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Charente : l’irrigation çà commence à bien faire…

23 février 2016

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les tensions demeurent vives en Charente autour de la querelle de l’irrigation, massivement déployée pour y soutenir la culture du maïs. D’un côté les irrigants exigent qu’y soient construites de nouvelles retenues. De l’autre un nouvel encadrement réglementaire, les « projets de territoire », commence à peine à se mettre en place, sans que l’on discerne encore comment il va modifier un rapport de forces qui évolue lui aussi puisqu’un collectif rassemblant de très nombreuses associations s’est constitué il y a un an à l’échelle du département afin d’exiger une nouvelle gestion soutenable de la ressource. Enfin, la création de la nouvelle super-région Poitou-Aquitaine-Limousin va elle aussi rebattre les cartes.



Le 30 septembre dernier, à l’occasion d’un colloque intitulé « Eau et semences : des ressources pour l’avenir », Jean-Luc Capes, président du groupe Eau de la Fnsea, réclamait une « réelle politique de stockage », soutenant que « ça ne bouge plus depuis huit ans », concernant la création de nouvelles ressources en eau. Et d’affirmer que seules 10% des enveloppes de financement étaient consommées dans le bassin Adour-Garonne. Avant d’incriminer au cours d’une table ronde, cette fois avec son autre casquette de président de Maïsadour Semences, et sous les applaudissements de la salle, « une diabolisation de l’agriculture, de la recherche et l’innovation, de l’irrigation apparue en dix ans. C’est un peu comme les OGM, victimes d’une guerre de religion animée par des sectes. »

Céline Imart, vice-présidente des Jeunes Agriculteurs (JA), déplorait pour sa part une « résignation » des agriculteurs, leurs projets sur l’eau se heurtant à des difficultés financières, administratives et sociétales. Exemple : pour une exploitation comme la sienne, l’étude préalable coûte 20 000 à 30 000 euros. « Irriguer est devenu une grosse galère. Ça passe très mal sur le plan sociétal, l’irrigation étant associée à l’agriculture intensive, au maïs. [...] Un gros blocage idéologique » sévit d’après elle dans « les instances, où il n’est pas de bon ton de parler ouvrage, retenue d’eau. »

« Au sein du comité de bassin Rhône Méditerranée, le débat sur l’usage agricole de l’eau s’est durci », renchérissait son président Michel Dantin, député européen. Le collège des élus s’y montrant « plutôt rétif vis-à-vis de l’irrigation », ayant « une culture plus urbaine » et « une moins grande compréhension à l’égard des agriculteurs ».

Dans un communiqué, les organisateurs du colloque soulignaient l’enjeu stratégique de l’accès à l’eau pour l’agriculture française. « La profession travaille à une gestion de l’eau responsable et respectueuse des milieux aquatiques permettant à chaque usage et à chaque utilisateur d’en bénéficier ». Si l’irrigation concerne en France 5,8 % de la surface agricole utile, elle couvre 37 % des superficies consacrées aux semences. « L’eau est un des moyens les plus importants d’assurer la qualité de germination, soulignait Benoît Faucheux, représentant de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS). Pour une production à haute valeur ajoutée comme la semence, on ne peut pas se permettre de prendre de risque » sur la ressource hydrique.

Ségolène Royal confirme la levée du moratoire Batho





La fin du moratoire de 2012 sur le stockage de l’eau semblait pourtant ouvrir de nouvelles perspectives aux projets d’irrigation.

Une instruction signée par Ségolène Royal en juin 2015 rendait en effet de nouveau possible leur financement par les agences de bassin, dans le cadre de « projets de territoire ».

« La situation n’est pas facile, mais peut commencer à évoluer », estimait ainsi Laurent Roy, ancien directeur de l’eau au ministère, et nouveau directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, dont le projet de Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) fixe « une nouvelle règle du jeu qui n’est pas anti-irrigation ».

