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La loi sur l’eau privatise les services publics (1)

9 octobre 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 réduit considérablement le périmètre d’intervention de plusieurs acteurs publics majeurs dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, en systématisant la dévolution de leurs missions d’intérêt général au secteur privé. Cette dévolution forcée, officiellement légitimée par des impératifs communautaires d’obligation de mise en concurrence d’une pertinence discutable, s’apparente à une privatisation insidieuse des actions régaliennes de l’Etat comme des missions de service public assurées par les collectivités locales. Elle va conférer aux majors de l’eau un nouveau monopole sur la production des données publiques et la gestion même de la ressource, pénaliser les territoires ruraux, et mettre en péril les obligations communautaires de la France au regard de différentes directives européennes sur l’eau.



Les missions d’intérêt général qu’exercent trois acteurs publics majeurs dans le secteur de l’eau et de l’assainissement ont été radicalement remises en cause par la LEMA et ses décrets ou arrêtés d’application.

Elle systématise en effet l’obligation de les soumettre à une mise en concurrence avec le secteur privé, au risque, réel, d’entraîner la disparition rapide des acteurs publics et de voir se constituer un nouveau monopole privé qui exercera tout ou partie, et des missions régaliennes jusqu’ici dévolues à l’Etat, et des missions d’intérêt général exercées par les collectivités territoriales, par le biais de différents services publics locaux.

 La police de l’eau, jusqu’ici assurée par les DDE, DDA, services de navigation et de la pêche, selon la configuration locale de la Mission interservices de l’eau (MISE) concernée, est « transférée » pour partie (avant une dévolution plus extensive encore ?) aux Agences de l’eau, qui devront la prendre en charge et la financer, et n’auront guère d’autre solution pour ce faire que de recourir à des bureaux d’étude privés, dans le cadre de marchés publics.

 Les services d’assistance technique aux exploitants des stations d’épuration (Satese), services publics départementaux créés il y a trente ans à la demande des Agences de l’eau et du ministère de la Santé sont co-financés à hauteur de 30 millions d’euros par an par les Agences de l’eau et les Conseils généraux. Départements qui consacrent plus de 700 millions d’euros par an aux politiques de l’eau et de l’assainissement, davantage que le volet « Ecologie » du budget du MEDAD, chiffré pour 2008 à 477 millions d’euros…

Les 500 techniciens et ingénieurs des Satese rendent des services reconnus à toutes les collectivités, surtout en milieu rural, qui exploitent les stations d’épuration. Ils participent aussi à la production des données publiques qui permettent de vérifier le bon fonctionnement des installations et de les améliorer.

L’article 73 de la LEMA et son décret d’application, actuellement à l’étude, soumettent également les Satese à la concurrence, font obligation aux collectivités qui souhaiteraient continuer à bénéficier de leur concours de les rémunérer, ce qui n’était pas le cas majoritairement auparavant. et de signer pour ce faire des conventions. Ces contraintes menacent gravement la pérennité de leurs interventions, au profit des bureaux d’études privés et des grands groupes du secteur. Si à partir du 1er janvier 2009, comme le laissent augurer les textes actuellement à l’étude, les Satese perdent de 50 à 70% de leurs missions (voire 100% pour certains d’entre eux), missions qui ne seront que très partiellement reprises par des opérateurs privés, car quoique essentielles elles ne sont pas « rentables », cette dévolution provoquera de surcroît une perte de données publiques catastrophique quant à la connaissance du fonctionnement du parc épuratoire français.

 Les laboratoires publics départementaux d’analyse des eaux, au nombre d’une centaine en France, doivent désormais eux aussi, sacro-sainte concurrence oblige, se soumettre à des procédures de passation de marchés publics lors desquels ils affrontent de véritables multinationales privées de l’analyse, ce qui provoque leur disparition accélérée.

Dans ce contexte l’annonce par M. Jean-Louis Borloo le 14 septembre 2007 d’un « plan de bataille » pour traiter les eaux usées constitue une magnifique aubaine pour les grands groupes privés du secteur et leurs filiales spécialisées. Ce plan qui allie mises en demeure à l’égard des collectivités qui tarderaient à engager la remise à niveau de leurs installations, diminution voire suppression des subventions allouées par les Agences de l’eau aux collectivités récalcitrantes, et mobilisation d’un fonds spécial d’un montant de 2 milliards d’euros, créé sur les fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations, fonds auprès duquel les collectivités pourront souscrire des emprunts bonifiés, va constituer une fantastique opportunité pour Degrémont, OTV et Stéreau, les filiales des Trois Sœurs spécialisées dans la constructions de réseaux et d’infrastructures d’eau et d’assainissement.

