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La loi sur l’eau privatise les services publics (2) : Menaces sur la police de l’eau

11 octobre 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Assurées par différents services déconcentrés de l’Etat, les missions de police de l’eau permettent de vérifier que les réglementations en vigueur sont bien appliquées, que les mesures de préservation et d’amélioration des milieux aquatiques sont conformes aux engagements communautaires de la France. Et de produire les données publiques qui l’établissent. Par le biais d’un arrêté d’application de la LEMA fixant des prescriptions techniques en matière d’assainissement, l’Etat accentue son désengagement déjà amorcé depuis sept à huit ans de l’une de ses missions régaliennes, au bénéfice du secteur privé qui va ainsi pouvoir, à terme, s’emparer de pans entiers de l’action publique.



Le portail « Vie publique.fr » donnait en avril 2004 une définition succinte des missions de police de l’eau :

« La recherche et la constatation des infractions sont une des missions de la police de l’eau. La police de l’eau reste en France une des prérogatives de l’Etat. Bien que transférées au ministère chargé de l’environnement par décret du 29 novembre 1976, les missions de police de l’eau sont assurées sous la responsabilité des préfets dans les départements par les agents des services extérieurs des ministères.

La dispersion des contrôles en fonction de la nature des eaux a entraîné, à partir de 1993, la création dans chaque département d’un organisme, la MISE (Mission inter-services des eaux) chargée, entre autres, de la coordination des actions de la police des eaux.

Les MISE regroupent des agents des directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF), de l’équipement (DDE), des affaires sanitaires et sociales (DDASS), des services maritimes et de la navigation, et bénéficient du concours de la direction régionale de l’environnement (DIREN) et de la direction régionale de l’industrie de la recherche et de l’environnement (DRIRE)

Les missions complexes de la « Police de l’eau »

Trois polices administratives spéciales interviennent en matière d’eau :

 La police de l’eau et des milieux aquatiques instruit les demandes d’autorisation de prélèvements conformément à l’article 10 de la loi sur l’eau (de 1992), veille à la déclaration et au comptage des prélèvements, fixe les objectifs de réduction des flux polluants, contrôle le respect de ces autorisations, veille au libre écoulement des eaux et poursuit les infractions.

 La police de la pêche assurée en partie par les gardes-pêche du Conseil supérieur de la pêche (remplacé par l’Onema, note Eaux glacées), veille au respect de la réglementation de la pêche en eau douce, à la protection du milieu aquatique, à la gestion des ressources piscicoles, constate les infractions et dresse les procès-verbaux.

 La police des installations classées veille à l’application de la législation du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement. Par des visites d’inspection et par des contrôles, elle constate les infractions, propose les sanctions administratives au préfet et les suites pénales au Procureur de la République. »

On affinera la compréhension des subtilités afférentes à ce mille-feuilles administratif en consultant, au choix, les informations diffusées par le MEDAD ou le portail EauFrance du même MEDAD.

Et pour aller encore plus avant, voir par exemple la présentation du
Service de la police des eaux de Meurthe et Moselle.

Sans compter la réforme de la nomenclature et de la procédure eau, dont les décrets sont parus au Journal officiel du 18 juillet 2006…

La création de l’Onema

La lisibilité du dispositif va encore se compliquer après la création de
l’ Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema).

Son conseil d’administration s’est réuni pour la première fois le mardi 4 septembre 2007.

Outre le budget, il a adopté le schéma d’organisation de l’Onema et engagé les premières discussions sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM).

L’organisation territoriale de l’établissement est déclinée en trois niveaux :

 La direction générale développe une capacité d’expertise de haut niveau en appui aux politiques publiques de gestion de l’eau, assure le pilotage de l’établissement, la coordination du système d’information sur l’eau (SIE), elle est en charge des actions relatives à la solidarité financière envers les bassins de l’outre-mer et de Corse, et apporte son soutien aux délégations interrégionales et aux services départementaux.

