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Inondations : une faillite française

5 octobre 2015

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les inondations meurtrières qui viennent de ravager les Alpes-Maritimes, y provoquant une vingtaine de morts, succèdent à celles ayant frappé le Gard, le Var, la Vendée (Xynthia), la Bretagne l’hiver dernier, l’Hérault le mois dernier, témoignant d’une incapacité structurelle à prévenir des phénomènes qui vont se multiplier à l’horizon des prochaines années.



Le scénario est désormais bien réglé, les éléments de langage multidiffusés : déchaînement de la nature, réchauffement climatique, épisode cévenol, catastrophe sans précédent, compassion nationale, témoignages déchirants des rescapés, cellule de crise, déplacements officiels, indemnisation, résilience, programmes de prévention…

Cette fois, routes, ouvrages d’art, digues, réseaux de distribution d’eau et d’assainissement, stations d’épuration ont aussi subi d’importants dégâts. Aussi le 6 octobre, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a indiqué que pour soutenir les collectivités dans la remise en état de ces ouvrages, "l’Etat mobilisera dans un délai de 4 mois le fonds pour la réparation des dégâts causés aux biens des collectivités territoriales et de leurs groupements par les calamités publiques".

Et en conclusion, au Conseil des ministres, la déclaration CAT-NAT : "Qui veut gagner des millions ?".

Aussi grotesque que pathétique. Le Fonds Barnier est, lui, à sec. Les assureurs à cran, et font le siège de Bercy, Matignon, l’Elysée, pour augmenter fissa les prélèvements sur TOUTES les primes d’assurance, faute de quoi ce sera la faillite soi disant...

LE COUT DES INONDATIONS - Informations officielles ministère de l’Ecologie (ce qu’il en reste) :

 1 Français sur 4 est menacé par le risque d’inondation ;

 Estimation coût annuel sinistres inondations (source compagnies d’assurance) : 700 à 800 millions d’euros chaque année ;

 Première estimation sinistre Alpes-Maritimes : 500 millions d’euros ;

 Rappel première estimation Xynthia 1 milliard d’euros ;

 Préjudice réel Xynthia : 1, 7 milliards d’euros.

 Selon les données disponibles, les inondations ont provoqué en France plus de 397 morts de 1990 à aujourd’hui, presque autant que dans les autres pays comparables – sans compter toutefois les morts dus aux « effets collatéraux ».

LES CHIFFRES DU SCANDALE

 Au sein des inondations classées catastrophes naturelles 45% proviennent de débordement des cours d’eau, 45% sont provoquées par le ruissellement et 10% par une submersion marine.

 La grande nouveauté de ces dernières années est la part croissante des dégats par ruissellement qui est d’origine essentiellement anthropique (lié à l’urbanisation). Les digues ne servent à rien pour se protéger du ruissellement et ont même parfois un impact négatif.

 L’Etat et les collectivités locales, programment 300 millions d’euros par an pour la lutte contre les inondations.

 Toutefois, 70 % de cette somme, soit 210 millions d’euros, sont officiellement consacrés à la réparation de 10 000 kilomètres de digues. Le parc français est en très mauvais état, ce qui coûte très cher. Restaurer une digue endommagée, c’est un million d’euro du kilomètre.

 Ensuite, 20 % (soit 60 millions d’euros, somme dérisoire) sont consacrés à la rétention des eaux à l’amont : on aménage des zones d’expansion de crue, on construit des petits barrages qui ralentissent l’onde de crue…

 Les 10 % restants, soit 30 millions d’euros pour toute la France, sont dévolus à la réduction de la vulnérabilité à travers la sensibilisation de la population, la prévision, l’adaptation des logements et la connaissance du risque.

Sources CEPRI, Centre européen des risques d’inondation (2015).

Dramatiquement insuffisant !

Quel “aménagement” du territoire ?