« On est favorable au concept de projet territorial », déclarait Jean-Luc Capes. Avant d’afficher quelques réserves sur l’instruction de Ségolène Royal : « Pour les premières pages, ça va… les annexes sont elles sujettes à interprétation ». Même sentiment chez Céline Imart « Il faut être économe en eau, donc on nous parle de baisser la grosseur de gâteau, dénonçait-elle. J’y vois de la décroissance ». 


François Mitteault, nouveau directeur de l’eau et de la biodiversité au ministère de l’Ecologie, déplorait « un mode de fonctionnement insatisfaisant avec le monde agricole » car basé « sur une gestion de crise », « un rapport de force ». « Mon objectif à court terme, c’est comment instaurer un nouveau type de fonctionnement », annonçait-il, appelant à « s’entendre sur des objectifs partagés  ». « Chiche », lui répondait Xavier Beulin, président de la Fnsea.

Luc Servant, président de la chambre d’agriculture de Charente-Maritime et de celle du Poitou-Charentes, regrettait que « les choses n’avancent pas en région, car malheureusement, en Poitou-Charentes, on part avec un retard important ».

"L’irrigation en Poitou Charentes" Agreste Poitou Charentes, septembre 2009
Protocole d’accord Poitou Charentes entre l’état et la profession agricole, 21 juin 2011.

Mais n’en soulignait pas moins que la décision de Ségolène Royal d’autoriser les financements des retenues de substitution par les agences de bassin allait évidemment dans le bon sens. « On a le sentiment que les choses commencent à bouger, et on a envie d’espérer ».

Plusieurs dossiers arrivaient d’ailleurs en fin d’instruction en Charente-Maritime et Deux-Sèvres. Sur la Boutonne, une vingtaine de retenues, soit un peu plus de 3 millions de m3 étaient en projet. « Nous arrivons au stade de l’enquête publique. Nous allons voir comment se passe la suite ». Si tout se passe bien, les premiers coups de pioche pourraient intervenir dès 2016.

Même optimiste, il demeurait prudent. « Les Sdage, qui devraient être validés d’ici la fin de l’année laissent planer quelques inquiétudes » poursuivait-il, avant d’évoquer des freins aux remplissages hivernaux pour le Sdage Loire Bretagne.


Des retenues de substitution primordiales pour l’irrigation, et donc la production de semences. « On ne peut pas espérer garder nos contrats de production de semences avec des régimes dérogatoires d’irrigation. Il faut des solutions pérennes pour que les semenciers ne se désengagent pas ». Et de rappeler l’intérêt de la production de semences pour les agriculteurs. « C’est une valeur ajoutée importante, et donc une valorisation importante de l’irrigation ».

Deux projets de bassines annulés

Trois semaines plus tard, le 22 octobre, le tribunal administratif de Poitiers annulait un arrêté du 6 août 2012, par lequel la préfète de Charente-Maritime autorisait l’Association syndicale (ASA) de Benon à construire et aménager deux réserves d’eau destinées à l’irrigation.

Le TA condamnait l’Etat à verser à l’association Nature Environnement 17 la somme de 335 €. Dans ses attendus, il considérait que le volume des réserves (197 900 m3 et 87 200 m3) « a été déterminé en fonction de volumes de prélèvement remontant à 1998 et 2003 et a ainsi été surdimensionné ».

Or, dans les zones de répartition des eaux (ZRE), où se situent les deux projets, de telles créations « ne sont autorisées que pour des volumes égaux ou inférieurs à 80 % du volume annuel maximal prélevé directement dans le milieu naturel les années précédentes ».

Pour le juge, « la notion de volume autorisé n’existait pas avant 2006 », si bien que « le volume maximal prélevé doit être celui recensé à compter de 2006 ». Dès lors, « la préfète a méconnu les dispositions de l’article 7 D-1 du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux(SDAGE) Loire-Bretagne 2010-2015 et entaché l’arrêté attaqué d’une erreur manifeste d’appréciation ».