 9 délégations interrégionales organisent le recueil et la valorisation des données sur l’état des milieux et des espèces, elles apportent leur appui technique aux services de l’Etat et aux gestionnaires de l’eau, notamment en matière d’ingénierie écologique, elles encadrent et animent aux plans technique et réglementaire l’activité de contrôle et de police exercée par les services départementaux. Six des neuf délégations assurent des missions auprès des autorités de bassin et coordonnent les autres délégations situées dans le même bassin.

 Les services départementaux exercent le contrôle des usages et la police de l’eau et de la pêche et assurent le recueil de données sur l’état des milieux aquatiques et des espèces. Le conseil d’administration a eu un premier débat d’orientation sur le contrat d’objectifs et de moyens en cours de préparation. Conclu entre l’Etat et l’Onema, il fixera les priorités des actions à conduire par l’organisme au cours de la période 2008-2010, ainsi que l’allocation des moyens.

Les 700 agents du défunt Conseil supérieur de la pêche (CSP), les gardes-pêche assermentés qui assuraient on l’a vu des missions spécifiques en matière de police de l’eau se voient donc en apparence confirmés dans leurs missions au niveau départemental, tandis que 9 nouvelles délégations interrégionales « apportent leur appui technique aux services de l’Etat et aux gestionnaires de l’eau, notamment en matière d’ingénierie écologique, (…) encadrent et animent aux plans technique et réglementaire l’activité de contrôle et de police exercée par les services départementaux. »

En apparence rien n’aurait donc changé. Erreur.

Les missions de l’Onema sont avant tout des missions d’étude. Comment vont évoluer les missions actuelles de police de l’eau de ces agents compte tenu de leur nouveau statut ?

L’affaire a suscité depuis le projet de création de l’Onema de fortes tensions entre le MEDD, les agents du CSP et les Agences, et la situation ne semble pas en voie d’apaisement…

Un désengagement programmé de l’Etat

En matière de police de l’eau une « rupture » est en fait déjà engagée depuis 7 à 8 ans : l’Etat se recentre de plus en plus sur ses missions régaliennes, plus précisément leur confère une définition de plus en plus restrictive, au détriment de la connaissance des réalités de terrain et du recollement de données publiques, voire de l’accompagnement des collectivités.

Une logique qui s’accompagne d’une forte réduction d’effectifs, avec, pour ce qui concerne la police de l’eau, de moins en moins d’agents dédiés aux contrôles inopinés.

Ainsi, et il en est des dizaines d’exemples, dans un département du Nord-Ouest de la France, seule la DDE expédie encore un agent sur le terrain, pas la DDAF, et certaines stations d’épuration n’ont pas vu la visite d’un agent de l’Etat, ou mandaté par l’Etat, depuis plus de 10 ans…

En sous-effectif chronique depuis belle date les services déconcentrés de l’Etat (les rapprochements DRIRE-DIREN « expérimentés » aux forceps, témoignent d’une logique identique), affichent donc, contraints et forcés, des priorités.

En général on privilégie les grosses stations d’épuration au détriment des plus petites, le renouvellement des demandes d’autorisation de rejet, les dossiers « Loi sur l’eau », le respect de la dernière circulaire…, les missions confiées à des partenaires externes par voie de convention.

La réglementation prévoit que la collectivité doit payer des contrôles régaliens inopinés réguliers sur la qualité du rejet, un peu comme si on payait un centre de contrôle technique pour qu’il vienne contrôler la sortie du pot d’échappement du véhicule à l’improviste, et que les résultats partent directement à la gendarmerie.

Dans le même département du Nord-Ouest de la France mentionné ci-dessus, c’est le laboratoire départemental (public) qui effectue ces analyses et les facture à la collectivité. Les résultats en sont transmis à la police de l’eau, avec une copie au Satese et à la collectivité concernée.