A rebours du refrain fatalité-compassion, force est pourtant de constater que tout cela est parfaitement prévisible, rançon de plus d’un demi-siècle de dévastation de la nature, rupture de ses équilibres et rythmes naturels, pratiques agricoles ravageuses (remembrement, drainage, disparition des zones humides…), et surtout politiques d’aménagement du territoire et de l’urbanisme aux conséquences délétères.

Zones humides, ruisseaux, rivières et fleuves chenalisés, bétonnés, enterrés, disparition des champs d’expansion des crues qui ont été viabilisés, aménagés, urbanisés…

Ainsi 50% des zones humides du littoral languedocien ont-elles disparu depuis la seconde guerre mondiale mais la France n’est pas le plus mauvais élève de la convention Ramsar : il y a souvent pire ailleurs !

Ainsi, selon un chercheur australien du CSIRO spécialiste des zones humides (mondiales) depuis des décennies, 87,5% de celles-ci ont disparu depuis 1750...

Au final l’imperméabilisation des sols partout à l’oeuvre, en milieu rural, où les sols qui accueillent des monocultures à haut rendement interdisent l’infiltration, comme en milieu urbain ou péri-urbain, où le ruissellement accompagne la bétonnisation générale des espaces et finit par rendre impraticable - sauf à y allouer des investissements qui se chiffreraient à des dizaines de milliards d’euros -, la gestion des eaux pluviales urbaines...

A Cagnes-sur-Mer par exemple, un Plan de Prévention du Risque Inondation (PPRI) a bien été rédigé, mais il n’est pas respecté par les élus eux-mêmes. Le Polygone Riviera, dernier grand projet communal en date, proposera une surface commerciale utile de 70 000m² et 3000 places de parkings en pleine zone inondable (zone rouge du PPRI). A quinze jours de son inauguration, le parking est déjà submergé…

Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit l’augmentation en fréquence et en intensité des épisodes cévenols, il est urgent d’adapter la gestion du territoire au changement climatique. On peut ainsi s’inquiéter de ce que pourra engendrer l’énorme projet d’aménagement de la basse vallée du Var à Nice, dans une zone agricole exceptionnelle mais ouverte progressivement à une urbanisation anarchique, sachant que des inondations très violent es y font régulièrement des ravages et même des morts (1994 et 2010 notamment) et que la création ou le réaménagement de digues ne peut en aucun cas assurer la sécurité des zones prétendument « désinondabilisées ».

Tout cela est connu, archi-connu. On en débat, on élabore des programmes, on aligne les promesses, toujours sans lendemain… Alors l’eau qui ne peut s’infiltrer ruisselle et s’accumule si elle ne peut s’écouler normalement. Avant qu’un épisode météorologique hors normes ne finisse par faire des ravages, eux aussi hors normes.

Dans le même temps, hélas, collectivités locales, élus, acteurs économiques, services de l’Etat, continuent trop souvent à fermer les yeux sur la délivrance des autorisations de construire en zone inondable, car cela procure des rentrées d’argent aux communes comme aux oligarques du foncier...

En dépit des discours officiels, on ne remet en cause qu’à la marge le bétonnage des villes qui imperméabilise le sol et empêche l’eau de s’infiltrer. Ou la transformation des champs de type "bocage", avec des haies et des canaux d’évacuation séparant les (petites) parcelles, en immenses étendues satisfaisant aux conditions d’agriculture intensive que souhaite l’industrie agro-alimentaire.

Il faudrait aussi d’urgence reboiser des pans de collines ou de montagnes pour arrêter les torrents d’eau et de boue qui les dévalent, qui y songe ?

Mais des efforts considérables ont été faits pour prévenir les inondations, objectera-t-on.

Sur le papier c’est vrai. Sauf que la prévention du risque d’inondation à la française c’est un autre village Potemkine, de papier… Un amoncellement incompréhensible de programmes, plans, dispositifs de prévention, comme s’en sont récemment rendus compte les usagers de l’association Eau Secours 34, sise à Montpellier dans l’Hérault, qui ont tenté de décrire le monstre, en publiant une présentation de la
gestion du risque d’inondation en France

On apprendra aussi beaucoup de l’expérience de sinistrés, comme ceux regroupés au sein de l’association VIVA, dans le Var, dont les communes de Fréjus, Puget sur Argens, Roquebrune sur Argens et Le Muy avaient elles aussi été ravagées le 16 juin 2010.