Parallèlement, le tribunal administratif reconnaissait à un contribuable du département le droit à agir contre le projet des réserves, un droit contesté par la préfète, au motif que « le projet de réserves de substitution est financé pour partie par le conseil général devenu conseil départemental ».

Dans un communiqué, Europe Ecologie Les Verts (EELV) « se félicitait du succès de l’action de Nature environnement 17, qui vient d’annuler pour la 3e fois le projet de bassines de Benon. Au-delà de ce cas particulier, c’est l’ensemble du Marais poitevin qui est concerné. »

Les cosignataires deux-sévriens, Nicolas Gamache, Monique Johnson et Bernard Jourdain, pointaient « la privatisation de la ressource en eau pour les bénéfices immédiats d’un tout petit nombre d’agrimanagers », « les pollutions des eaux (qui) rendent coûteux leur traitement pour les consommateurs et impactent les cultures d’huîtres ou de moules », « la mise au chômage des petits paysans moins subventionnés, jamais comptabilisée au bilan d’un type d’agriculture qui n’a cessé de détruire nos paysages et de vider nos campagnes ».

Président d’Aquanide, association qui fédère 25 associations d’irrigants en Poitou-Charentes, dont celle des Deux-Sèvres (AIDS), Louis-Marie Grolleau déplorait lui « le comportement de gens qui stigmatisent l’agriculture, qui s’en prennent à des personnes qui veulent investir sur le territoire, y maintenir l’emploi et le tissu social ».

Céréalier associé dans le sud-Vienne, l’intéressé constatait « la nécessité pour les porteurs de projet de présenter des dossiers très ficelés », sous peine de s’exposer à « la lecture de références toujours discutables.
Cette décision ne saurait laisser insensible nos irrigants, qui finalisent l’étude, qui sera rendue fin 2015, des 27 projets de bassines dans le bassin de la Sèvre niortaise. »

Le collectif Eau Charente se mobilise

Regroupant une dizaine d’associations un nouveau collectif a vu le jour à la fin de l’année 2014 et engagé de nombreuses actions, s’inscrivant notamment dans la perspective de l’adoption d’un nouveau SDAGE.

« Dans le cadre de la préparation du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux 2016-2021 et de son Plan de mesures, la Commission territoriale Charente propose une « synthèse d’actualisation de l’état des lieux », validée par le Comité de bassin du 2 décembre 2013.

Les chiffres indiqués sont catastrophiques ! Seulement 3 % des masses d’eau sont en « bon état ». En aucun cas, les objectifs d’amélioration de l’état des eaux n’ont été atteints, bien au contraire : le bassin de la Charente est le plus pollué d’Adour Garonne !

"Qualité des eaux et produits phytosanitaires sur le bassin Adour Garonne, situation 2013-2014 - AEAG.

Les investissements réalisés depuis 2010 n’auront pas permis d’atteindre les objectifs fixés à fin 2015. De ce fait ceux proposés pour 2016-2021 et 2021-2027 seront inatteignables alors que l’Autorité environnementale recommande de vérifier si ses ambitions sont réalistes. Le résultat le plus probant du SDAGE finissant le 31 décembre 2015 est que nous avons
peut-être enfin une meilleure évaluation de la situation.

Au-delà de l’exercice de style administratif et formaliste, de l’étonnant aveu
d’impuissance et de la navrante vacuité des mots, les conclusions de la synthèse du bassin Charente entérinent le laxisme qui a permis d’en arriver à cette redoutable situation.

Cet état consternant est dû en grande partie aux pollutions diffuses d’origine agricole (pesticides, nitrates… ), conséquence du mode de production dominant : le productivisme aussi aveugle qu’inconscient du « toujours plus » et l’absence de remise en cause fondamentale du système, entraînent l’incapacité du Comité de bassin à promouvoir efficacement des alternatives comme l’agriculture biologique et à atteindre le « bon état » de l’eau.

