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Pourquoi combattre la reprivatisation de l’eau à Paris ?

23 septembre 2016

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Le 28 juin 1993, le directeur de la Société anonyme de gestion des eaux de Paris (SAGEP), décrivait lors d’un Conseil d’administration les activités de la SAGEP en Russie. La lecture de ce document historique explique à elle seule pourquoi une coalition aussi improbable que contre nature conspire en 2016, afin d’effacer la décision courageuse arrêtée par Bertrand Delanoë et sa majorité en 2010, et de reprivatiser à nouveau l’eau à Paris.



En 1985, Jacques Chirac, maire de Paris, cédant aux invites de Jêrôme Monod (décédé en 2016), alors président de Lyonnaise des eaux, mais aussi ex-secrétaire général du RPR, privatisait successivement la distribution, puis la production de l’eau à Paris.

Côté distribution, elle était confiée pour vingt-cinq ans, rive droite, à la Générale des eaux, qui deviendra Veolia, rive gauche à la Lyonnaise des eaux, aujourd’hui filiale de Suez.

Puis, en 1987, la production était confiée à une société d’économie mixte, la SAGEP, dont la Générale des eaux et la Lyonnaise des eaux détenaient chacune 14% du capital, le reste étant détenu par la Ville de Paris.

En 2008, Bertrand Delanoë décide le rachat de la participation des deux multinationales dans le capital de la SAGEP. Reprises temporairement par la Caisse des dépôts et consignations, ces participations sont ensuite rachetées par Paris : la production de l’eau y redevient publique.

En décembre 2010, le Conseil de Paris décide ensuite de republiciser la distribution de l’eau, affermée à Veolia et Suez. Avec la reprise de la distribution en gestion publique, la régie Eau de Paris était devenue l’opérateur unique de la production et de la distribution de l’eau dans la capitale.

Les actions de la SAGEP en Russie

Interrogé lors du Conseil d’administration du 28 avril 1993, Georges Mercadal, son directeur, s’exprimait sur les actions de la SAGEP en Russie, comme le rapportait le compte-rendu de la séance (page 14) :

“ (…) Par ailleurs la SAGEP a développé une activité de conseil pour la privatisation de la distribution de l’eau à Moscou, cette action a donné lieu à l’établissement d’un rapport. Les propositions de la SAGEP pour l’eau de Moscou s’inspirent du système mis en place à Paris. Ainsi, il est prévu de créer une société municipale qui, par la suite, passera un contrat avec une société privée. L’expérience sera d’abord menée sur un quartier pilote de Moscou.

La société de distribution d’eau potable s’occupera aussi du réseau d’eaux usées et du réseau d’eau chaude. Si l’expérience menée sur le réseau pilote est positive, et si elle doit être étendue à l’ensemble de Moscou, dans ce cas la SAGEP devra être payée pour ses conseils.

La Banque Mondiale est intéressée par ces projets, à moins que les partenaires privés et étrangers également intéressés, décident d’apporter seuls le financement des projets.

D’autres interventions de la SAGEP pourraient se développer, à Riga par exemple.

Dans les pays du Maghreb les actions de la Sagep se développent en Algérie et au Maroc.

Les actions à l’étranger de la Sagep se développent sur deux fronts : d’une part conseils et prestations en exploitation et gestion, d’autre part conseils en organisation (décentralisation et privatisation) nécessitant une mise de fonds préalable et vraisemblablement un appel aux organismes internationaux.

Après l’exposé de Monsieur Mercadal, Monsieur le Président relate la dernière visite de la délégation russe à Paris et fait part d’une proposition que la Fédération des Villes russes a faite à la Sagep en vue de créer un centre franco-russe de formation pour la privatisation des services publics russes.

(…)

Puis en application de l’article 101 de la loi du 24 juillet 1966, il est demandé au conseil l’autorisation nécessaire à la passation d’une convention d’études complémentaire relative au micro capteur de chlore entre la société Eau et Force, la société SAGEP et le Centre international des recherches sur l’eau et l’environnement (CIRSEE), d’une part, et le GIE Cylergie d’autre part.

La Société Lyonnaise des eaux Dumez est administrateur de la SAGEP et membre du GIE Cylergie.

L’exploitation et la commercialisation du brevet déposé par le GIE fera l’objet de conventions séparées qui détermineront les droits et obligations de chacun comme dans le cadre d’une copropriété du brevet.

(…)

Il est ensuite donné lecture de la note relative à l’application de la Loi dite “anticorruption” du 29 janvier 1993 et de ses décrets d’application. Le Conseil ne fait aucune remarque sur la proposition de constitution de la Commission qui lui est présentée, et, en conséquence, décide que la Commission d’appel d’offres de la Sagep et son fonctionnement seront les suivants (...) ”

Lire aussi :

 Les Ämes mortes du Grand Paris

http://blog.mondediplo.net/2015-05-12-Les-ames-mortes-du-Grand-Paris

Carnets d’eau, Le Monde Diplomatique, 12 mai 2015

 Ile-de-France : Veolia et le SEDIF instrumentalisent les lois NOTRe-MAPTAM pour pérenniser la gestion privée de l’eau

http://www.eauxglacees.com/Ile-de-France-Veolia-et-le-SEDIF

Les eaux glacées du calcul égoïste, 14 avril 2016

 Eau, décentralisation et “Grand Paris”

http://www.eauxglacees.com/Eau-decentralisation-et-GRAND

Les eaux glacées du calcul égoïste, 16 mai 2016

 A la guinguette avec André Santini (l’intégrale)

http://www.eauxglacees.com/A-la-guinguette-avec-Andre-Santini,1763

Les eaux glacées du calcul égoïste, 12 août 2016

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Les eaux glacées du calcul égoïste, 16 septembre 2016

 Pourquoi combattre la reprivatisation de l’eau à Paris ?

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Marc Laimé - eauxglacees.com