On connaît les reproches traditionnellement adressés aux « compagnies fermières » dans le cadre des délégations de service public qu’elles exercent pour le compte des collectivités locales, exercice qui a donné naissance à un véritable monopole, et à d’innombrables dérives.

Que dire demain quand Veolia, Suez et Saur vont construire des infrastructures, les exploiter pour le compte des collectivités locales, et désormais se substituer pour partie aux services déconcentrés de l’Etat dans l’exercice de leurs missions régaliennes et aux services publics locaux dans l’exercice de leurs missions d’intérêt général, qu’il s’agisse de la police de l’eau, des analyses ou de l’assistance technique en matière d’assainissement ?

Parties, juges, contrôleurs, les grands groupes du secteur vont donc demain exercer leur emprise, et c’était tout l’enjeu des « évolutions » actées par la LEMA, sur toute la chaîne de production de données publiques dans le domaine de l’eau.

Elles exerçaient déjà un monopole écrasant dans les domaines de la recherche-développement, de la normalisation et des brevets… Avec les nouvelles dispositions législatives et réglementaires actées par la LEMA, l’ingenierie privée supplante désormais sans équivoque l’ingenierie publique, déjà bien mal en point.

Veolia, Suez et Saur ne seront plus seulement des « fermiers », délégataires d’une mission de service public, théoriquement contrôlée par « l’autorité organisatrice » (la collectivité délégante). Acteurs majeurs de la production des données publiques ils vont insensiblement apparaître comme de véritables co-gestionnaires de la ressource elle-même, supplantant l’Etat et les collectivités territoriales dans ce qui constitue l’essence même de leurs prérogatives publiques.

Une concurrence libre et non faussée ?

Jouons l’avocat du diable : admettons que la mise en concurrence, en toute orthodoxie libérale, soit une bonne chose en soi en théorie, si elle permet de motiver les agents publics, d’obtenir une meilleure technicité ou expertise, d’optimiser le fonctionnement des services, de diminuer le montant de l’argent public dépensé, et de stimuler l’innovation.

On s’aperçoit hélas très vite que les règles sont quelque peu « faussées » lorsqu’on demande à une collectivité, un laboratoire d’analyses public ou un Satese, d’être mis en concurrence avec un opérateur privé :

 Leur vocation n’est pas de réaliser des bénéfices et de « satisfaire le client », mais de s’assurer que l’outil épuratoire fonctionne correctement et que l’environnement sera au final gagnant.

 S’agissant d’une collectivité gestionnaire de l’eau et de l’assainissement, elle va plutôt chercher à limiter ce que va payer le particulier. Pour résumer, elle va chercher à limiter les dépenses de fonctionnement et repousser les investissements jusqu’au moment où ils deviennent inévitables.

 Les collectivités ne sont pas préparées à la mise en concurrence d’une mission qu’elles considèrent ressortir de l’intérêt général. Elles répondront globalement à un marché public, plutôt de manière défensive, lorsque la survie d’un service est en jeu, ou pour essayer de maintenir l’activité antérieure, et non de manière offensive, sauf exception du type « chef d’entreprise camouflé en agent public », qui veut développer ce service…

 Les collectivités sont globalement moins performantes que le privé sur la gestion du personnel et la « motivation » des agents. Par ailleurs le recours à des agents publics contractuels est très encadré et limité. De par leur statut les collectivités manquent donc de souplesse pour s’adapter à la demande. Ainsi ne peuvent-elles pas, par exemple, rémunérer en heures supplémentaires pour les motiver des techniciens ou des cadres, mais seulement des agents techniques. Et la création d’un nouveau poste est soumise à une procédure d’une lourdeur pénalisante.

 Les collectivités doivent prendre en compte, selon les règles de la comptabilité analytique, leurs coûts de revient en personnel. Ainsi des différences importantes de coûts existent-elles par exemple d’un laboratoire ou d’un Satese à l’autre, suivant le statut (agent technique, contrôleur territorial, technicien territorial, ingénieur territorial…) et l’âge des personnels, avec des grilles de rémunération augmentant avec l’ancienneté, et compte tenu des régimes indemnitaires (primes) mis en oeuvre ou non par les collectivités. Si l’on poursuit le raisonnement, les laboratoires et les Satese capitalisant le plus d’expérience ne seront jamais les moins coûteux.

 Les collectivités ne prendront globalement pas le risque de répondre volontairement à des prix se situant en dessous de leurs prix de revient, car les élus sont, en règle générale, assez frileux pour affronter un contentieux, ce qui gêne moins l’opérateur privé qui va contester (au moins de manière amiable dans un premier temps) l’attribution du marché, sur la forme ou (plus rare), le fond.

 Les collectivités n’ont pas droit à l’erreur en répondant à un marché public, car elle n’ont qu’une seule chance, contrairement à un opérateur privé qui doit rarement sa survie à un seul marché et qui pourra perfectionner son offre et s’aguerrir au fur à mesure de la dévolution de différents marchés…

Vers la balkanisation du service public ?