C’est pourquoi associations, citoyens et organisations se sont réunis au sein du Collectif Eau Charente.

Ils ne se satisfont plus du seul rituel des consultations, des objectifs jamais atteints et des actions qui se perdent dans les méandres politico-administratifs.

Ils demandent instamment que le bassin de la Charente soit considéré au sein du bassin Adour Garonne comme une zone pilote où seront effectivement engagées et réalisées les actions suivantes :

 Améliorer la gouvernance : en particulier information éducation et formation,

 Elaborer des objectifs en termes de développement durable avec les financements y afférant, avec des fiches et périodes d’évaluation pour ajustement et adaptation,

 Un encouragement aux pratiques alternatives,

 Une meilleure application de la règle pollueur-payeur,

 Des mesures réglementaires et contraignantes allant jusqu’à l’interdiction
des produits dangereux, à usage domestique industriel et agricole,

 Une véritable prévention des pollutions avec un plan pluriannuel innovant
audacieux équilibré et chiffré conforme à la DCE.

Charte du Collectif "Eau Charente", 18 mai 2015.

Les irrigants de Charente en Assemblée générale

Le 8 février 2016, l’ État témoignait de sa sollicitude envers les irrigants, en dépêchant trois représentants de la Direction départementale des territoires (DDT) à leur assemblée générale, le préfet venant même en assurer la clôture.

Les trois représentants de la DDT ne sont pas intervenus du tout.

L’absence de députés et sénateurs était regrettée. Le conseil Général était représenté et le représentant des maires est présent.

La venue de Benoît Biteau, élu régional, annulée au dernier moment à la demande d’Alain Rousset, président de la nouvelle grande région ALPC, faisait l’objet de remarques peu amènes et de quelques railleries des irrigants.

L’ex-syndicat charentais est devenu « Aquanide 16 ».

Dans son rapport moral, le président, M. Raspiengeas regrettait « l’incurie de l’Etat » avec le moratoire de Delphine Batho, les promesses du ministre Philippe Martin qui a levé le moratoire puis l’inclusion des « bassines » dans un projet de territoire. Il ne semblait pas emballé par la nécessité de mettre en œuvre les « organismes uniques… ».

Avant d’ajouter que la notion de territoire n’est pas explicite et sujette à interprétation.

Puis de déplorer que les aides soient aussi conditionnées, constituant des freins réglementaires qui s’ajoutent et retardent l’élaboration des dossiers.
Le coût des études et travaux augmentent, la concurrence en matière de coût de l’électricité complique le choix du fournisseur...

« Les agriculteurs ne sont pas des jardiniers de la nature »

Les effectifs irrigants auraient diminués de 9% entre 2010 et 2013.

Les surfaces cultivables vont diminuer, donc il faut mettre le maximum d’intrants pour augmenter les rendements et compenser, « là ou c’est possible ».

L’irrigation est le meilleur stabilisant des prix du maïs.

Le maïs est la seule culture « qui peut encore voir son rendement augmenter ».

Pour une surface identique, les cultures annuelles pompent deux fois plus de carbone qu’une forêt.

Le GIEC prend en compte l’irrigation.

Un agriculteur a fait remarquer que les Etats Unis ou l’Espagne gardaient le droit d’utiliser l’Atrazine comme les OGM.

Un autre pensait que « la course au rendement aurait une fin »...

Pour une Aquanide régionale

M. Blanchon fournissait les chiffres de surfaces d’irrigation, % d’irrigants parmi les agriculteurs, surfaces irriguées, surfaces en maïs par départements…

L’approche de l’irrigation est différente selon les régions.

Les chiffres donnés sont intéressants, et montrent à la fois le poids de l’irrigation dans chaque ancienne région, les Surfaces agricoles utiles (SAU) en irrigation.

