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Supplique d’un village des Cévennes

2 février 2016

par Marc Laimé - eauxglacees.com

A l’orée du XXIème siècle, la France, son école française de l’eau, ses entreprises de l’eau, rayonnent sur le terre entière nous dit-on. Comment imaginer qu’en France même l’on puisse être privé d’eau ? Témoignage.



« J’habite un charmant petit village des Cévennes Lozériennes d’une centaine d’habitants. La Lozère est un magnifique département surnommé "Pays des Sources". L’eau ici, ce n’est pas ce qui manque. Ma maison date du XIXème siècle et se situe dans l’agglomération principale du village. Elle est alimentée en eau par une source privée appartenant à un voisin sur laquelle j’ai un droit notarié. J’ai acheté la maison comme ça en 2008.

Depuis, j’ai fait une demande pour pouvoir bénéficier du réseau d’eau potable de ma commune et je vais de surprise en surprise :

 Ma commune n’a jamais établi de schéma directeur de distribution d’eau. Les élus ne comprennent même pas ma question quand je demande à le consulter.

 Il existe bien deux "bouts" de réseau public : le premier dessert l’école, la mairie, et un logement communal (autrement dit uniquement des établissements publics), le deuxième dessert quelques maisons d’un hameau éloigné du centre du village.

 Toutes les autres habitations sont alimentées par des sources privées.

En résumé, on a alimenté les établissements publics, puis le hameau isolé situé sur un versant où il n’y avait pas de sources privées, et on a décidé que les autres habitants s’arrangeraient entre eux avec leurs propres sources. Tous ne sont d’ailleurs pas logés à la même enseigne : certaines sources se tarissent l’été. Les hivers froids, certains laissent leur robinets couler toute la journée pour que l’eau ne gèle pas, les tuyaux arrivant jusqu’à leur habitation n’étant pas protégés. Certains ont eu les moyens d’investir pour faire des captages aux normes, avec mise en place de systèmes de filtration, d’autres ont fait ce qu’ils ont pu, d’autres n’ont rien fait... Certains ont une eau potable, d’autres non.

Après une rapide enquête, il s’avère, qu’effectivement, des habitants du village ont demandé à plusieurs reprises à pouvoir bénéficier du réseau d’eau public. A chaque fois, la réponse verbale qui leur a été faite a toujours été la même : « Vous ne vous rendez pas compte du prix que ça coûte ! ». Mais jamais aucun chiffrage n’a été fait. Au fil des années, le sujet de l’eau est devenu complètement tabou dans la commune. Celui qui ose remettre ça sur le tapis est considéré comme un emmerdeur : je suis une emmerdeuse !

En 2016, j’habite dans un village où il n’y aucune politique de l’eau mise en place. Aucun autre village qui nous entoure n’est dans cette situation. Après avoir vu le reportage de France 3 sur ces villages cévenols pollués par les métaux lourds, je me console en me disant qu’il n’y a jamais eu de mines dans mon village et que, peut-être, certains habitants boivent une eau polluée, mais pas trop…

Je m’interroge tout de même : comment peut-on laisser des élus gérer leur commune de cette façon ? Un maire en place depuis 4 ou 5 mandats a tout simplement un jour décrété que chacun pouvait s’arranger directement avec sa source ou trouver un accord avec son voisin quand il n’en possédait pas ! C’est fou. La ressource communale en eau existe pourtant !

Aucune autorité ne vient donc vérifier ce qui se passe dans les communes ?

On dénonce souvent l’opacité des délégations de service public.

Qu’en est-il de l’opacité de certains élus eux-mêmes dans la gestion de leur commune ? Et quels sont les moyens dont dispose le citoyen pour se faire entendre ? ».

Marc Laimé - eauxglacees.com