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Pollution du Rhône : le « couloir de la chimie » sur la sellette

28 août 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La catastrophique pollution du Rhône par les PCB, désastre écologique sans précédent, pourrait bien trouver sa source… dans l’incendie de la raffinerie de Feyzin le 4 janvier 1966, qui avait endeuillé la France gaullienne, et le célèbre « couloir de la chimie » rhône-alpin. Quelques années plus tard décision était prise de transférer une bonne partie de l’industrie chimique lyonnaise dans ce qui allait devenir le « Parc industriel de la Plaine de l’Ain », qui accueille, à côté de près de 80 sites industriels, l’usine Tredi-Séché de Saint-Vulbas, l’un des deux sites français homologués pour décontaminer et incinérer, notamment, le pyralène contenu dans plus de 500 000 transformateurs EDF, en application d’une Directive européenne. Une usine suspectée depuis les années 80 d’être en partie à l’origine de la pollution du Rhône par les PCB. Mais cette concentration exceptionnelle d’industries chimiques en amont des 300 kilomètres de fleuve dramatiquement pollués appelle des questionnements d’une toute autre ampleur quand on découvre que des chercheurs avaient établi dès avril 2000 que les PCB issus de maintes activités industrielles « ordinaires », et des déchets qu’elles génèrent en quantités considérables, sont massivement répandus dans l’environnement, à hauteur de près de 50% des apports constatés, par le biais des eaux de pluie…



Ce désastre sans précédent et les premières interrogations qu’il suscite doit aussi désormais s’apprécier à l’aune des probables retombées environnementales d’une exceptionnelle concentration d’industries chimiques en amont de Lyon.

Car comme l’établissait dès avril 2000 l’étude présentée ci-après, ce ne sont pas seulement des dysfonctionnements ponctuels, comme ceux qui ont pu affecter l’usine Séché-Tredi de Saint-Vulbas, qui semblent par ailleurs avérés sur une longue période, avant la reprise du site par le groupe Séché en juillet 2002, qui pourraient être à l’origine de la pollution du Rhône.

Mais bien plutôt le fonctionnement « ordinaire » d’un site qui concentre aujourd’hui une bonne part de l’industrie chimique lyonnaise, implantée depuis des décennies dans le couloir Rhône-alpin.

Selon le syndicat mixte qui en assure la gestion, la création du Parc Industriel de la Plaine de l’Ain a une double origine à la fin des années 60.

 Le projet d’une deuxième ville nouvelle sur l’axe Lyon-Genève à l’instar de celle sur l’axe Lyon-Grenoble, perpective qui rencontrera l’opposition de la population locale et de ses élus.

 L’idée de créer une deuxième raffinerie (qui sera abandonnée à la suite du choc pétrolier) puis de relocaliser l’industrie chimique lyonnaise après l’accident de Feyzin en 1966.

Les élus locaux, sous l’impulsion de M. Guy de La Verpillière, alors député-maire de Lagnieu et Conseiller Général de l’Ain, décident de créer une grande zone industrielle pour accueillir des usines. Il s’agit de lutter contre l’exode rural par la création d’emplois locaux.

Aux dires de ses promoteurs, « la Plaine de l’Ain fait alors l’objet de nombreuses études révélant ses qualités intrinsèques fondamentales pour l’accueil d’industries :

 une faible urbanisation,

 un relief très plat,

 un sol sans intérêt agronomique,

 des vents dominants évitant les villages voisins,

 la proximité du Rhône,

 une nappe phréatique abondante mais à protéger,

 une localisation favorable sur l’axe Lyon-Genève,

 une très grande qualité architectonique des sols…

Une structure de gestion de cette zone est créée en 1976 : le Syndicat Mixte de la Plaine de l’Ain dont la première présidence est confiée à M. de La Verpillière.

La politique d’aménagement est arrêtée avec trois axes stratégiques,
toujours maintenus près de 30 ans plus tard :

 maîtrise du rythme de développement

 diversité des activités accueillies

 protection de l’environnement

Ces bases étaient les prémices de ce que l’on appellera le développement durable ! » (sic).

