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Et si François Hollande était le seul vrai révolutionnaire ? par Denis Coltes

15 décembre 2015

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Un moment, une période, extravagante, désespérante ? Eaux glacées publie volontiers des échappées qui nous aident à l’éclairer...



Et si, n’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon, François Hollande était le seul vrai révolutionnaire ? Un révolutionnaire qui aurait abandonné tout romantisme, tout culte de la personnalité pour se consacrer à sa vraie mission : le changement.

Bien sûr, vous pourriez m’objecter qu’en dépit de son slogan « le changement c’est maintenant », on est plutôt dans la continuité, voire l’accentuation de ce que nous subissons depuis trop longtemps.

Pourtant, c’est bien cette absence de changement de cap qui révèle le caractère franchement révolutionnaire de notre Président.

Ayant retenu les leçons du Prince Salina, il en prend le parfait contre-pied et s’applique ainsi à ce que rien ne change afin que tout puisse changer, devenant ainsi une sorte de Prince Anilas, porteur du vrai changement.

Tels des crabes que l’on commence à cuire à l’eau froide et qui réalisent trop tard que l’eau bouillante va les tuer, nous n’avons pas réagi aux attaques contre les acquis sociaux obtenus de haute lutte.

Nous avons été anesthésiés par les renoncements progressifs à tout ce qui a constitué l’État Providence.

Tant qu’il en est encore temps, c’est là le pari du Prince Anilas, il faut donc pousser le chauffage, et donc ne surtout rien changer, pour sortir de notre torpeur et porter un coup d’arrêt à cette politique qui rend les pauvres plus pauvres et les riches plus riches.

Il ne faut pas chercher à atténuer ou compenser cette politique économique en la gauchisant, en mettant en place des mesures symboliques de gauche.

Il faut couper l’herbe sous le pied de ses adversaires pour les ridiculiser en les poussant à une surenchère toujours plus caricaturale.

Pour tout changer, il faut ne rien changer.

Ne rien changer, en ne pas réformant pas la fiscalité, mais en augmentant la TVA qui pénalise les plus précaires ;

Ne rien changer en nommant un premier ministre rejeté lors de la primaire, courtisé par Nicolas Sarkozy ;

Ne rien changer en choisissant un banquier d’affaires comme ministre de l’économie, fournissant un visage à l’ennemi désigné lors du discours fondateur du Bourget ;

Ne rien changer en continuant à présenter le travail comme une charge pour les entreprises, rendant les travailleurs responsables de leur précarité ;

Ne rien changer en opposant ceux qui ont du travail à ceux qui n’en ont pas sans jamais incriminer la pression exercée par les investisseurs pour dégager des dividendes toujours plus élevées ;

Ne rien changer en stigmatisant les chômeurs et en ne dénonçant jamais les entreprises qui, malgré les cadeaux fiscaux et leurs engagements, ne créent pas d’emplois ;

Ne rien changer en faisant financer une politique dite de l’offre, sans contrepartie, par des foyers qui travaillent moins pour payer plus ;

Ne rien changer en s’adressant aux grandes entreprises et en laissant de côté les plus petites et les indépendants ;

Ne rien changer en ne remettant pas en cause l’absence de résultats de la politique menée, mais en accusant ceux qui la critiquent ;

Ne rien changer en refusant le droit de vote aux étrangers, contribuables locaux, quand les évadés fiscaux conservent tous leurs droits ;

Ne rien changer en poursuivant la désorganisation des services publics au nom d’une plus grande efficacité de ces derniers ;

Ne rien changer en remettant en cause les mesures de protection environnementale pour favoriser les politiques de court terme ;

Ne rien changer en réprimant toujours plus durement ceux qui manifestent pour des causes collectives que ceux qui cherchent à maintenir leurs avantages ;

Ne rien changer en maintenant un système éducatif qui favorise les filières élitistes au détriment de l’enseignement pour tous ;

Ne rien changer en restant dans l’entre soi de l’énarchie et des grands corps de l’État en leur offrant les principaux leviers de pouvoir du pays ;

Ne rien changer en différant une réforme judiciaire et en continuant à remplir des prisons sans mettre l’accent sur la réinsertion ;

Ne rien changer en transformant l’Europe en bouc émissaire et en y affectant les recalés dont on ne veut plus à la tête du parti ou au gouvernement ;

Ne rien changer en acceptant à la tête de l’Europe l’ancien dirigeant d’un paradis fiscal ;

Ne rien changer en faisant la danse du ventre devant les monarchies du Golfe ou en accueillant les dictateurs africains.

Aujourd’hui, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à n’avoir plus rien à perdre. Ils sont de mieux en mieux disposés pour réclamer de vrais changements.

La stratégie pourrait payer.

Sa limite, c’est que le Prince Anilas ne pourra désormais plus prétendre incarner l’alternative à la politique menée.

Il se sacrifie à la cause du vrai changement, c’est finalement le côté romantique du personnage, mais qui va finalement incarner cette vraie révolution ? J’ai peur de le savoir…

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Marc Laimé - eauxglacees.com