Les règles de limitation de l’irrigation en Aquitaine sont très souples, l’irrigant a droit à « un volume prélevable maximum ». M. Blanchon a parlé d’une ferme vers Cestas, près de Bordeaux qui irrigue sur 1450 hectares, et bénéficie d’un volume de 9 millions de m3 !

L’ Aquitaine a organisé les filières agricoles qui facilitent l’écoulement des productions.

La discussion et les échanges ne se sont déroulés qu’entre convaincus que « l’irrigation pratiquée depuis 6000 ans sauverait le monde ».

M. Sauvaître, pommiliculteur (LR) a fait remarquer que si le président de la région ALPC était un opposant politique, il ne s’en plaignait pas pour la politique menée en Aquitaine.

Avant de développer l’idée que l’affrontement n’est pas la solution et qu’il faut passer par la case « pédagogie ».

Il demandait dès lors à l’assemblée s’il était utile d’être présent à la conférence du Collectif eau, à Pont Gondouvre le 18 février 2016 ?

Avant d’ajouter qu’il faut travailler les aspects juridiques.

Aquanide 16 doit pouvoir avoir sa place dans cette région. En Aquitaine et en Limousin, les irrigants semblent peu organisés. En Aquitaine parce qu’ils ont un soutien puissant des élus, en Limousin parce qu’il y a beaucoup d’eau et peu d’irrigants.

Aquanide 16 affirme que la diversification culturale viendra par l’irrigation et le stockage de l’eau, mais que le maïs est la plante qui valorise la mieux l’eau. L’association dit qu’il faut respecter l’environnement.

L’association dit « avoir marre de discuter, on veut creuser » !

Des irrigants demandent aussi au Conseil départemental de « supprimer les subventions aux associations environnementales qui nous emmerdent tous les jours ».

La Chambre d’Agriculture soutient les irrigants, est prête à participer mais sur des projets qui aboutissent, elle est très favorable aux retenues collinaires, mais celles-ci ne sont pas soutenues par l’agence Adour Garonne.
Le « projet de territoire » peut favoriser la création de réserves mais le risque juridique demeure.

Elle rappelle son accord sur la valeur des volumes prélevables.

Des élus proposent de contourner la difficulté d’avoir plusieurs irrigants sur une bassine en passant un accord pour en faire une réserve d’eau contre l’incendie...

Au cours de l’échange l’absence de Benoit Biteau est regrettée, il est indiqué « qu’il est dans l’air du temps en défendant la désirrigation ».

Des participants regrettent que la Charente n’ait pas la même démarche que les élus ont eu en Vendée.

Le Préfet soutient les irrigants

Il part du principe que l’eau va se faire plus rare. Il insiste sur l’efficacité de la conjonction de la gestion de l’eau en Vendée, par les élus et les irrigants.

De même il encense la politique de l’eau en Espagne, promue par l’Etat lui même.

Il est prêt à apporter des financements sur des projets.

Il rappelle que les barrages anciens avaient pour rôle principal le soutien d’étiage et donc un rôle environnemental.

Il insiste : la notion de « territoire » peut favoriser les projets car les projets portés par les seuls irrigants sont l’objet de suspicion.

Et propose aux irrigants de se rapprocher de ses services avant même d’engager les études pour lever des incertitudes et favoriser un « portage au bon niveau »

En amont du Salon de l’Agriculture, la FNSEA diffusait le 18 février 2016 un communiqué de presse dans lequel elle annonçait qu’elle allait adresser aux politiques un recueil de « Questions de paysans », dont l’une concernait bien évidemment les projets « d’irrigation durable » :

« Face au changement climatique, le recours au stockage de l’eau est une question de bon sens. Comment comptez-vous favoriser des projets d’irrigation durables ? »

La réponse du ministère de l’Agriculture

Alors que François Hollande et Stéphane Le Foll sont injuriés et bousculés au Salon de l’Agriculture, le samedi 27 février, le ministère répond au "questionnaire" que la FNSEA a décidé d’adresser à tous les politiques qui se rendront Porte de Versailles.