L’affaissement des services publics

Les épisodes récurrents d’inondations meurtrières s’inscrivent aussi dans le contexte plus large de l’affaissement général des politiques publiques, et des services qui les portent. Ainsi des ravages de la « Révision générale des politiques publiques », initiée en 2007 par François Fillon sous la présidence Sarkozy, poursuivie en 2012 par Jean-Marc Ayrault, sous l’appellation de « Modernisation de l’action publique » (MAP).

Lors du discours inaugural prononcé en introduction du séminaire co-organisé par le Cerema et l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), à Bron le 11 décembre 2014, Laurent Roy, alors directeur de l’eau et de la biodiversité au ministère de l’Ecologie (ce qu’il en reste), en donnait, peut-être involontairement, une saisissante illustration :

« (…) Dans les services déconcentrés, par exemple, il y avait des réflexes. J’étais en DDAF, j’étais en DIREN, on connaissait à l’époque, plutôt coté agriculture, les coordonnées de l’ingénieur Cemagref le plus proche. On l’appelait quand il y avait un pépin, c’était pareil coté DDE vis-à-vis du CETE.

Les structures ont évolué au sein de l’administration déconcentrée
de l’État avec des fusions dans des structures plus importantes, les DREAL, les DDT. Avec des connaissances probablement moins fines de tout le réseau d’appui qu’ils pouvaient mobiliser, et puis la refonte en profondeur de ce réseau d’appui avec la création du Cerema et avec l’évolution du Cemagref vers l’Irstea, beaucoup plus orienté recherche, donc probablement moins facilement présent sur le créneau du transfert.

Il y a donc un énorme besoin en termes de transfert, d’authentification des capacités à mobiliser les résultats de la recherche et développement au service de l’action opérationnelle, ainsi qu’un besoin d’expertises qui se
font de manière moins immédiates, moins évidentes, moins fluides.

(…) quand on fait l’analyse au niveau européen le constat est peu
ou prou le même, les deux points de faiblesses ce sont les pollutions diffuses et l’hydromorphologie. Donc le volet milieu, le bon fonctionnement écologique, l’habitat, les milieux aquatiques, les rivières, la morphologie des rivières, les annexes hydrauliques, les milieux humides, le trait de côte, sur lesquels il y a aussi pour nous une priorité, réussir à avancer de manière plus efficace.

Le contexte institutionnel a changé car il a souhaité structurer la maîtrise d’ouvrage sur la question de l’entretien de ces milieux par la compétence Gemapi : gestion de l’eau et des milieux aquatiques et prévention des inondations qui figure dans la loi métropole promulguée en janvier de cette année (2014, Note EG). Donc normalement il y a des maîtres d’ouvrages partout ; les communes et EPCI à fiscalité propre qui peuvent s’appuyer sur les EPAGE, anciens syndicats de rivières, établissement publics d’aménagement et de gestion des eaux.

Encore faut-il avoir les techniques les plus adaptées à un bon fonctionnement des milieux aquatiques qui consiste d’abord à ne pas considérer les cours d’eau comme des tuyaux qui ont vocation à évacuer l’eau vers l’aval le plus vite possible, mais bien comme des milieux vivants qui ont vocation à bien fonctionner. Cela, est aussi un des sujets polémiques du moment. »

Inscrire aussi au bilan la nouvelle baisse sans précédent du budget du ministère de l’Ecologie, annoncée dans le Projet de Loi de Finances (PLF) 2016, qui va encore aggraver la crise (à ce rythme bientôt terminale) des politiques environnementales.

La GEMAPI, vous-dis-je !

C’est LA grande affaire du moment, dont nous avons déjà très longuement décrit les errements. La GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) ? Un miracle ! Le couteau suisse qui fait aussi téléphone portable !