L’évolution globale des politiques publiques de l’eau et de l’assainissement fait désormais planer le spectre d’une réelle balkanisation.

Pour répondre à leurs obligations ou simplement disposer des moyens nécessaires pour gérer convenablement les ouvrages, les collectivités se voient progressivement contraintes de se regrouper. Mais l’absence de visibilité politique à court terme des actions dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, l’inertie du développement intercommunal et les difficultés à se doter de moyens (juridiques, techniques et financiers), en relation avec la vitesse d’évolution du contexte normatif et réglementaire actuel conduisent à privilégier le recours aux grandes sociétés des eaux, par le biais d’avenants ou de nouveaux contrats, plutôt que la gestion directe. Sans une volonté forte d’élus refusant cet état de fait et l’appui de structures de conseil véritablement indépendantes, les jeux sont faits…

Les débats actuellement en cours sur la nouvelle répartition des missions en matière de police de l’eau, consécutivement à la création de l’Onema, le risque avéré de privatisation partielle des missions de police de l’eau, la disparition accélérée des laboratoires d’analyses publics départementaux et la mise en concurrence obligatoire de l’assistance technique départementale en matière d’assainissement, exercée par les Satese, risquent bel et bien d’accélérer, et le recours croissant au secteur privé, et la balkanisation du service public.

On l’a vu dans d’autres secteurs. Quand certains cadres de la fonction publique se retrouvent pieds et mains liés pour agir au sein de leur administration, l’une des « réponses » usuelles consiste en la création de structures « para-publiques », du type syndicat mixte, office public, association…, qui reprennent, plus ou moins progressivement sous une autre forme, en l’affichant officiellement ou non, les missions précédemment conduites au sein de leur administration.

Ces cadres trustent ensuite les postes-clés de cette nouvelle structure. Dans certains cas il peut s’agir dans la phase initiale d’un syndicat d’études, qui prend ensuite d’autres compétences.

Ainsi se multiplient les structures et se partagent les pouvoirs, avant qu’ils ne se re-concentrent.

A cette aune le déficit structurel du Conseil supérieur de la pêche (CSP) et l’absence d’une structure porteuse des études inter-Agences, au même titre que les exigences nouvelles liées à la mise en œuvre de la DCE, ont servi d’argument à la création de l’Onema.

Mais à y regarder de près la « stratégie des dominos » : Onema, police de l’eau, laboratoires, Satese… est bel et bien porteuse de déflagrations en chaîne qui vont impacter notamment les politiques publiques de l’eau et de l’assainissement structurées au niveau départemental.

Sauf à considérer que l’essentiel des missions exercées dans la sphère publique ont désormais vocation à être massivement transférées au secteur privé, collectivités territoriales et départements font donc aujourd’hui face à la nécessité de reconfigurer le cadre réglementaire et organisationnel de leurs interventions.

Au risque de la balkanisation. Au risque de voir se multiplier de nouvelles structures para-publiques, dont le financement sera toujours assuré par les collectivités, ce qui les expose de surcroît à subir les foudres des Chambres régionales des comptes, qui veillent à ce que les structures satellites ne dérivement pas exagérément…

Les Conseils généraux prennent position

L’Assemblée des départements de France (ADF) semble en avoir, tardivement, pris conscience, si l’on en croit les propositions spécifiques au domaine de l’eau qu’elle rendait publiques, à la mi-septembre 2007, dans le cadre du Grenelle de l’environnement :

(…)

« Eau / assainissement :

Les départements sont les seconds financeurs de la politique de l’eau en France après les Agences de l’Eau. Ils interviennent auprès des communes rurales tant au niveau financier qu’au niveau du soutien technique. A ce titre, ils sont de véritables chefs de file de cette politique sur leurs territoires.

Une gouvernance de l’eau est ainsi organisée au niveau des bassins versants du territoire en lien avec les SDAGE et les EPTB.

De véritables observatoires de l’eau sont installés par les départements pour
suivre la gestion de l’eau tant au niveau quantitatif que qualitatif.

A partir des compétences et des initiatives des Conseils généraux, neuf grandes orientations peuvent être définies.

 Permettre aux départements de poursuivre l’aide aux communes pour améliorer la performance des ouvrages d’assainissement collectif et non collectif en s’appuyant les services d’assistance technique (SATESE, SATEP,...).

 Appuyer les Conseils généraux des DOM dans leur aide à la mise aux normes de leurs réseaux d’assainissement pour lesquels les besoins sont très importants (910 millions d’€ pour la Réunion par exemple).

 Privilégier une politique d’intervention par bassin versant pour l’assainissement et développer les approches intercommunales dans le cadre de schémas départementaux d’alimentation en eau potable.

