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(1) Présidentielle 2017 en étrange pays

1er mars 2017

par Marc Laimé - eauxglacees.com

A l’aube d’une campagne que les commentateurs s’accordent à décrire à nulle autre pareille, les élections présidentielles de 2017 vont se tenir dans un pays déchiré par de nombreuses fractures. La question environnementale, plus petit dénominateur commun obligé des nombreux impétrants, s’y retrouve noyée sous les artifices réthoriques qui la dénaturent, identifiables dans le "programme" de chaque candidat. Eaux glacées, après un état des lieux subjectif de l’état de la question environnementale, va feuilletonner en une vingtaine d’épisodes la question environnementale en 2017 et les engagements écologiques des candidats en lice.



L’argent roi

Les sommes versées aux actionnaires par les entreprises ont globalement stagné dans le monde en 2016, sauf en Europe et notamment en France où elles ont progressé de 11,8% à 54,3 milliards de dollars.

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/02/20/97002-20170220FILWWW00005-stagnation-des-dividendes-mondiaux.php

Un million de pauvres de plus en dix ans

La France compte en 2017 entre 5 et 8,8 millions de pauvres selon la définition adoptée. Entre 2004 et 2014, le nombre de personnes concernées a augmenté d’un million, principalement sous l’effet de la progression du chômage. Un changement majeur dans notre histoire sociale.

La France compte cinq millions de pauvres si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian [1] et 8,8 millions si l’on utilise le seuil à 60 %, selon les données 2014 de l’Insee (dernière année disponible). Dans le premier cas, le taux de pauvreté est de 8,1 % et dans le second de 14,1 %. Au cours des dix dernières années (2004-2014), le nombre de pauvres a augmenté [2] de 950 000 au seuil à 50 % et de 1,2 million au seuil à 60 %. Quel que soit le seuil retenu, le taux de pauvreté s’est élevé de 1,2 point.

La pauvreté a fortement progressé à partir de 2008, avec l’accentuation des difficultés économiques liées à la crise financière. Entre 2008 et 2012, le nombre de pauvres, au seuil à 50 % comme à 60 %, a augmenté de 800 000. Le taux de pauvreté à 50 % s’est élevé de 7 à 8 %, celui à 60 % de 13 à 14 %. Depuis 2012, le taux et le nombre de pauvres stagnent, selon l’Insee. 
Paradoxalement, cette stagnation résulte principalement de l’extension de la crise aux couches moyennes [3]. Le seuil de pauvreté est en effet calculé en fonction du niveau de vie médian qui a baissé en 2012. Des personnes pauvres en 2011 ne l’étaient plus en 2012 avec le même revenu du seul fait de la baisse du seuil.

http://www.inegalites.fr/spip.php?article270

Droits de l’Homme en berne

Le bilan 2016 de la Cour européenne des droits de l’homme publié le 26 janvier est peu flatteur pour la France. Elle a été condamnée 14 fois au cours de l’année écoulée, notamment pour des violations du droit à la liberté et à la sûreté (7 condamnations), du droit à la vie privée et familiale (3), de la liberté d’expression (2) ou pour des traitements inhumains ou dégradants (5).

C’est autant de fois que le Royaume Uni (7 condamnations), l’Allemagne (4), ou les Pays Bas (3) réunis. En Europe occidentale, seul le Portugal fait pire. Un constat qui devrait faire réfléchir au « pays des droits de l’Homme », si promopt à donner des leçons.

Jean-Baptiste Jacquin, Le Monde, 22 février 2017.

Fractures territoriales

Les créations d’emplois en France se concentrent depuis une dizaine d’années sur les aires urbaines de plus de 500 000 habitants, positionnées sur les métiers les plus dynamiques, notamment de cadres, au détriment des villes petites et moyennes, selon une étude de France Stratégie parue le 21 février 2017.

