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Ségolène Royal répond au référé de la Cour des comptes sur les Agences de l’eau

17 juillet 2015

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La Cour des comptes a rendu publics le jeudi 16 juillet le référé que son Premier président avait adressé le 29 avril dernier au gouvernement, dans lequel il précisait ses critiques sur les défaillances de gestion des agences de l’eau, qui avaient déjà fait l’objet d’une insertion dans son rapport annuel publié le 12 mars dernier, et la réponse qu’y a apporté Ségolène Royal le 8 juillet.



La Cour estime que les agences de l’eau n’ont pas assez maîtrisé leurs charges de fonctionnement, et détaille notamment l’impact budgétaire de nombreuses dispositions favorables à leurs personnels, dont elle stigmatise par ailleurs l’absence de mobilité.

La gestion des aides accordées par les agences (aux collectivités, industriels et agriculteurs, comme à diverses associations) n’est pas assez sélective, selon la Cour.

Elles ont perçu 2,2 milliards d’euros de redevances et versé 1,9 milliards d’aides en 2013. Entre 2007 et 2013, l’augmentation des redevances (+ 24 %) leur a procuré une « aisance financière certaine », note le référé. Cet accroissement « ne les a pas incitées à accentuer significativement la sélectivité des aides », qui représentent 90 % de leurs dépenses.
« Les charges de fonctionnement n’ont pas été maîtrisées », souligne le document, avant de préciser que les dépenses de personnel ont progressé de 13 % sur la même période.

Les reclassements d’agents dans la catégorie supérieure se sont en outre révélés coûteux. Les dispositifs complémentaires santé-retraite des salariés des agences n’ont plus de base légale. Ils coûtent 1221 euros par agent et par an à l’agence Rhin-Meuse, contre 39 euros au ministère de l’Ecologie.
Le référé soutient dès lors que les agences n’ont « pas suffisamment participé à l’effort de redressement des finances publiques ».

Il pointe aussi des dépenses de communication parfois très importantes, ainsi que les subventions accordées à nombre de structures et d’associations socio-professionnelles, OIEau, PFE, PSEau, ASTEE… dont le positionnement et les activités sont susceptibles de générer des conflits d’intérêts. Sur ce point précis, on notera avec intérêt que la réponse prêtée à la ministre demeure totalement muette…

Enfin la Cour dénonce à raison les dépenses extravagantes prises en charge, notamment par l’AESN, dans le cadre du Forum mondial de l’eau de Marseille en 2012.

Au détour d’un châpitre dédié à la grande misère des systèmes d’information des Agences, on découvre aussi, toujours pour Seine Normandie, que « l’oubli » de versement des redevances par les industriels que nous avions dénoncé en 2011, portait non sur 100 millions d’euros, mais sur 300 millions d’euros, et que la régularisation n’est intervenue qu’en 2015, quatre ans après la révélation du scandale !

Dans sa réponse, Ségolène Royal prend la défense des Agences, insistant sur les efforts de rationalisation des loyers et des marchés de prestation. Elle fait valoir que l’augmentation des capacités d’intervention des agences est restée limitée (2,6 % de 2007 à 2013), compte tenu de l’obligation faites aux agences de verser des subventions aux agriculteurs pour la lutte contre les phytosanitaires (Ecophyto), et surtout des prélèvements de l’Etat.

Il est vrai qu’en 2014, comme depuis de nombreuses années, Bercy a ponctionné 210 millions d’euros sur la trésorerie des agences. Un nouveau prélèvement de 175 millions est prévu chaque année entre 2015 et 2017.

Sur le fond, la Cour critique sévèrement la gestion des redevances et des aides. Le processus d’instruction et d’attribution des subventions est « insuffisamment documenté et difficilement traçable ». Des aides ont pu être versées à des bénéficiaires débiteurs à l’égard des agences, ce qui est théoriquement interdit.

Enfin, la Cour pointe le peu de moyens consacrés à la recherche de nouveaux redevables et le montant parfois très élevé de certaines aides. Une association qui s’occupe de restauration des cours d’eau et qui emploie des personnes en difficulté a par exemple reçu 6,4 millions d’euros de l’agence de l’eau Seine Normandie entre 2007 et 2012.

« La mise en place d’équipes dédiées à la fonction de contrôle et notamment au contrôle interne est en cours », plaide la ministre.

Au regard de ce constat, le refus obstiné de toute réforme de la gouvernance de la politique de l’eau prend tout son sens.

Reste à savoir combien de temps les usagers domestiques, véritables vaches à lait d’un système défaillant, s’accommoderont d’être traités en cochons de payants, et comment la Commission européenne appréciera ces dysfonctionnements qui sont aussi pour partie (avec la PAC…), à l’origine des manquements réitérés à nos obligations communautaires.

Le référé de la Cour des comptes
La réponse du MEDDE

Marc Laimé - eauxglacees.com