Concernant l’irrigation, réponse sans équivoque aucune, hélas...

" (...) A l’écoute de la profession agricole, le Gouvernement a décidé, en 2015 d’ouvrir à nouveau la possibilité de financer, via les agences de l’eau, les retenues de substitution alors que cela était bloqué depuis plusieurs années.

Aujourd’hui, les financements existent et ont été votés par les conseils d’administration des agences de l’eau. Ils sont prévus dans leur programme d’intervention et seront mobilisés dès que les projets seront présentés.

Afin que la mise en place de ce dispositif soit accélérée :

 L’Etat et les agences de l’eau examineront tous les projets déposés. Les nouveaux projets recevront une réponse dans un délai de 6 mois. Les préfets accompagneront les porteurs de projet pour faire aboutir au plus vite les projets de territoire ;

 Une attention particulière sera portée pour que les élevages et cultures à haute valeur ajoutée puissent bénéficier de l’eau nécessaire à la bonne conduite de leur production ;

 Les OUGC (Organismes de gestion collective de l’eau), portés notamment par les chambres d’agriculture, seront finalisés avant la fin de l’année 2016.
Le développement de projets collectifs de valorisation de la production agricole devra par ailleurs être favorisé et prendre en compte la nécessaire adaptation aux changements climatiques, sur la base d’études prospectives, en utilisant les outils tels que les groupements d’intérêt économique et
environnemental et les nouveaux plans de développement rural régionaux.

Ces approches collectives seront menées à plusieurs niveaux, celui du projet de territoire en premier lieu, mais également à l’échelle régionale et à celle du bassin.

Une réflexion stratégique est par ailleurs lancée sur l’agriculture de demain dans les territoires déficitaires en eau ou devant être impactés par le changement climatique."

Tensions dans la Vienne

Dans le département voisin de la Vienne, comme le relatera Centre Presse dans son édition du 29 février, la chambre d’agriculture menace la préfecture de renoncer à gérer la répartition des volumes d’eau entre agriculteurs si on continue à "mettre des bâtons dans les roues des irrigants."

La chambre a accepté de prendre à sa charge la gestion et la répartition des volumes d’eau sur les bassins du Clain et de la Dive du Nord. Elle a proposé de faire de même sur le bassin de la Vienne.

Cet engagement de la chambre à devenir l’Organisme unique de gestion collective (OUGC) était lié à un certain nombre d’engagements de l’État.

Notamment, sur le bassin du Clain, à fort déficit, l’autorisation de stocker 13 millions de mètres cubes pour compenser en partie la baisse des volumes prélevés.

Or, estime la chambre, « les projets de stockage sont soumis à des difficultés toujours plus nombreuses » : nouvelles exigences sur la qualité de l’eau, fragilisation du remplissage des bassines, décisions récentes du tribunal administratif contraires aux intérêts des irrigants...

Lors de sa session du vendredi 26 février, la Chambre d’agriculture déléguait au bureau tout pouvoir pour rompre les ponts avec l’État du jour au lendemain si aucune proposition n’était faite.

Consultation publique sur les arrêtés-cadres 2016

Preuve s’il en était besoin que les tensions demeurent vives et Charente et sans la région, les préfectures de quatre départements de la région annonçaient le 22 février l’ouverture de consultations sur les "arrêtés-cadres 2016".

La consultation du public sur les projets d’arrêté-cadre 2016 définissant le cadre des dispositions à mettre en oeuvre en matière de gestion des situations de crise liées à l’apparition d’une sécheresse ou d’un risque de pénurie d’eau aura lieu du lundi 22 février au dimanche 13 mars 2016.

Elles visent à définir le cadre des dispositions à mettre en oeuvre en matière de gestion des situations de crise liées à l’apparition d’une sécheresse ou d’un risque de pénurie d’eau, et auront lieu du lundi 22 février au dimanche 13 mars 2016.

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Marc Laimé - eauxglacees.com