Ainsi, la semaine dernière, en Vendée, 20 communes du Pays de Fontenay et 10 communes des Îles du Marais poitevin votaient l’institution de la taxe Gemapi ou aquataxe, qui va contribuer au financement des travaux d’entretien du marais, des ouvrages hydrauliques, ou à la lutte contre les ragondins.

En Sud-Vendée en effet, cette compétence, confiée aux communautés de communes, a été transférée au Syndicat mixte Vendée Sèvre Autize. Ce dernier a donc présenté un plan de travaux sur cinq ans, et des dépenses qui s’élèveront à 3,5 millions d’euros.

Tout le bassin versant de la Sèvre est concerné, soit cinq communautés de communes : le Pays de Fontenay, les Isles du Marais poitevin, le Pays de L’Hermenault, le Pays de Sainte-Hermine et Vendée-Sèvre-Autize. Pour 2016, elles contribueront à hauteur de 990 000 €.

Les taux qui ont été fixés s’y appliqueront, dès l’année prochaine, sur les quatre impôts locaux : taxe d’habitation, foncier, foncier non bâti et contribution foncière des entreprises…

Les sud-Vendéens, qui n’en avaient jamais entendu parler, vont dès lors faire brutalement connaissance avec la GEMAPI. Etrange entrée en matière.

Et ailleurs ?

Le spectre des digues

En créant en 2014 la compétence GEMAPI, la loi Maptam a prévu de transférer aux collectivités locales dans 10 ans la gestion et l’entretien de l’intégralité des digues qui ressortissaient jusqu’à présent des compétences régaliennes de l’Etat... Or dès l’instant où l’on n’a jamais défini clairement ce qu’est une digue (pour la distinguer d’autres aménagements de berge), on va avoir des difficultés à les répertorier et à mesurer leur linéaire. Le classement actuel en digues A, B ou C est totalement arbitraire. Actuellement leur entretien est pris en charge, soit par l’Etat, soit par les collectivités locales, soit par les riverains agriculteurs, et c’est au petit bonheur la chance. La GEMAPI ayant transféré l’entretien de l’ensemble des digues aux seules collectivités locales, via les EPTB et/ou EPAGE, l’état affichant son impécuniosité et l’imposant aux collectivités locales, GEMAPI ou pas, c’est donc le contribuable qui va trinquer...

En fait, les digues ont changé de vocation : entre celles des polders (Marais Poitevin, Wateringues du Nord) et celles qui servaient au colmatage -agricole - (cf. Nadault de Buffon) des plaines alluviales (désormais urbanisées) des rivières et fleuves alpins, elle servent aujourd’hui à protéger des lotissements même pas construits avec des étages, comme en Roussillon.

De plus, elles ont - de fait- changé de régime juridique - collectif - avec l’affaiblissement de la rente foncière agraire, les ASA (associations syndicales de propriétaires - rentiers fonciers - établissements publics administratifs) sont aux abois malgré leurs performances historiques d’une période en tant que biens communs locaux. Les digues y sont positionnées dans un flou juridique entre biens publics d’accès libre (sans autorité) et biens privatisés sans les obligations afférentes de la propriété.

Ces deux éléments sont indissociables pour comprendre les fondements de cette période transitoire qui sera peut-être très longue, surtout si l’urbain ne paie pas... et si les cours d’eau ne retrouvent pas leurs espaces d’expansion.

La bombe à retardement de la loi NOTRe

La loi NOTRe a totalement reconfiguré le bloc communal en confiant l’essentiel des compétences aux EPCI à fiscalité propre, qui doivent, sauf exception, rassembler au minimum 15 000 habitants.

Les Préfets viennent de relancer ce processus de fusion, déjà initié après le vote d’une première loi en décembre 2010, via la définition de schémas départementaux de coopération intercommunale (CDCI). Le processus s’apparente parfois à des fusions à la hussarde, génère nombre de tensions, et mobilise très fortement les élus concernés.