La police de l’eau devrait apporter l’assurance d’une égalité d’exigence et l’absence d’impunité. Or toutes les collectivités ne sont pas à la même enseigne. A taille et situation réglementaire équivalente, pour des raisons « historiques », certaines stations d’épuration doivent payer 4 analyses inopinées "police de l’eau" par an sur leur rejet, d’autres 2, et d’autres encore pas du tout…

En théorie, grâce à la vision globale du parc épuratoire donné par les Satese, la police de l’eau pourrait classer et prévoir ses contrôles par priorité (vis-à-vis de l’impact sur le milieu naturel), ce qui à encore du mal à être fait.

Noter que le passage des techniciens du Satese n’est pas considéré comme une visite "police de l’eau", mais qu’il permet un suivi de toutes les stations d’épuration. Sans cela certaines n’auraient pas d’autres analyses que celles éventuelles de l’exploitant, soit les bilans « 24 heures ».

Au total les contrôles actuels sont donc plus orientés vers les dossiers et les situations connues que vers les collectivités les plus polluantes. Cela devait évoluer avec la mise en œuvre de la DCE. Voyons comment.

L’arrêté du 22 juin 2007

Un arrêté daté du 22 juin 2007, publié au JO du 14 juillet 2007, a fixé les « prescriptions techniques minimales applicables à la collecte, au transport, au traitement des eaux usées des agglomérations d’assainissement, ainsi qu’à leur surveillance en application des articles R.2224-10 à 15 du Code général des collectivités territoriales. »

Il détermine également les "prescriptions techniques applicables aux dispositifs d’assainissement non collectif recevant des eaux usées de type domestique représentant une charge brute de pollution organique supérieure à 1,2 kg/j de demande biochimique en oxygène mesurée à 5 jours (DBO5)."

Cet arrêté confie en fait aux 6 Agences de l’eau françaises le soin de valider « l’auto-surveillance » des outils d’épuration des collectivités et détaille les points à contrôler.

Son article 17 précise en effet que, dorénavant, les agences de l’eau « assurent par une expertise technique régulière la présence des dispositifs de mesure de débits et prélèvements ».

Les agences réalisent cette expertise pour leurs propres besoins et pour le compte de la police des eaux.

Autrement dit, l’agence s’assure de la validation de l’autosurveillance, qui ressortissait jusqu’à présent des services déconcentrés de l’Etat en charge de la police de l’eau.

Les exploitants de STEP, publics ou privés, sont en effet soumis à une obligation d’auto-surveillance de leurs installations et doivent fournir aux services de l’Etat en charge de la police de l’eau des bilans attestant d’un bon fonctionnement.

Les enjeux de la télégestion

L’évolution des normes a contraint les exploitants de STEP, collectivités publiques et sociétés fermières, a s’équiper en systêmes de surveillance. Auparavant l’automatisation des stations concernait les sites de 5000 équivalent-habitants (EH). Désormais elle vaut aussi pour les stations de 2000 EH.

Initialement développée dans le secteur de la production et de la distribution d’eau potable, l’autosurveillance des stations et des réseaux d’assainissement est apparue avec la directive Eaux résiduaires urbaines de 1991. Directive transcrite en droit français par l’arrêté du 22 décembre 1994 relatif à la surveillance des ouvrages de collecte et de traitement des eaux usées mentionnées aux articles L.372-1-1 et L. 372-3 du code des Communes, paru au JO du 10 février 1995. Aujourd’hui 80% des exploitants de moyennes stations d’épuration utilisent le RTC, 15% le GSM et 5% d’autres moyens comme la liaison radio.

Pour le magazine spécialisé Hydroplus, qui y consacrait un dossier dans son numéro 174 d’août et septembre 2007 : « Aujourd’hui la télégestion apparaît dans près de 70% des appels d’offres. (…) Au niveau des postes de relevage, le suivi à distance des équipements a surtout pour vocation de réduire les coûts de déplacement des techniciens de maintenance. Elle garantit aussi le suivi de l’enregistrement des données, de plus en plus demandées par les Satese.

