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(5) Présidentielle 2017 : « reductio ad bio… »

16 mars 2017

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Coop de France, la Fnab et Synabio présentaient le 8 février 2017 le pacte "pour une agriculture et une alimentation d’intérêt général" visant à "faire de la France le premier pays bio en Europe". Les six principaux candidats ou leurs représentants à l’élection présidentielle des 23 avril et 7 mai prochains se sont empressés de renchérir. Benoît Hamon, candidat du PS, et Corinne Lepage, pour Emmanuel Macron, l’ont immédiatement signé, rejoignant 622 élus locaux. Témoignage s’il en était que le « bio » est devenu l’ultime marqueur, ce qui autorise bien aisément… à oublier tout le reste dès lors que l’appétit consumériste de l’électeur d’élite, bien pensant et politiquement correct, aura été satisfait.



Le pacte vise à "créer un nouveau contrat de société entre producteurs, entreprises de transformation et de distribution, et consommateurs au service de la création de valeur économique, environnementale et sociétale dans [les] territoires".

Il contient huit propositions :

• amener la France au rang de leader européen de la bio d’ici 2022 ;

• soutenir un secteur économique d’avenir ;

• encourager le développement de la production bio ;

• relocaliser l’emploi agricole et agroalimentaire ;

• garantir des politiques agricoles et agroalimentaires favorables aux filières bio ;

• développer des outils de financement adaptés ;

• augmenter la consommation de bio dans la restauration collective ;

• impliquer tous les acteurs des filières bio dans leur gouvernance.

Ses promoteurs estiment qu’il est "nécessaire de prendre des mesures adaptées et suffisantes au sein de la PAC aujourd’hui (2017) et demain (2020) pour garantir l’indispensable accompagnement des producteurs en conversion et la rémunération des pratiques des agriculteurs bio actuels à raison de leurs impacts positifs sur l’environnement en santé publique".

En matière de financements, ils demandent que "les outils institutionnels de financement (notamment le PIA et le LDD) soient réévalués et orientés vers les besoins des filières bio, au cœur des schémas stratégiques régionaux, pour accompagner l’innovation et le développement des PME, des coopératives et des réseaux de distribution bio".

Les réactions des candidats

• Benoît Hamon

Philippe Martin, ancien ministre de l’Écologie, président du CA de l’Agence française pour la biodiversité et président du conseil départemental du Gers, et représentant de Benoît Hamon l’a assuré : "La bio doit se développer. Pour réaliser son programme, Benoît Hamon s’est inspiré du Gers, premier département en bio, comptant plus de 1 000 fermes".

Avant de poursuivre : "Benoît Hamon a inscrit la transition énergétique au cœur du chemin qu’il propose, par conviction. Il défend l’interdiction immédiate des pesticides dangereux et des perturbateurs endocriniens, l’interdiction d’importations alimentaires contenant des substances interdites en France, veut faciliter installation des jeunes agriculteurs en bio, une PAC verte avec un financement pour les agriculteurs qui adoptent le modèle bio". Benoît Hamon défend aussi "le ’made’ sur place. Il faut faciliter la relocalisation des emplois".

Concernant le développement de l’offre bio dans la restauration collective, il assure de d’autres marchés sont à conquérir : les hôpitaux, les Ehpad. Et ajoute que son candidat souhaite "favoriser les cultures maraichères autour des villes" afin de créer des "ceintures vertes", et demande que les régions continuent à "soutenir les Amap et les Frab".

En matière de gouvernance, il propose la mise en place d’un débat national de transition vers une agriculture et une alimentation durable "qui donnera lieu ensuite à une loi".

• Emmanuel Macron

Corinne Lepage, représentant Emmanuel Macron, assure que l’agriculture bio est "éminemment importante pour tous les domaines économiques", étant pour eux "une forme de modèle".

Elle ajoute : "L’objectif général du programme d’Emmanuel Macron est de replacer les enjeux agricoles comme enjeux de l’alimentation et de la santé. L’agriculture n’est pas seulement l’affaire des agriculteurs."

Il veut ainsi "refonder un pacte entre agriculture et société". Et propose "le lancement d’un plan d’investissement agricole avec des financements dédiés à la modernisation des exploitations et leur transformation privilégiant les circuits courts" ainsi qu’un plan permettant de "rémunérer les services rendus à l’environnement par les agriculteurs bio, et l’accompagnement de producteurs en conversion".

Puisqu’un "agriculteur est avant tout un chef d’entreprise", Emmanuel Macron propose également des allégements de charges durables, et souhaite accompagner le développement de PME, coopératives, regroupements de producteurs "pour leur donner plus de poids dans les négociations".

Corinne Lepage ajoute qu’Emmanuel Macron "propose avec enthousiasme un projet européen", et défend une PAC "pour faire face à l’enjeu de volatilité des prix".

• Marine Le Pen

Philippe Murer, représentant de Marine Le Pen, "se réjouit de la croissance des surfaces en bio", car "c’est protéger la terre, les hommes, la biodiversité végétale et animale".