Trente ans plus tard ce parc d’activités, conçu, créé et géré par l’ensemble des « forces vives » de trois départements, peut s’enorgueillir d’un bilan d’activités exceptionnel.

En revanche il n’est pas totalement avéré que les performances environnementales, si vantées aujourd’hui, aient toujours été dans le passé à hauteur des enjeux que fait émerger pareil site.

Une nouvelle station d’épuration des eaux usées industrielles en 2003

A preuve la refonte de la station d’épuration du Parc industriel de la Plaine de l’Ain, intervenue en avril 2003 :

« 1,45 millions d’euros d’investissement pour une station d’épuration encore plus performante

« La certification ISO 14001 et le label EMAS (Environmental Management Audit System), que le Parc Industriel de la Plaine de l’Ain fut le premier en Europe à obtenir dans sa catégorie, ne constituent pas seulement la reconnaissance du travail accompli. Ils représentent surtout un engagement pour l’avenir. Un avenir que le Syndicat Mixte de la Plaine de l’Ain prépare activement, en réalisant notamment d’importants investissements pour optimiser le fonctionnement de la station d’épuration des eaux.

« En matière de protection de l’environnement comme dans tant d’autres domaines, l’union fait la force. (sic).

« Surtout lorsqu’il s’agit d’une installation aussi indispensable et coûteuse qu’une station d’épuration d’eaux industrielles.

« Aussi le Parc Industriel de la Plaine de l’Ain s’est-il dès sa création équipé d’une station commune à laquelle toute société implantée peut être raccordée.

« Tout le monde y gagne : les entreprises qui, grâce au coût d’exploitation partagé, voient leur investissement réduit et bien sûr... l’environnement.

« Les dernières analyses le prouvent : le traitement réalisé par la station est très efficace.

« Mais ces performances, aussi satisfaisantes soient-elles, devaient encore être améliorées, d’autant que la réglementation impose de nouveaux rendements opératoires, très exigeants.

« En outre, la station, d’une capacité de 15 000 équivalents/habitant
à l’origine, atteignait ses limites.

« Le Parc Industriel de la Plaine de l’Ain entrant dans une nouvelle étape de son développement, il fallait voir plus grand et en profiter pour optimiser son fonctionnement.

« Un budget de 1,45 million d’euros (financé par les industriels, l‘Agence de l’Eau et le SMPA) vient ainsi d’être engagé.

« Les travaux permettront d’obtenir l’autorisation de traiter 40 000 équivalents/habitant, par la modernisation de certains équipements (postes de relevage et bassins de pré-traitement notamment) et l’adjonction de deux bassins de lissage de 3000 m3 chacun.

“Ces réalisations, souligne Claudine Lacôte, ingénieur en Prévention des risques industriels, permettront d’allonger le temps de traitement des effluents et donc, d’améliorer le rendement de l’épuration.”

« Des travaux ont en outre été réalisés afin de traiter les odeurs. Testée courant mars 2003, la nouvelle station d’épuration du Parc Industriel de la Plaine de l’Ain devrait être pleinement opérationnelle à la fin du mois d’avril. »

Tredi : « les gardiens de l’environnement »

Dans cet environnement à haut risque, puisque plusieurs implantations du site sont classés « Seveso 2 », la présentation de l’usine Séché-Tredi de Saint-Vulbas, adorable village de 800 âmes, dont la mairie décline sur son site internetune vision élégiaque (sur fond des tours de la centrale nucléaire de Bugey, toute proche), se veut rassurante.

Evidemment.

« Composante du Groupe Séché Environnement - l’un des leaders français du traitement et du stockage de déchets (1580 personnes, pour un chiffre d’affaires 2005 de plus de 337 M d’euros) – le Centre Tredi de Saint-Vulbas est spécialisé dans l’élimination des déchets organohalogénés et l’un des rares au monde à maîtriser l’art de décontaminer les appareils souillés aux PCB.