Concernant l’eau potable et l’assainissement (petit cycle de l’eau), la loi NOTRe va en outre déclencher un formidable « big bang » puisqu’une commune ne pourra plus être en charge de la gestion du service, ce qui signe la fin de la gestion strictement municipale de l’eau et de l’assainissement, qui s’est déployée depuis l’aube du 19ème siècle...

En conséquence, les syndicats d’eau ou d’assainissement qui rassemblent moins de trois EPCI seront automatiquement supprimés.

Le processus concerne les 25000 services d’eau et d’assainissement communaux existants, ainsi que les 2300 syndicats exerçant la compétence eau, et les 1100 exerçant la compétence assainissement. Ne subsisteront dès lors que les « grands » syndicats qui se sont déjà organisés historiquement à une échelle quasi-départementale, à l’image du SDEA dans le Bas-Rhin, de Noreade dans le Nord, de Vendée Eau, du Siveer dans la Vienne, etc.

A l’horizon 2018-2020, avec des élections municipales et communautaires prévues en mars 2020, les collectivités concernées vont donc devoir prendre des décisions politiquement très sensibles, comme le choix du mode de gestion ou de péréquations tarifaires sur les nouveaux services ainsi reconfigurés.

Alors, leur imposer en plus la prise de compétence GEMAPI, toujours à l’horizon 2018-2020, compétence obligatoire dévolue à la commune, qui s’en dessaisit aussitôt obligatoirement au profit de l’EPCI à fiscalité propre, qui pourra choisir de s’en dessaisir à son tour, au profit d’un EPAGE, qui aura été constitué en rassemblant-fusionnant un ou plusieurs syndicats de rivière existants, ceci sans exclure la dévolution directe de la compétence par plusieurs EPCI à un EPTB… On comprendrait à moins l’inquiétude des élus.

Ceci sans même compter que le mécano ascendant de la GEMAPI commune-EPCI-EPAGE-EPTB va de surcroit venir buter sur les nouvelles configurations métropoles-départements (loi MAPTAM),qui vont se déployer en même temps que le mécano de la loi NOTRe…

Balkanisation des territoires

Après l’adoption des lois MAPTAM et NOTRe, puis la création des super-régions, sur le terrain nul ne sait en réalité qui va exercer demain quelles compétences, ni comment elles seront financées… Ca vaut pour le petit cycle et le grand cycle.

En l’état c’est la foire d’empoigne. Le ministère et les services déconcentrés font le forcing pour promouvoir la GEMAPI, trop contents de s’être débarrassés du boulet sur les collectivités locales.

Les Agences de l’eau veulent à toute force contrôler le mouvement, ne pas perdre de leur pouvoir au profit des Etablissements publics territoriaux de bassin (EPTB), qui souhaitent conserver leurs prérogatives face aux Etablissements publics d’aménagement et de gestion des eaux (EPAGE), les petits nouveaux, en fait une version XXL des (bientôt) anciens syndicats de rivière, qui subsistent toujours, merci pour eux, même s’ils ont vocation à muer en EPAGEs...

Vous suivez ? Pas grave. Depuis un an ce sont au bas mot 100 colloques, forums, journées et séminaires qui ont vu s’affronter aux quatre coins de la France gourous de la GEMA et talibans de la PI, et ce n’est pas prêt de s’arrêter...

Pour en revenir aux EPTB et EPAGE, ils ne savent d’ailleurs pas encore comment la prise de compétences rendue obligatoire par la loi NOTRe de la compétence GEMAPI par les Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre va impacter les syndicats de rivière existants, ni comment le tout va se recomposer.