La douzaine de métropoles régionales rassemblent près de 46 % des emplois, dont 22 % pour Paris et 24 % en province. De 2006 à 2013, c’est dans ces aires urbaines de plus de 500 000 habitants que se sont concentrées les créations d’emplois alors que les villes moyennes, les petites villes et les communes isolées ont subi des pertes, observe l’organisme placé auprès du Premier ministre.

Cette évolution est « inédite » depuis 1968 : la croissance de l’emploi profitait à l’ensemble du territoire jusqu’en 1999, puis les territoires se sont de plus en plus différenciés, et entre 2006 et 2013, les écarts se sont creusés, analyse France Stratégie.

Cette « métropolisation », qui « devrait se poursuivre », est principalement liée à une concentration des emplois de cadres dans les métropoles, positionnées sur des « métiers structurellement dynamiques », aux tâches « non répétitives » et à « fort potentiel de créations d’emplois d’ici 2022 » (85 % des ingénieurs en informatique, 75 % des professionnels de l’information et de la communication, 69 % du personnel d’études).
A cela s’ajoute un « effet local » : pour un métier donné, la croissance y est supérieure au reste du pays. Le nombre de cadres y croît davantage, mais aussi les métiers industriels, qui résistent mieux qu’ailleurs.

http://www.maire-info.com/action-sociale-emploi-sante/emploi/emploi-la-fracture-territoriale-s-est-creusee-entre-metropoles-et-villes-moyennes--article-20458Emploi

Agriculture

"l’Europe a été vendue aux agriculteurs comme une promesse attrayante. Pendant beaucoup d’années, des générations, dans les années 60 70 80, les agriculteurs ont bénéficié de la construction européenne (...)"

1955 : 2,3 millions de paysans

Il reste 500 000 exploitants, dont bien peu de paysans.

"Les "obstacles à l’expansion économique" (entendre : les moyens de protection des populations et des écosystèmes) doivent faire place nette. "Le mécanisme des prix ne remplira son office qu’en infligeant aux agriculteurs presque en permanence un niveau de vie sensiblement inférieur à celui des autres catégories de travailleurs"

extrait de Plan de stabilisation Pinay-Rueff
Comité d’experts pour la suppression des obstacles à l’expansion économique septembre/décembre 1958.

Grande distribution

The New York Times publie une enquête sur la mise à mort des cités françaises par la grande distribution :

« As France’s Towns Wither, Fears of a Decline in ‘Frenchness’

Measuring change, and decay, is not easy in France, where beauty is just around the corner and life can seem unchanged over decades. But the decline evident in Albi is replicated in hundreds of other places. France is losing the core of its historic provincial towns — dense hubs of urbanity deep in the countryside where judges judged, Balzac set his novels, prefects issued edicts and citizens shopped for 50 cheeses. (...) »

https://www.nytimes.com/2017/02/28/world/europe/france-albi-french-towns-fading.html?_r=0

Supermarchés : la politique de la terre brûlée

Près d’un commerce sur dix en centre-ville est fermé en France. Comment revitaliser ces centres urbains ?

L’exemple de Nevers : dans la préfecture de la Nièvre, 21% des pas-de-porte sont fermés en centre-ville.

(...) son palais ducal et sa cathédrale romane, plutôt une jolie ville de 35 000 habitants. Malgré ce riche patrimoine, les magasins vides, les panneaux à vendre, à louer ou en liquidation totale se succèdent dans certaines rues. "On est quand même mercredi, c’est le jour des enfants, il n’y a pas grand monde dans les rues" se désole Martine. Cette fonctionnaire de 59 ans née à Nevers regrette un choix limité de boutiques. Beaucoup sont parties dans la zone commerciale implantée en périphérie de la ville.