« Conséquence du développement économique et de l’évolution des modes de consommation : le volume des déchets engendré par l’activité humaine ne cesse d’augmenter.

« La France - hors agriculture et sylviculture - produit à elle seule quelques 251,6 millions de tonnes de résidus chaque année (source : Ademe - Ifen).

« Sur ce total, 106 Mt sont générées par les entreprises, 31,4 Mt par les ménages, et 14 Mt par les collectivités (+100 Mt par les mines, carrières et chantiers du BTP et 0,2 Mt par les activités de soins) : un gisement pour Séché Environnement qui, en quelques années, s’est imposé comme l’un des opérateurs majeurs du traitement des déchets.



« Fondé en 1981, le Groupe mayennais s’est d’abord attaché à faire du stockage de déchets ultimes un métier régi par des critères de sécurité stricts.

« L’obtention, en 1996, de la première certification environnementale ISO 14001 au monde dans son domaine d’activité est venue couronner ces efforts.

« Il s’est ensuite développé afin de contrôler l’amont de son activité historique. Après l’acquisition d’Alcor, en 2001, celle de Trédi, conclue en juillet 2002, a permis à Séché Environnement de compléter sa gamme d’outils de traitement et de renforcer son offre à la clientèle industrielle.


« Aujourd’hui, Séché Environnement dispose ainsi, sur tout le territoire national, d’un outil industriel complet et diversifié, qui lui permet de pouvoir assurer l’ensemble des étapes du traitement de tous types de déchets (hors déchets radioactifs), depuis la logistique amont jusqu’au stockage ultime, en passant par la valorisation matière, la valorisation énergétique ou la réhabilitation de site.



« Avec l’usine de Trédi implantée sur la Plaine de l’Ain, le groupe dispose d’un équipement de pointe, spécialisé dans le traitement de déchets organohalogénés et, notamment, des PCB (polychlorobiphényles) et des solides souillés aux PCB.

« S’appuyant sur une équipe de 140 personnes dirigée par Philippe Escobar, l’entreprise traite près de 40 000 tonnes de déchets chaque année. 



Trédi Saint-Vulbas dispose de deux lignes d’incinération :

 un four rotatif d’une capacité annuelle de 24 000 tonnes,

 et un four statique, d’une capacité de 6000 t/an,

 ainsi que de neuf unités de décontamination pour les équipements souillés aux PCB.

« Le site est en outre pourvu d’un dispositif sophistiqué de traitement des fumées avant rejet contrôlé à l’atmosphère, ainsi que de systèmes de neutralisation des eaux.

"Tout ce qui entre et sort de l’usine est rigoureusement contrôlé, assure Claudine Lacôte, Responsable de la Communication de l’entreprise.

La législation encadrant notre activité est déjà extrêmement contraignante. Mais, dans certains domaines comme la surveillance de la santé, nous nous sommes imposés des exigences supérieures à celles prévues par la réglementation." 


C’est dans cet esprit de rigueur et de transparence que la Direction de Trédi Saint-Vulbas s’est associée à la campagne d’information sur le risque industriel récemment engagée, à destination des populations riveraines, par certaines entreprises de la Plaine de l’Ain. »

PCB et eaux de pluie

Jusqu’ici tout va bien…

Sauf que la conjonction de cette concentration exceptionnelle d’activités industrielles, notamment chimiques, en amont du Rhône, affecté par une pollution sans précédent, et des conclusions que l’on peut retirer d’une étude demeurée jusqu’ici largement confidentielle, conduit à considérer cette pollution du Rhône sous un tout autre angle.

La catastrophe est probablement en effet beaucoup plus grave que ce que l’on pouvait imaginer jusqu’à présent.