Et quant aux financements, le trou noir. Nombre de départements se désengagent à vitesse grand V, mouvement qui ne sera pas compensé par la montée en puissance des super-régions, qui devront par ailleurs s’atteler à articuler les SDRADDETs avec la GEMAPI, ou l’inverse…

Etc, etc. On en a pour quatre ou cinq ans de navigation dans le brouillard, avec comme hypothèse la plus vraisemblable une balkanisation qui va voir chacun bricoler au mieux ses solutions de fortune dans son coin, ce qui augure mal d’une dynamique nationale qui se porterait à hauteur des enjeux…

D’ailleurs, illustration s’il en était besoin que rien ne se passe jamais comme prévu, le 5 octobre le puissant Syndicat de l’eau et de l’assainissement (SDEA), qui dessert 800 000 alsaciens et mosellans sur 3 départements, décidait lors de son AG... de prendre la compétence Gemapi !

Noter, mouvement à peu près sans précédent, qu’au début de l’année la quasi totalité des associations d’élus conduits par M. Baroin (député-maire LR de Troyes), et nouveau président de l’AMF s’en sont allés dire à M. Valls à Matignon que cela n’allait pas du tout et qu’ils allaient réécrire GEMA et PI de A à Z. Les travaux sont toujours en cours, ça promet. Surtout pour les bureaux d’étude qui vont en engranger pour des années (d’études), qui iront rejoindre les précédentes au fond des placards.

Le tout dans le contexte de régression brutale, et sans précédent, des politiques publiques de l’environnement enregistré depuis 2012, avec son catalogue infini de renoncements, dévoiements, décisions clientélistes à courte vue de somnambules s’abandonnant à leur hubris, dont les pitoyables stratégies de com ne dissimulent plus rien du désastre qu’ils fomentent jour après jour.

Dernier exemple en date, le projet de « cartographie des cours d’eau » offert par Ségolène Royal à la FNSEA, dont les Amis de la Terre du Gers dénoncent fort justement aujourd’hui, et l’inanité, et la dangerosité…

La motion des Amis de la Terreb du Gers contre le projet de "cartographie des rivières" 5 octobre 2015

Les collectivités à la diète

Ajouter à cela la poursuite de la baisse de dotations de l’Etat aux collectivités locales, à hauteur de 17 milliards d’euros jusqu’à 2020, en attendant le nouveau coup de bambou de « réduction des déficits » après 2017…

Du coup, selon le baromètre ressources humaines de Randstad, rendu public comme chaque année début octobre, 26% des 604 communes et intercommunalités ayant répondu au printemps dernier au questionnaire ont indiqué que leurs effectifs baisseront au cours de l’année 2015, contre seulement 10% affirmant qu’ils augmenteront. En 2014, la part des collectivités envisageant une baisse des effectifs atteignait 20%. Mais les collectivités qui comptaient accroître leurs effectifs étaient plus nombreuses (24%).

Enfin, les ravages de l’apolitisme managérial...

Dans un communiqué publié le 7 octobre, François Calvet, sénateur (LR) des Pyrénées orientales, co-rapporteur avec Christian Manable du rapport
"Xynthia, 5 ans après : pour une véritable culture du risque dans les territoires", souligne que : " (...) force est de constater que les élus locaux, responsables de la prévention des risques ont, sur le terrain, toutes les peines du monde à encadrer les mouvements d’urbanisation. Il y a les pressions des administrés qui souhaitent des permis de construire, les pressions de l’État qui augmente la taxe sur le foncier non bâti, ou qui exige des collectivités la construction de logements sociaux sans tenir compte des contraintes des territoires. In fine, malgré les plans de prévention des risques (PPR) imposés par la loi, on continue à urbaniser des zones à risques. La situation n’est plus tenable".

Des somnambules…

LIRE :

 « Le climat et l’eau, les conséquences du changement climatique sur la ressource en eau dans les régions méditerranéennes », FNE.

 Les actes du colloque Catastrophes, vulnérabilités et résiliences dans les pays en développement, les livres "Le gouvernement des catastrophes", dirigé par S. Revet et J. Lagumier, Karthala, 2013 ; La mondialisation des risques, dirigé par Soraya Boudia et Emmanuel Henry, PUF, 2015 ; Governance of Security and Ignored Insecurities in Contemporay Europe, Ashgate, 2016.

Marc Laimé - eauxglacees.com