(...) la zone commerciale continue à s’étendre alors que les boutiques se meurent en centre-ville.

https://www.franceinter.fr/emi

A Cavaillon, quand la galerie marchande remplace le bistrot du village
Conséquence de cette périurbanisation grandissante : Cavaillon se vide, le centre-ville se paupérise et de plus en plus d’habitants n’y vont plus, évoquant des problèmes de stationnement et un sentiment d’insécurité.

https://www.franceinter.fr/emi

Commande publique en chute libre

Le baromètre de la commande publique présenté par la CDC et l’ADCF le 21 février 2017 révèle que le retournement escompté par certains analystes au vu des résultats 2015 ne s’est pas concrétisé, notamment pour ce qui concerne les investissements (marchés de travaux).

La tendance baissière n’est donc pas enrayée en 2016 et se poursuit dans des volumes non négligeables (-4,47 milliards d’euros soit -5,8%). La commande publique a connu depuis 2012 une baisse en valeur de près de 24 milliards, soit un quart du volume financier.

Sur la même période, on observe également une baisse de près de 30% du nombre d’appels d’offre (-28,4%). Pour l’année 2016, les effets de la réforme territoriale sur les intercommunalités et sur les régions, ainsi que la réforme de la commande publique pourraient avoir contribué à cette baisse. Marc Abadie voit toutefois dans la hausse de 12% des marchés d’ingénierie, tournés vers la prospective, une raison d’espérer une reprise à condition que ceux-ci se traduisent en investissements en 2017.

http://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServer?pagename=Territoires/Articles/Articles&cid=1250278628089

Service public en déshérence

Retrait du service public, réduction de ses fonctions d’accueil d’orientation, d’assistance… sont autant de réalités que le Défenseur des droits pointe dans son rapport d’activités 2016 présenté publiquement, jeudi 23 février 2017. Un recul du service public qui n’est pas sans conséquence sur l’accès aux droits, notamment des plus fragiles.

http://www.lagazettedescommunes.com/491473/le-defenseur-des-droits-pointe-du-doigt-le-recul-du-service-public/

Dès lors, l’association des administrateurs territoriaux de proposer le transfert de 500 000 fonctionnaires de la fonction publique d’état vers les collectivités locales, ce qui permettra à ces dernières de "mieux cohabiter avec le privé"...

http://www.lagazettedescommunes.com/492236/presidentielles-les-administrateurs-territoriaux-proposent-le-transfert-de-500000-fonctionnaires-detat-vers-les-collectivites/

Et pour ne pas s’arrêter en si bon chemin, les mêmes proposent de faciliter le licenciement des fonctionnaires, gardez-moi de mes amis...

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/03/01/20002-20170301ARTFIG00005-quand-des-fonctionnaires-proposent-de-simplifier-leurs-licenciements.php

Mais le « bio » en majesté

Un bilan éprouvant à l’aube d’une campagne présidentielle que l’ensemble des commentateurs s’accordent à dire à nulle autre pareille.

En effet, concernant l’environnement, un curieux effet de loupe réduit la question environnementale à quelques mots valises : « le climat, la transition, l’alimentation, la santé… », brandis comme colifichets magiques devant lesquels chacun doit s’incliner, conquis, ravi, enthousiaste...

Accessoirement on notera que l’eau est "sortie de l’histoire" depuis 2012, épisode que nous avons longuement documenté par ailleurs.

Ainsi, instantané parfait, « les surfaces consacrées à l’agriculture biologique, ainsi que le rythme des conversions d’exploitations à ce type d’agriculture ont poursuivi leur progression en France en 2016, selon un bilan que publie aujourd’hui l’Agence Bio, groupement d’intérêt public qui réunit notamment le ministère de l’Agriculture, celui de l’Environnement et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture. »

http://www.maire-info.com/environnement-developpement-durable/agriculture/agriculture-biologique-les-surfaces-et-conversions-continuent-de-progresser-article-20459

Du coup on en fait des caisses sur les « circuits courts » et l’approvisionnement local, comme en témoigne si besoin était le récent rapport du CGAEER :

http://www.maire-info.com/upload/files/rapport_restauration_collective.pdf

A suivre.

Marc Laimé - eauxglacees.com