(…)

En France, le marché des automates de télégestion concerne près de 80 000 postes de relevage et 27 000 châteaux d’eau à rénover. Le secteur de l’eau représente le potentiel le plus important pour l’utilisation de la télégestion (33%), suivi du génie climatique (23%), de l’électricité (15%), du gaz-pétrole et infrastructure (15% également) et enfin de l’industrie (13%).

Concernant l’eau, il est important de différencier les besoins au niveau de la gestion à distance des ouvrages. Si le suivi du niveau des châteaux d’eau ne nécessite qu’une télésurveillance, les pompes dans les postes de relevage peuvent faire l’objet de télécommande ou de télégestion. La télésurveillance consiste à envoyer une alarme, la télécommande permet en plus de commander les ouvrages à distance (démarrage, arrêt), la télégestion remplit toutes ces fonctions avec en outre la possibilité d’acquérir et d’analyser des données telles que le fonctionnement de la pompe et son débit. »

Les spécialistes du secteur appellent généralement à la prudence en matière de télésurveillance.

Elle est intéressante car elle permet d’être prévenu en temps réel d’accidents sur certains organes sensibles. Par exemple sur un poste de relevage, si l’intervention pour réarmer les pompes est assez rapide (agent d’astreinte) cela évitera, ou limitera, le déversement des d’effluents non traités dans un déversoir d’orage, qui aboutit le plus souvent directement dans un cours d’eau.

Cependant, même s’il est présenté comme une sécurité, les sociétés fermières y voient plus une économie de personnel et cet investissement est parfois proposé aux collectivités au détriment d’autres investissements plus prioritaires ou sécuritaires. Pour l’instant la commande des ouvrages à distance demeure peu développée sur le parc existant.

Par ailleurs l’autosurveillance peut avoir pour effet pervers le limiter le nombre de passages des agents sur les petites stations d’épuration. Soit un seul passage par semaine au lieu de 2 ou 3, suivant l’équipement de télésurveillance mis en place et le travail à effectuer sur la STEP.

Or seuls certains ouvrages étant équipés, des pannes ou incidents sur d’autres organes pourraient ne pas être détectés à temps. Si des actes de malveillance sont perpétrés sur une station d’épuration, avec ouverture de la vanne du silo à boues, sans une présence régulière de l’agent sur la station, le silo peut se vider entièrement et les boues couler à la rivière.

Les collectivités qui investissent dans des équipements de télésurveillance proposés par leur délégataire ont donc intérêt à s’assurer du maintien des fréquences de passages d’agent pour les autres vérifications et opérations d’entretien. Et à choisir des modes de transmission simples (téléphone) ou « multi-canaux » afin de faciliter une éventuelle modification du mode de gestion, voire un changement de délégataire.

Une OPA multiforme

Quel rapport entre la croissance de la télégestion et les menaces de privatisation croissante des missions de police de l’eau, la substitution accélérée des laboratoires d’analyse publics départementaux par des multinationales privées et la mise en concurrence obligatoire des Satese ?

Une OPA globale de Veolia, Suez et Saur sur l’ensemble de la chaîne de production des données publiques dans le domaine de l’eau.

Les entreprises développent déjà à marches forcées le radio-relevé des compteurs dans le secteur de l’AEP.

(Ce qui constitue une nouvelle « arme fatale » dans la perspective d’un éventuel retour en gestion publique d’une DSP. Les compteurs étant propriété des fermiers, ceux-ci vont désormais « valoriser » le radio-relevé, et augmenter d’autant le montant du « bien de reprise » que représentent les parcs de compteurs équipés de dispositifs de radio-relevé…)

Elles ont de même massivement investi le domaine du contrôle des eaux de baignade, récemment renforcé par une directive européenne.

Déjà présentes en amont dans l’élaboration des normes Afnor et Iso, elles ont fait des pieds et des mains pour participer au groupe de pilotage du futur Systême d’information sur l’eau (SIEau).