En avril 2000 à Lyon, le hasard ( ?) fait bien les choses, cinq chercheurs du Laboratoire Hydrologie et Environnement de l’Ecole pratique des Hautes études (UMR Sisyphe 7619) présentaient, aux côtés d’une ingénieure de la Direction recherche et développement du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap) les conclusions extrêmement inquiétantes d’une vaste étude, intitulée « Polluants organiques persistants (POP) : du compartiment atmosphérique aux stations d’épuration. »

Inquiétante car cette étude révélait que les fameux POPs, dont les PCB, non seulement sont présents dans l’environnement, partout en France, dans des proportions croissantes, mais qu’ils sont de surcroît disséminés dans l’environnement de manière préférentielle par… les eaux de pluie !

Constat qui éclaire singulièrement la véritable catastrophe environnementale qui affecte aujourd’hui le Rhône.

Extraits :

« (…) La gestion du problème des HAP et des PCB est une question préoccupante dans le contexte du bassin versant de la Seine (Meybeck et al., 1998) et des nouvelles dispositions réglementaires de la CEE. Ainsi, en Ile-de-France leur devenir dans l’environnement est étudié dans le cadre de différents programmes scientifiques, en collaboration avec les organismes tenus de contrôler leur niveau de présence en milieu urbain (LHVP, SIAAP, Ville de Paris).

« En milieu urbain, les sources de dispersion et de production communes aux HAP et PCB sont les pertes de produits pétroliers ou de fluides industriels qui transitent par le réseau d’assainissement avec le ruissellement et surtout les émissions atmosphériques provenant des combustions dans les moteurs thermiques et dans les incinérateurs.

« Le fonctionnement des installations de chauffage et des centrales thermiques au charbon en hiver (la région Ile-de-France comporte six installations de ce type) constitue aussi une source d’émission saisonnière de HAP. En zone rurale la production des HAP peut avoir lieu lors de la combustions du bois (notamment feu de forêt) tandis que l’introduction des PCB dans l’environnement peut se poursuivre avec l’émission par volatilisation, au niveau de décharges et de sols antérieurement contaminées par fuite ou épandages de matériaux eux même contaminés.

« Le transport et la diffusion atmosphérique des POP dans la phase vapeur et sur les aérosols particulaires peuvent être transfrontaliers. Les retombées particulaires de temps sec et des dépôts humides (eau et particules) peuvent se répartir de l’échelle locale jusqu’à l’échelle globale dans des milieux dits « éloignés ».

« Bien que les usages dispersifs de PCB soient interdits depuis 1976, soit 25 ans, et que leur autorisation d’emploi soit limitée depuis 1986 à un nombre de plus en plus restreint d’anciennes installations électriques(transformateurs) en état de fonctionnement, ces organochlorés sont malgré tout omniprésents dans notre environnement du fait de leur très importante stabilité physico-chimique et de la dispersion accidentelle de résidus de fluides industriels.

« Les PCB poursuivent actuellement leur introduction dans l’environnement à partir de déchets urbains : condensateurs, résines, matières plastiques etc…qui en décharge ou incinérés relarguent encore des PCB qui se volatilisent dans l’environnement par le biais des retombées atmosphériques.

Ainsi, l’essentiel du volume produit à l’échelle mondiale serait encore en service stocké, ou en décharge et pourrait encore aboutir dans l’environnement. Ce volume doit être répertorié dans le cadre du programme pour l’environnement des Nations Unies.

L’étude du cycle des PCB à travers différents milieux montre que des concentrations dans l’air ambiant égales ou inférieures à 1 ng/m3 entraînent des concentrations dans les eaux de pluie équivalentes, voire supérieures à celles des eaux de surface (de quelques dizaines à une centaine de ng/l pour le total de 7 congénères).

Echantillonnage et méthodologie

« L’étude initialisée en 1998 avec le programme Piren Seine traite des apports de POP en milieu urbain par les retombées atmosphériques et de leur impact sur la qualité des eaux usées.
(…)

« L’origine de la variabilité des concentrations en PCB dans les retombées atmosphériques totales est plus difficile à préciser que pour les HAP en raison d’un transport atmosphérique à plus grande échelle pouvant conduire à l’intégration dans les retombées totales d’apports de sources locales et de sources éloignées, ceci par phénomène de convection de l’équateur vers les zones froides (« effet sauterelle »).

