Retour au format normal


France Eau Publique (*) : un nouvel élan

12 novembre 2014

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Créé formellement à l’été 2012 dans les Landes, le réseau FEP regroupe aujourd’hui une quarantaine de collectivités locales ou opérateurs publics français qui ont fait le choix, certains depuis des décennies, de la gestion publique de l’eau et de l’assainissement. Mutualisation, échange de bonnes pratiques, défense des intérêts de la gestion publique auprès de toutes les instances concernées, à l’heure où la gestion de l’eau connaît des évolutions majeures, France eau publique organise le 13 novembre 2014 à Poitiers un séminaire destiné à préciser ses priorités pour les 5 prochaines années.



Entretien avec Christophe Lime, adjoint au maire de Besançon pour l’eau et l’assainissement, président de la Régie de Besançon, et qui vient d’être élu par ses pairs président de FEP.

Christophe Lime, président de la régie de Besançon et de France eau publique

“ Le premier bilan est positif, on existe toujours car on a surmonté les risques de dispersion, voire de conflits. Du coup, on enregistre une progression d’adhérents et on commence à devenir le référentiel de la gestion publique, vis-à-vis des tous les partenaires concernés, y compris les ministères de tutelle.

A contrario, on demeure encore trop dispersés avec des difficultés de coordination. On va devoir se recentrer sur des priorités en fonction de nos forces.

Le séminaire que nous organisons à Poitiers le 13 novembre a été monté pour nous permettre de décider de nos priorités pour les cinq prochaines années.

Pour nous donner les moyens de nos ambitions on doit aussi réussir à ne pas remettre en cause tous les trois mois ce que l’on aura décidé, et là nous ne sommes peut-être pas encore pleinement à maturité.

Aujourd’hui les 40 structures membres de FEP desservent 10 millions d’usagers. Dans les 5 ans qui viennent nous allons encore nous développer, mais désormais les collectivités ou syndicats qui nous rejoignent sont majoritairement des petites structures, qui regroupent en moyenne de 30 000 à 50 000 usagers. Nous devons développer à leur égard un dispositif qui nous permettra de répondre à tout un panel de questionnements et de demandes, que les plus grosses entités fondatrices maîtrisent déjà peu ou prou.

Parmi les grands enjeux de la période, la priorité c’est le nouvel acte de la décentralisation, avec la poursuite des regroupements intercommunaux, l’avènement des métropoles, le transfert de nouvelles compétences, comme la compétence GEMAPI, qui vont nous contraindre à apprécier du même élan gestion du petit cycle et grand cycle, avec les valeurs du service public, et avec le préalable qu’on ne peut pas nous imposer des compétences nouvelles si nous ne bénéficions pas de moyens nouveaux pour y faire face. A cet égard il faudrait sans doute revoir les problématiques IOTA et ICPE.

Par ailleurs, au niveau territorial, l’avènement des métropoles va nécessiter une nouvelle articulation entre grands syndicats péri-urbains et milieu rural, sur fond de tension financière accrue pour les collectivités, de baisse des dotations de l’état, voire de suppression des départements, et à tout le moins de leurs interventions financières pour l’adduction d’eau et l’assainissement qui, même depuis la suppression du FNDAE, représentaient encore plus de 300 millions d’euros par an. Là, le désengagement est déjà très net. Avec la ponction de l’état dans la trésorereie des Agences de l’eau, 175 millions d’euros chaque année programmés dans le projet de loi de Finances 2015 jusqu’en 2017, la situation financière va devenir très tendue, alors que dans le même temps il va falloir faire face à des besoins importants pour le renouvellement des réseaux, la mise aux normes des installations, la protection des captages, et l’ensemble des engagements communautaires de la France, vis-à-vis desquels nous sommes déjà en situation très critique.

Il va dès lors falloir redéfinir une taille optimisée pour nos services, au plan technique comme au plan politique, et mettre en oeuvre, parallèlement, de nouvelles péréquations urbain-rural.

Vis à vis de tout cela, soit on conteste et on bloque, soit on enrichit en essayant de peser. C’est aussi la mission de FEP : faire entendre et défendre les intérêts de la gestion publique de l’eau et de l’assainissement dans toutes les instaces officielles concernées, afin de veiller à ce qu’elle puisse se développer.

On en a eu un exemple récent avec la COSEI qui dépend de Bercy, au sein duquel les opérateurs privés ont d’abord semblé être les seuls à defendre leurs intérêts. Nous avons fait en sorte d’y être présents afin d’y défendre la gestion publique.

En la matière la FEP et Aqua Publica Europea doivent encore développer leurs activités de veille réglementaire et de veille juridique, au niveau français comme européen. Nous sommes encore trop dispersés et on devrait pouvoir mieux travailler sur les sujets importants, par exemple en lien au niveau local avec les parlementaires qui défendent l’activité de leurs territoires, sachant qu’une gestion de l’eau optimisée est un levier fondamental pour toute l’activité économique.

FEP c’est aussi la mutualisation entre services publics locaux sur tout le territoire, ce qui passe par une ingénierie partagée, des actions de formation, et l’optimisation des functions achat par exemple pour pouvoir bénéficier d’économies d’échelle. Mais ce n’est pas aussi simple que çà en a l’air, car on peut déclencher des effets pervers. Ainsi, avec un fournisseur unique on peut “tuer le marché”, avec plusieurs gros fournisseurs il faut affronter une logique de cartellisation, donc il faut imaginer des formules nouvelles et nous y travaillons.

FEP a ainsi développé la méthode des audits croisés que nous travaillons à structurer sur l’ensemble du territoire. Ainsi une équipe de spécialistes d’Eau de Paris peut venir chez nous à Besançon, ou à Grenoble auditer notre service à partir de leurs points forts, ce qui nous permettra ensuite de mettre en place les process qui nous permettront d’améliorer la qualité du service rendu à l’usager. C’est une piste prometteuse et nous allons nous investir pour développer la qualification de l’ensemble des intervenants potentiels.

Idem pour la formation, chacune de nos grosses structures pourra ainsi par exemple accueillir à coût marginal 3 ou 4 collègues d’une plus peite entité lorsque nous organisons des journées de formation en interne. On fait des économies d’échelle en mutualisant et ça crée du lien.

A l’identique il nous faut aussi développer un marché des compétences, qui puisse faire office de bourse pour l’emploi.

Sur un autre registre, nous avons identifié récemment un enjeu majeur pour l’avenir, celui de la maîtrise publique des données afferentes à la gestion de l’eau. Les données produites dans le champ de l’eau sont considérables, que ce soit pour le petit ou le grand cycle. Et il existe donc désormais un enjeu considérable autour de la maîtrise d’ouvrage publique locale au service de l’ensemble des territoires, sujet auquel nous travaillons avec la FNCCR.

Enfin le projet fondamental de FEP, faciliter le passage en gestion publique, passe aussi par un renforcement de l’activité de parrainage d’une structure par une autre, déjà en gestion publique. Nous allons travailler à préciser les questions de taille et de problématiques spécifiques, en termes de proximité, de connaissances, d’échelle d’intervention, car ce n’est pas la même chose de passer en régie selon qu’on est une collectivité de 3000, 50 000 ou 250 000 habitants. Là il s’agit de faire de l’amorçage intelligent et, sans se substituer au secteur concurrentiel, d’apporter une vraie valeur ajoutée, par exemple en aidant à l’établissement d’un cahier des charges.”

- France Eau Publique

Marc Laimé - eauxglacees.com