Que demain police de l’eau, analyses et assistance technique à l’assainissement basculent dans le privé, on en prend le chemin, et la boucle sera bouclée…

La privatisation en marche

Jusqu’à présent le Préfet pouvait réglementairement faire appel à un organisme indépendant pour l’aider à effectuer la validation de l’auto-surveillance.

Dans certains départements des conventions avaient ainsi été signées entre le Satese, (qui dépend du département et est financé conjointement par le Conseil général et l’Agence de l’eau), et le Préfet.

Désormais ce sera donc aux Agences de l’eau de « valider » ces bilans d’auto-surveillance, et donc ipso-facto d’assurer une mission de contrôle qui ne leur était pas dévolue auparavant.

Or, compte tenu de leurs sous-effectifs chroniques, à l’orée d’une période où les missions qui leur sont imparties « explosent », tant en volume qu’en complexité, elles vont se voir contraintes, et être fortement incitées, à procéder à la mise en concurrence de ces nouvelles prestations, et donc à faire appel à des opérateurs privés, dans le cadre d’appels d’offre régis par le Code des marchés publics.

Les Agences ne pourront donc plus, ce qu’elles faisaient massivement jusqu’à présent, mettre en œuvre des marchés au niveau de chaque Département, ce qui va conduire, mécaniquement, à une exclusion de fait des services déconcentrés de l’Etat ou des services des Conseils généraux (Satese), dont les compétences et l’impartialité sont pourtant unanimement reconnues par tous les acteurs de l’eau, au premier rang desquels les collectivités locales. Et au tout premier chef les petites communes rurales totalement démunies en la matière

L’Etat transfère donc, et veut faire financer par les Agences de l’eau, dont la situation financière critique a déjà conduit certaines d’entre elles à contracter des emprunts, un précédent jamais vu depuis leur création en 1964, une partie de ses missions régaliennes, exigeant d’elles ce qu’il n’était pas capable, ou ne souhaite plus mettre en oeuvre.

Pour l’heure l’Etat conserve certes la maîtrise des dossiers « Loi sur l’eau » et la validation des manuels d’auto-surveillance, car toutes les collectivités de 20 à 2000 équivalent-habitants (EH) doivent en disposer avant le 1er janvier 2013, missions qui n’ont pas pour l’heure été « transférées » aux Agences. Pour combien de temps ?

Au-delà des apparences d’un ajustement « technique », les enjeux sont considérables.

En matière de validation des données, le marché mis en concurrence par les Agences sera vraisemblablement contracté à un niveau supra-départemental, ce qui va conduire à exclure du jeu, à l’échelle départementale, les services déconcentrés de l’Etat ou les services d’assistance technique des Conseils généraux qui y participaient.

Si par hypothèse ces différents services tentent de poursuivre leurs interventions en matière d’autosurveillance et/ou rédigent le manuel, pour le compte notamment des collectivités rurales, totalement démunies en la matière, ils vont se retrouver dans une situation où ils pourraient être contrôlés par l’opérateur privé (filiale d’un grand groupe de l’eau, de préférence) qui aura obtenu le marché mis en concurrence par l’Agence de l’eau…

A terme, les Agences de l’eau seront-elles en mesure de vérifier la qualité des prestations réalisées par les organismes de contrôle ? Sur le papier sûrement, sur le terrain non. Des dérives apparaîtront. Ne seront-elles pas tôt ou tard contraintes de recourir à un autre prestataire (privé), qui "contrôlera le contrôle" de l’auto-surveillance ?

Les Agences en proie aux marchés publics

Imaginons (fiction réaliste) qu’une agence initie une procédure de marché public pour la validation de l’autosurveillance sur les stations d’épuration urbaines de son bassin.