Cependant la proximité et la nature des sources ponctuelles peuvent intervenir non seulement sur l’importance de la contamination des retombées mais aussi sur la proportion des congénères, comme on le constate en normalisant la composition par rapport au congénère n°153 (…).

(…)

« Ainsi, en milieu forestier au coeur du massif vosgien, à Abreschviller situé à l’écart des sources de pollution d’origine urbaine contrairement au centre de Paris, on peut observer une proportion exceptionnellement élevée de congénères 28 et 52 qui sont peu chlorés et plus volatils. Cette particularité suggère la possibilité d’apports par volatilisation à partir de décharges ou d’aires de stockage de produits contaminées. Compte tenu de la présence de tels sites à la fois à l’est et au sud est de la France en région Rhone Alpes, il n’est pas possible de préciser s’il s’agit du fait de sources relativement proches en plaine d’Alsace ou d’apports véhiculés par des masses d’air remontant le sillon rhodanien.

(…) La zone d’influence des activités urbaines et industrielles de l’agglomération parisienne sur des milieux agricoles ou forestiers, a été abordée par l’étude des flux atmosphériques sur la transversale allant de l’Ile d’Ouessant au Massif Vosgien (…).

(…)

« Au contraire, les concentrations en PCB sur le littoral n’ont pas été beaucoup plus faibles qu’en milieu continental, ce qui indique une pollution à l’échelle globale plus diffuse que pour les HAP. Ainsi, la variabilité spatiale des flux annuels de PCB qui s’exprime dans un rapport de l’ordre de 1 à 3 en milieu continental est plus faible que celle des HAP. Les flux atmosphériques annuels des 7 PCB sont évalués à environ 0,12 g/ha à Pleumeur-Bodou (22), 0,32 g/ha à Paris (75), 0,7 g/ha à Coulommiers (77), 0,17 g/ha au Lac du Der (52) et 0,44 g/ha Abreschviller (57).

Il est surprenant d’observer que les retombées sont maximales à Abreschviller ; cela résulte de la combinaison d’une pluviométrie importante 1614 mm contre 821 mm à Paris avec des concentrations souvent aussi élevées qu’à Paris, exception faite de 3 pointes de pollutions d’une centaine de ng/l enregistrées en mars avril 2000.

« Une estimation des apports annuels de POP sur le bassin versant de la Marne a été établie sur la base des apports annuels calculés pour trois stations (Paris, Coulommiers, Lac du Der) et d’une occupation du sol comportant 76 % de zone rurale, 10 % de zone urbaine et 14 % de zone périurbaine. Dans ces conditions, les flux annuels atmosphériques de HAP et de PCB sont d’environ 370 et 260 kg respectivement.

Eaux usées arrivant en station d’épuration

« En matière de gestion de l’assainissement urbain en réseau unitaire, la succession des épisodes de temps sec et des épisodes de temps de pluie peut avoir des conséquences importantes non seulement sur les volumes d’eau à traiter mais aussi sur la contamination en POP des eaux usées parvenant aux stations d’épuration (STEP).

L’impact des précipitations sur les concentrations en HAP et PCB des eaux usées a été mis en évidence au niveau des différents émissaires parvenant à la station d’épuration Seine Aval (…).

Elle est la principale STEP de l’agglomération parisienne avec une capacité de traitement journalière de 2,1 millions de m3 d’eaux usées.

(…)

« Concernant les PCB (Σ7 PCB), en mars, nous n’avons relevé aucune différence de concentration relative aux conditions météorologiques. Les écarts de concentration entre les émissaires d’entrée étaient alors plus importants (30 à 180 ng/l). Contrairement aux HAP, les valeurs observées en septembre (20 à 50 ng L-1) sont globalement plus faibles qu’en mars.