 Favoriser les projets d’observatoires de l’ensemble des ressources et de la gestion de l’eau dans les départements et instaurer des instances de gestion de ces ressources.

 Donner aux départements les moyens financiers pour piloter la gestion de l’eau sur leur territoire par la création d’un fonds départemental de l’eau accompagné d’un mécanisme de péréquation à l’échelle des bassins versants (transfert du fond de solidarité rurale aux départements).

 Mieux accompagner les collectivités par la création d’un guichet unique au Conseil général.

 Exiger des agences de l’eau de mieux impliquer les départements
dans l’élaboration des orientations et programmes de mesures du
SDAGE ou aux autres schémas afin de garantir la cohérence et la
solidarité territoriale.

 Renforcer l’entretien des cours d’eau, préserver la biodiversité des
milieux aquatiques et développer les opérations de récupérations
des eaux pluviales et de lutte contre les inondations.

 L’Etat doit légiférer pour permettre l’utilisation des eaux pluviales
dans les bâtiments publics selon le respect de règles sanitaires
strictes et imposer des récupérateurs d’eau de pluie dans toutes
les constructions neuves ou réhabilitations publiques importantes. »

Cette prise de position éclaire singulièrement les débats qui ont accompagné l’élaboration de la LEMA, qui aura vu s’opposer en permanence le Sénat, tenant d’un renforcement de l’action des départements dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, et l’Assemblée qui n’entendait pas faire droit à ces demandes, et a fini par imposer globalement ses « priorités », dans le cadre de l’affrontement qui a opposé les rapporteurs de la loi à l’Assemblée et au Sénat… En effet nombre des demandes portées aujourd’hui par l’ADF dans le cadre du Grenelle contredisent radicalement les orientations contraires déjà actées par la LEMA…

Une mise en péril des engagements communautaires de la France

Le désengagement programmé de l’Etat de ses missions régaliennes et l’affaiblissement des missions d’intérêt général effectuées par les collectivités territoriales interviennent dans un contexte marqué par les observations inquiétantes formulées par un récent rapport sénatorial.

Mme Fabienne Keller, sénateur UMP du Bas-Rhin, rapporteur spécial de la mission « Ecologie et développement durable » a rendu public le 27 juin 2007 un rapport intitulé « Politique de l’eau : la France au milieu du gué ».

Il insiste notamment sur la nécessité de mieux associer les collectivités locales, dont les départements, à la gouvernance de l’eau afin d’éviter à la France une condamnation pour non-respect de la Directive eaux résiduaires urbaines de 1991, amende qui pourrait se chiffrer à 300, voire 400 millions d’euros…

Tous les acteurs de l’assainissement, au premier rang desquels les collectivités locales, sont fermement invités par l’Etat à mettre d’urgence en conformité leurs dispositifs d’assainissement. Certains préfets ont bloqué des permis de construire pour faire pression sur des collectivités...

Parallèlement l’Etat se désengage massivement et démantèle des missions de service public qui donnaient satisfaction à tous les acteurs concernés…

La situation de l’assainissement dans les territoires ruraux va en être très gravement affectée.

Les engagements communautaires de la France, et notamment la remise aux normes accélérée des systêmes d’assainissement, faute de quoi la France risque d’écoper d’une amende de 300 à 400 millions d’euros, assortie d’astreintes de 1 million d’euros par jour de retard, vont dès lors se révéler quasiment impossibles à tenir...

Sauf, là encore, à considérer que la mobilisation générale décrétée par M. Jean-Louis Borloo le 14 septembre 2007, qui va priotairement se traduire par la remise aux normes accélérée des grandes STEP urbaines, au plus grand profit de Veolia, Suez et Saur, suffira à garantir la conformité avec les objectifs assignés par la DERU 91, et à assurer le respect des engagements contractés au titre de la DCE…

A terme cette nouvelle avancée de la marchandisation, résultant du lobbying effréné des majors de l’eau tout au long de l’élaboration de la LEMA, fait donc planer le spectre d’une véritable balkanisation du service public de l’eau et de l’assainissement. Avec pour conséquences une inégalité d’accès croissante à un service public essentiel, une cohésion territoriale mise à mal et l’abandon forcé de toute perspective de développement soutenable.

A suivre :

La loi sur l’eau privatise les services publics (1)

La loi sur l’eau privatise les services publics (2) : Menaces sur la police de l’eau

La loi sur l’eau privatise les services publics (3) : Les Satese soumis à la concurrence

La loi sur l’eau privatise les services publics (4) : Plaidoyer pour les Satese

La loi sur l’eau privatise les services publics (5) : Le « plan de bataille Borloo » pour traiter les eaux usées

Marc Laimé - eauxglacees.com