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Sivens saison 2 : “projet de territoire” et nouveau barrage

22 février 2016

par Marc Laimé - eauxglacees.com

C’est à Sivens que la relance de l’irrigation décidée pat le gouvernement incarne, jusqu’à la caricature, un théâtre d’ombres où se joue une pièce bien amère. Car la fraction “légaliste” des opposants d’hier y participe déjà à des “consultations” qui visent à permettre d’y relancer des travaux pour construire un nouveau barrage. Non sans avoir auparavant volé au secours de l’Etat en omettant de défendre réellement des recours qui auraient rendu cette pantomine impossible.



Le Tarn Libre, qui a chroniqué avec une rare rigueur tous les aléas de l’affaire, publiait le 11 décembre 2015 le texte intégral du protocole transactionnel signé entre l’Etat et le Conseil départemental, soit une “indemnisation” de 2 000 000 € d’euros versés immédiatement, et 1 300 000 € plus tard, destinée à couvrir les dépenses déjà engagées dans l’ex grand projet inutile que même certains de ses contempteurs d’hier regardent désormais avec les yeux de Chimène…

Un mois plus tard, évoquant “Les dossiers du Préfet” la Dépêche souligne que :

« Évidemment, le projet de territoire pour la vallée du Tescou, préalable à toute réalisation à Sivens (retenue d’eau ou pas) est un autre gros morceau.

Thierry Gentilhomme (le Préfet, ndr), insiste sur le fait que « ce projet de territoire sera élaboré au niveau local et non régional comme l’affirment certains. » Il sera mené de concert avec le Tarn-et-Garonne.

Et d’annoncer que « les premières réunions auront lieu les 26 et 27 janvier. Toutes les parties seront reçues une à une pour expliquer le processus et un « garant » sera nommé pour piloter les futures réunions.

« L’idée, ce n’est pas de trouver un technicien ou un expert. Il faut quelqu’un qui ait l’habitude des conflits », souligne le préfet.

« Il faut être sûr que chacun puisse s’exprimer mais il y aura un scribe pour que chaque mot prononcé soit retenu. »

Un cabinet extérieur devrait être choisi pour l’animation de ces réunions.

Thierry Gentilhomme se garde de donner tout calendrier : « Il faut que ça aille vite mais que ça soit un minimum exhaustif. Il faudra une vision sur les ressources, les besoins, qu’on évacue les solutions qui ne marchent pas puis les solutions. Les agriculteurs doivent disposer des ressources dont ils ont besoin dans les meilleurs délais mais je ne m’engage pas sur le calendrier. »

Deux jours plus tard Ben Lefetey, chef de file de l’opposition "légaliste", proclame le 19 janvier 2016, par le biais d’une tribune publiée par Reporterre que « le barrage de Sivens est enterré, et qu’il faut maintenant développer l’alternative »…

Affirmation qui fait bondir l’ancien avocat et militant toulousain Bernard Viguié, clamant “Sivens : alerte rouge !” sur son blog de Mediapart le 27 janvier 2016.

Il y explique en effet par le menu, et depuis plus d’un an, être scandalisé par les errements juridiques de FNE dans cette affaire, errements en apparence tout à fait inexpliquables, sauf à considérer que le “premier réseau d’associations français de défense de l’environnement” a jugé bon devoir apporter son soutien au gouvernement pour “sortir par le haut” de cette scandaleuse affaire…

Une “sortie par le haut” qui conduit tout naturellement l’opposition “légaliste” à participer aux premières réunions autour du fameux “Projet de territoire”, qui se sont tenues à Albi dès le 26 janvier, comme le relatait le lendemain la Dépêche :

« (…) Un garant doit être nommé pour s’assurer que chacun puisse exprimer son point de vue de manière équitable. Pour l’instant, cet « arbitre » n’a pas encore été nommé mais Thierry Gentilhomme en a dressé un profil : celui d’un ancien président de tribunal administratif ou membre du conseil d’État. « Ce sera une sorte de super-arbitre qui veillera que les règles de démocratie soient respectées. » Aucune date pour la conclusion de ce projet de territoire n’a été donnée mais FDSEA et JA plaident pour que les discussions ne traînent pas. « On ne nous a pas donnés de date claire mais on nous a bien dit qu’il ne fallait pas que ça s’éternise dans le temps. »

En clair “Un barrage, mais pas à la Saint-Glinglin !” insistera La Dépêche le 31 janvier 2016.

Ca s’accélère. Le 18 février était lancé un Marché “d’accompagnement de la phase préalable à la démarche de territoire du Tescou (gestion quantitative de l’eau).”

On voit donc clairement où va conduire le “projet de territoire.”

Après les CRS, les palabres. A l’arrivée le barrage.

Emballé comme çà, les “Grands projets inutiles” vont vite fait retrouver une toute neuve utilité, sans même avoir besoin de referendum…

Suffit de savoir comment sont nés les "projets de territoires", habile camouflage sémantique à la relance massive de l’irrigation...

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Marc Laimé - eauxglacees.com