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L’action publique discrètement dévoyée par le libéralisme

27 janvier 2016

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les TTIP/TAFTA, TISA, CETA, Pacte de stabilité… ne doivent pas être les arbres qui cachent la forêt. Chaque jour ou presque de discrets rapports, contrats d’objectifs, missions d’évaluation…, ne cessent de dénaturer l’action publique, accélérant une libéralisation que rien ne semble plus entraver. Quelques exemples épars piochès dans notre éphéméride des deux dernières années. Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est bien tout le problème…



 1. Le 3 avril 2014, les juges de la Cour de justice rendaient un arrêt qui fera date, tant il aboutit à l’exact inverse de ce que la France escomptait.
En avril 2010, la France attaquait la Commission européenne contre une décision visant La Poste. A l’époque, l’entreprise était encore constituée en établissement public à caractère industriel et commercial (Epic). Le gouvernement pense alors pouvoir sécuriser toutes les autres entreprises répondant à ce même statut d’Epic.

Bien installés dans le paysage français, ces établissements fournissent des services aux populations dans une large palette de domaines (ferroviaire, transports urbains, déchets, eau…).
Mais la Cour a donné raison à la Commission, dont la victoire est sans bavures : la garantie publique illimitée dont bénéficierait ce type d’organisation serait source de distorsion de concurrence. Le recours français a donc été rejeté dans son intégralité. Les Epic sont-ils tous menacés ? Non. Ce sont les structures impliquées "dans le secteur concurrentiel qui sont en danger", précisait à Localtis Sophie Nicinski, professeur de droit à Paris I, qui a travaillé comme experte auprès de la Commission européenne.


 2. Manuel Valls et Stéphane Le Foll confient dans la plus grande discrétion à l’automne 2014 à une députée PS de l’Ariège, un président de Chambre d’agriculture et au responsable d’une Direction départementale des territoires (ex-DDE-DDA), une “mission” d’optimisation des contrôles exercés par l’Etat dans les exploitations agricoles (conformité Loi sur l’eau, installations classées pour la protection de l’environnement, primes PAC…)
Six mois plus tard un “rapport d’étape” prône l’abandon de tout contrôle réel sur les activités agricoles, comme l’exige la FNSEA…

 3. La Commission européenne a engagé un pré-contentieux contre la France, qui viole les dispositions communautaires relatives aux “autorités environnementales”, nationale et locale, qui doivent encadrer l’action publique dans le respect du droit de l’environnement (Notre Dame des Landes, Sivens…)

Six mois plus tard le gouvernement “réforme” l’Autorité environnementale nationale, et promeut un “dialogue environnemental” porté aux nues par François Hollande. Deux “réformes” dignes d’une république bananière.

 4. Alors que la classe politique se mettait en “ordre de marche” pour les élections régionales qui allaient se tenir les 6 et 13 décembre 2015, la Commission européenne finalisait un projet qui lui permettra de “réorienter” les financements communautaires gérés par les régions, si celles-ci ne respectent pas les orientations du Pacte de stabilité.

 5. La France s’apprête à transcrire les directives “concessions” et “marchés publics”, porteuses de réformes inquiétantes pour le service public. Deux sommités rendent au gouvernement un rapport dans lequel elles prônent une refonte radicale du Code des marchés publics :

M. Tirole, prix Nobel d’économie, a créé à Toulouse “L’Ecole française d’économie”. Veolia environnement y finance depuis plusieurs années un programme de recherches sur “l’écologie industrielle.”

M. Saussier, enseignant le droit à La Sorbonne-Panthéon, y dirige une chaire sur les PPP, sponsorisée par Suez-environnement

Dans le rapport qu’ils remettent au Premier ministre M. Tirole et M. Saussier souhaitent supprimer plusieurs verrous réglementaires qui encadrent la passation des marchés publics en France.

 6. M. Thierry Mandon, alors ministre de la Réforme de l’état, accueille chaleureusement un rapport établi par M. Pisani-Ferry, prônant une réforme de l’action de l’Etat, qui ouvre la voie à une nouvelle étape de la marchandisation de l’action publique.

 7. L’Institut national des études territoriales (INET), qualifié d’ENA de la FPT, forme à Strasbourg l’élite des dirigeants de collectivités locales, DGS et DGA, qui sont les véritables dirigeants des régions, départements, métropoles, communautés d’agglomération… Le nouveau “projet stratégique” de l’INET augure d’une privatisation accélérée des missions de service public imparties aux collectivités locales françaises.

 8. La réforme de l’organisation territoriale de l’Etat entre dans sa phase concrète avec la désignation, le 22 avril en conseil des ministres, de sept préfets chargés de faire des propositions d’évolution. Le gouvernement se veut rassurant tant vis-à-vis des élus que de ses personnels. Il assure que ses choix seront guidés par "une logique d’équilibre des territoires" et qu’il portera une "attention particulière à la situation des anciens chefs-lieux régionaux". Par ailleurs, une palette de mesures a été dévoilée pour accompagner les agents concernés par la réorganisation.

 9. Les promoteurs du projet d’un "standard pour des obligations eau-climat" ont lancé une consultation auprès des émetteurs, souscripteurs et acheteurs potentiels de ces obligations. Ce projet est passé totalement inaperçu en Europe. Il apparaît dans un contexte d’endettement des Etats et des collectivités locales et territoriales qui réduit leur capacité à financer des projets liés à l’eau. Les commentaires ci-dessous ne visent pas à « améliorer » le standard dans le cadre de la consultation mais à expliquer pourquoi celui-ci doit être rejeté.

http://www.aldeah.org/fr/commentaires-sur-le-projet-d-un-standard-pour-des-obligations-eau-climat

(...)

Marc Laimé - eauxglacees.com