Plusieurs lots (un par département) pourraient être constitués, sur le critère du mieux disant, et pour une durée de 3 ans. Comme cette agence a établi, en toute bonne foi n’en doutons pas, des grilles très précises sur le travail à effectuer, à partir d’une « démarche qualité » initiée par plusieurs Satese, tout bureau d’études privé « novice » sur ce terrain, pourra répondre et initier une course au dumping qui laisse augurer d’une baisse immédiate de la qualité des interventions qui interviendront dans ce nouveau contexte...

Ici les recettes ancestrales du merveilleux « monde de l’eau » vont donc inévitablement fleurir : une réponse initiale à peine en dessous du prix de revient, des prestations incomplètes, inabouties, au motif d’une « complexité » qui se fait soudainement jour, et l’ouverture de négociations pour conclure des avenants au contrat initial… Ce qui de surcroît est légalement possible, et ne remet pas en cause le marché, à condition de ne pas passer les bornes.

Les Satese du bassin devront répondre à l’appel d’offre s’ils interviennent déjà sur un parc de STEP urbain important, car faute de se positionner face aux bureaux d’études privés, ces services des Conseils généraux perdront une grande partie de leur activité.

Dans ce nouveau contexte, le « bénéfice » attendu de la mise en concurrence des Satese ne sera de surcroît valable qu’une fois, car si le marché est perdu, le Satese disparaîtra ou, au mieux, ne sera plus en capacité de répondre trois ans plus tard lors du renouvellement du marché !

L’expérience des Laboratoires départementaux d’analyse a en outre montré que si les collectivités maîtrisent les procédures de passation des marchés publics, elles sont le plus souvent singulièrement dépourvues quand il s’agit de bien y répondre.

Les collectivités ne sont pas rodées à répondre aux marchés publics, dont le Code a été réformé à maintes reprises ces dernières années.

Ainsi un Laboratoire départemental d’analyses a-t-il été évincé d’un marché public de suivi de la qualité de l’eau dès l’ouverture de l’enveloppe remise avec la déclaration de soumission, car les pièces administratives demandées correspondaient aux normes comptables en vigueur dans le secteur privé, et non à celles en vigueur dans le public, qu’avait tout naturellement repris le laboratoire…

Dans un autre cas similaire il a fallu littéralement « créer » dans l’urgence, et de toutes pièces, des documents administratifs inexistants pour pouvoir respecter les délais de réponse à l’appel d’offre…

Question annexe, et rien moins qu’accessoire, nous y reviendrons, dans ce cas de figure, qui procédera aux audits, tout aussi indispensables, sur le parc des petites stations d’épuration des communes rurales, dont les Satese assurent aujourd’hui l’autosurveillance dans le cadre de l’assistance technique ?

Ces « parts de marché » n’intéressent pas les bureaux d’étude, ni les grands groupes privés du secteur qui, forts du « rattrapage DERU » déjà impulsé à marches forcées par la Direction de l’eau, une dynamique qui vient d’être confirmée par M. Jean-Louis Borloo, se focalisent sur la remise aux normes de près de 450 STEP en France, et vont inévitablement impulser une action de « recentrage » autour des grandes STEP urbaines.

Au détriment des petites collectivités rurales qui vont se retrouver dans une situation extrêmement critique. D’autant plus qu’elles devront transmettre à la police de l’eau à partir du 1er janvier 2008 les informations relatives à l’exploitation des équipements qu’elles gèrent au format « Sandre », un protocole standard destiné à promouvoir l’interopérabilité entre tous les acteurs concernés.

Lire aussi :

La loi sur l’eau privatise les services publics (1)

La loi sur l’eau privatise les services publics (2) : Menaces sur la police de l’eau

La loi sur l’eau privatise les services publics (3) : Les Satese soumis à la concurrence

La loi sur l’eau privatise les services publics (4) : Plaidoyer pour les Satese

La loi sur l’eau privatise les services publics (5) : Le « plan de bataille Borloo » pour traiter les eaux usées

Marc Laimé - eauxglacees.com