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Épandage agricole des composts urbains

20 décembre 2015

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Où l’on découvre au détour d’une réponse ministérielle à un parlementaire qu’un programme de recherches de l’INRA sur l’inocuité des composts urbains, est entièrement financé par les traiteurs d’eau… Que ces composts, toujours officiellement définis par la réglementation comme des déchets, dont l’usage devrait à ce titre être strictement encadré, sont aussi parallèlement et miraculeusement devenus des « produits », grâce à des normes AFNOR (organisme de droit privé), rendues obligatoires par le biais d’un opportun arrêté interministériel… Et qu’enfin une « expertise collective » a conclu que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes (non punitif).



- La question écrite n° 13995 de M. Henri Tandonnet (Lot-et-Garonne - UDI-UC), publiée dans le JO Sénat du 04/12/2014 - page 2672 :

« M. Henri Tandonnet attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les risques créés par l’épandage agricole des composts urbains sans contrôle par plan d’épandage assurant leur traçabilité.

En effet, ces déchets ont obtenu un statut de produit avec les normes fertilisants AFNOR 44-095 et 42-001, et sont ainsi mis sur le marché librement, sans aucun suivi, ce qui constitue une exception en Europe. 


L’épandage agricole des déchets résiduaires urbains entraîne des risques avérés de dégradation des sols, des cultures et de la santé humaine. 


Les dernières conclusions du programme QualiAgro diffusées par l’Institut national de la recherche agronomique sur l’innocuité des composts urbains sont discutables, sachant que ce programme est financé et dirigé entièrement par les traiteurs d’eaux.

Ceci met en question l’impartialité des résultats. 
Il semble alors peu vraisemblable de pouvoir conclure à une innocuité générale des déchets urbains épandus connaissant la grande diversité des pollutions qu’ils peuvent contenir ; et ce, d’autant plus que de nombreuses études scientifiques alertent sur les contaminations des résidus urbains par les métaux lourds mais surtout par la chimie de synthèse (Phtalates, PBDE, HAP, hormones, antibiotiques et nanoparticules). 


Pour rappel, les plaines de Pierrelaye-Bessancourt subissent une interdiction préfectorale de cultures alimentaires depuis 2000 à cause de l’épandage des effluents de la station d’épuration urbaine d’Achères. 
Alors que la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt impose une double performance économique et environnementale au cœur des pratiques agricoles innovantes, les polluants urbains continuent de menacer l’agriculture.

Il lui demande quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour préserver l’agriculture française de tout risque sanitaire lié à la mise sur le marché de fertilisants contenant des déchets résiduaires urbains et, notamment, dans le cadre de l’harmonisation européenne des normes « fertilisants organiques ». 


- La réponse du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, publiée dans le JO Sénat du 25/06/2015 - page 1516 :

« La mise sur le marché et l’utilisation de matières fertilisantes et supports de culture (MFSC) sont subordonnées à une autorisation de mise sur le marché délivrée par le ministre chargé de l’agriculture, en application des dispositions législatives visées aux articles L. 255-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

Ces autorisations sont délivrées après dépôt d’un dossier par le demandeur et évaluation par l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de l’efficacité et l’innocuité du produit à l’égard de l’homme, des animaux et de l’environnement, dans les conditions d’emploi définies dans la demande.

Par dérogation à ce principe général, les produits conformes à une norme rendue d’application obligatoire par arrêté interministériel sont exonérés de la procédure d’autorisation administrative.

La garantie de l’innocuité des produits vis-à-vis de la santé publique et de l’environnement dans les conditions d’emploi prescrites est un pré-requis pour qu’une norme puisse être rendue d’application obligatoire par les autorités compétentes.

Tel est le cas de la norme NF U 44-095 « composts contenant des matières d’intérêt agronomique issues du traitement des eaux » qui fixe des critères de qualité sanitaire et environnementale.

L’arrêté du 18 mars 2004 relatif aux vérifications auxquelles doit procéder le responsable de la mise sur le marché de produits conformes à cette norme, impose des obligations d’analyses et de traçabilité.

Par ailleurs, dans ce contexte d’enjeux forts de valorisation des éléments fertilisants notamment ceux issus de déchets recyclés, de réduction de la dépendance des exploitations agricoles aux engrais de synthèse et de préservation des sols et de leurs fonctions, les ministères chargés de l’agriculture et de l’environnement ont demandé en 2011 au centre national de la recherche scientifique, à l’institut national de la recherche agronomique et à l’institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, de conduire une expertise scientifique collective (ESCO) sur les impacts de l’épandage des matières fertilisantes d’origine résiduaire (MAFOR) et les capacités des sols à les recevoir.

Les conclusions de cette expertise scientifique ont été livrées en juillet 2014. En l’état les conclusions de l’expertise scientifique collective ne remettent pas en cause dans l’immédiat les critères de gestion des MAFOR. Elles seront complétées par une évaluation du risque de l’utilisation de ces MAFOR en agriculture réalisée par l’Anses.

Enfin, les travaux de réflexion engagés au sein de la Commission européenne depuis plusieurs années visent à réglementer la mise sur le marché des MFSC de façon harmonisée dans l’ensemble des États membres, que les MFSC soient issus ou non en tout ou partie de déchets. »

Marc Laimé - eauxglacees.com