Il estime que "transformer le secteur agricole sera complexe. Il nous faut du temps de l’énergie, du partage et les moyens financiers de masse et de justes règles" pour "que l’agriculture produise massivement et que les Français aient les moyens d’acheter du bio".

"Produire massivement bio nécessite une diffusion des connaissances car c’est plus difficile que l’agriculture avec les kits Monsanto", ajoute-t-il.

Le FN souhaite donc "revoir la formation en lycée agricole", favoriser les "échanges de pratiques". En matière d’aides, il défend "une TVA 0 % pour les produits bio" et que les charges des exploitations "baissent par rapport au conventionnel pour donner un avantage de 10 % sur les prix du bio".

Il ajoute : "les paysans peuvent faire massivement évoluer leur production, ils souhaitent être protégés pour le faire", ce qui implique de "sortir de l’austérité européenne". Il souhaite remplacer la PAC par une PAF, politique agricole française.

Il déplore que la France "donne 21 milliards d’euros à l’UE pour n’en recevoir que 13 milliards". Et propose donc de quitter l’UE pour consacrer ces 8 milliards à l’agriculture bio par exemple.

• François Fillon

Guy Vasseur, syndicaliste agricole ayant présidé l’APCA, conseiller général et régional du Centre Val de Loire, représentant François Fillon, assure que son candidat souhaite "faire en sorte que le budget de la PAC soit maintenu voire renforcé. Oui, la France doit être de retour à Bruxelles pour défendre l’agriculture".

Pour "redonner de la compétitivité à l’agriculture française et mettre fin aux distorsions européennes", il rappelle la proposition de François Fillon de "mettre fin à la surtransposition des normes européennes". Il ajoute qu’il n’est "pas question pour François Fillon d’opposer les types d’agriculture, bio ou conventionnelle. C’est une chance pour la France d’avoir une telle diversité".

Tandis que la Commission européenne prépare un nouveau règlement européen pour l’agriculture bio, qui doit entrer en vigueur en 2017, Guy Vasseur affirme : "Ce nouveau règlement peut poser question, enlever de la crédibilité et de la fiabilité à la démarche engagée jusqu’à présent. Ce sera le combat que mènera François Fillon."

• Jean-Luc Mélenchon

Laurent Levard, pour La France insoumise, assure son "plein soutien pour le pacte". Car le projet qu’il représente est "un projet de transition de l’ensemble de l’agriculture et du système alimentaire vers une agriculture paysanne".

Ce projet d’agriculture écologique "fera l’objet d’une loi", la France insoumise n’est pas en faveur d’une "agriculture duale". Il prévoit le "développement de l’autonomie des exploitations en matière d’énergie, le développement des circuits courts, l’exclusion des OGM, la réduction du gaspillage alimentaire".

Et d’ajouter : "Les nouveaux établissements publics fonciers agricoles appliqueront un droit de préemption en faveur de projets d’agriculture biologique". En appui au développement de filière, des plateformes logistiques seront créées pour faciliter la distribution des produits bio.

La France insoumise souhaite mettre en place un "plan de transition au bio à 100 % sur 5 ans". La "gouvernance de l’Inra sera revue afin que la recherche agronomique soit pleinement au service de cette transition de l’agriculture, les missions des chambres d’agricultures seront recentrées dans une mission de service public". De même, en matière d’enseignement agricole, "un virage sans ambiguïté doit être pris".

Laurent Levard ajoute : "Nous sommes pour des prix agricoles rémunérateurs, plus élevés pour les consommateurs, et de manière plus large, pour une redistribution des revenus dans la société".

• Yannick Jadot

Yannick Jadot, pour EELV, était le seul candidat à avoir fait le déplacement lors de la présentation du Pacte. Face au "risque de voir l’agriculteur nourricier devenir l’agriculteur pollueur", il "développe l’idée que 100 % de la restauration collective provienne d’agriculture paysanne ou biologique. Je ne suis pas sûr que cela soit possible d’ici 5 ans, mais il faut le faire au plus vite, c’est un enjeu essentiel".

Il souhaite "trouver les moyens de la contractualisation locale pour créer une dynamique". Pour le candidat EELV, la France "doit devenir le pays de l’excellence biologique", et il souhaite "que l’Europe construise sa souveraineté alimentaire autour de l’agriculture paysanne".

Au sujet de la renégociation du paquet agricole, il estime qu’il faut "réintroduire dans la réglementation l’objectif de moyens et un principe pollueur payeur pour éviter que les agriculteurs bio payent les conséquences de l’épandage de pas mal d’autres" quand des résidus de pesticides sont retrouvés dans leurs champs.

"La France zéro pesticide c’est la réponse aux perturbateurs endocriniens", assure Yannick Jadot. "Ça doit être notre objectif. Il y a l’argent de la PAC, une volonté citoyenne, si on aide les paysans dans la transition ça peut être un beau projet", conclut-il.

Marc Laimé - eauxglacees.com