ANSES* n’a pas estimé possible de conclure à l’absence totale de risques chimiques et microbiologiques liés à la réutilisation des eaux usées traitées.

C’est pourquoi, France Nature Environnement milite en premier lieu pour une diminution des pollutions à la source mais aussi une amélioration des performances des dispositifs de traitement des eaux usées et la mise en place de contrôles continus et variés. Ces derniers permettraient de s’assurer que cette pratique de réutilisation des eaux usées traitées se fasse avec des eaux respectant des conditions sanitaires suffisantes.

La réutilisation des eaux usées traitées est donc une technique qui peut être envisagée pour limiter la consommation d’eau potable, dans un contexte d’une ressource en eau de moins en moins disponible et de plus en plus polluée. Cependant, il est indispensable de s’assurer avant tout qu’elle est mise en œuvre dans le cadre d’un système économe en eau, qu’elle ne présente pas de risques sanitaires et qu’elle ne portera pas atteinte aux milieux."

*Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ;

Lire aussi :

EU water reuse policy agenda :

http://www.demeaumed.eu/index.php/component/jdownloads/send/33-finalconf/277-eu-support-for-water-reuse-technologies

Marc Laimé - eauxglacees.com