« Par contre, lors de l’épisode pluvieux du 13-14 septembre, les concentrations en PCB déterminées à chaque émissaire sont comme pour les HAP de 2 à 2,5 fois plus élevées que par temps sec. L’augmentation de pollution semble surtout résulter d’un enrichissement en composés moins chlorés (3 à 4 atomes) et la composition en congénères se rapproche de celle des retombées atmosphériques totales simultanément collectées à Paris.

Connaissant la concentration en PCB (Σ7 PCB) des retombées atmosphériques du 13-14 septembre (60 ng.L-1) et l’augmentation du débit d’eaux usées à l’entrée de station, on peut estimer la contribution de la pluie à 50% du flux de PCB entrant dans la station. Une forte contribution atmosphérique à la pollution des eaux usées lors des épisodes de temps de pluie est ainsi établie.

« Notre étude montre que les voies d’apport des HAP et des PCB sont différentes malgré l’existence de sources communes et d’une analogie entre leurs propriétés physico-chimiques. L’étude de la contamination des eaux usées par les HAP et les PCB a montré que les apports de temps de pluie pouvaient avoir un impact important sur leur qualité. Cependant, la reprise sur la chaussée des dépôts secs de HAP semble avoir un impact plus important que pour les organochlorés. Les PCB sont en effet majoritairement transportés sous forme vapeur dans l’air ambiant et principalement apportés lors les pluies ; la contribution des dépôts particulaires de temps sec est moins importante que pour les HAP.

« En terme de gestion des eaux usées, ce sont pourtant les PCB qui risquent de poser le plus de problème d’ordre économique, en raison de leur plus forte stabilité physico-chimique et de leur résistance à la dégradation microbienne au cours du traitement biologique. Lors de ces traitements, les deux catégories de POP se trouvent en effet adsorbées par les boues fraîches, et concentrées dans les boues déshydratées destinées aux amendements agricoles. L’analyse des données du SIAAP et du LHE sur le suivi des POP à la STEP Seine Aval montre que des problèmes de gestion en matière de qualité de rejet risquent de se poser davantage pour les boues que pour les effluents.

(…)

Conclusion

« Les concentrations en HAP et PCB dans les retombées atmosphériques totales présentent des variations spatiales et saisonnières plus ou moins marquées suivant la famille de molécules. Pour les HAP, avec une forte contribution anthropique (chauffage, trafic automobile, industries, …), les concentrations à Paris sont 5 à 15 fois supérieures à celles des stations du littoral, tandis que les concentrations en PCB sont moins variables suivant le lieu. Les HAP fluctuent avec un cycle saisonnier qui n’est pas observé avec les PCB. Par ailleurs les eaux de pluies d’Abreschviller présentent une contamination inattendue en PCB pour un site forestier isolé, ce qui entraîne, en conjugaison à une très forte pluviométrie, un flux annuel supérieur à celui de la région parisienne.

Le transfert atmosphérique des polluants a été très longtemps négligé. Or il s’avère que ce mode de contamination n’épargne aucune région, le transport s’effectuant de l’échelle locale à l’échelle régionale voire transrégionale. Au niveau des grandes agglomérations les retombées atmosphériques peuvent avoir un impact significatif sur la qualité des eaux usées en plus du phénomène de ruissellement qui entraîne aussi des micropolluants. Dans ce contexte, l’étude de la qualité des apports atmosphériques et des sources diffuses de POP est complémentaire de celles effectuées dans le cadre des activités de potabilisation ou d’assainissement en milieu urbain.

Questions

 La recherche des origines de la catastrophique pollution de centaines de milliers de tonnes de sédiments du Rhône par les PCB peut-elle se borner à étudier si l’usine Séché-Tredi de Saint-Vulbas applique ou non les normes de rejet aujourd’hui en vigueur ?

 L’engagement des autorités à aboutir dans un avenir proche à « zéro rejet » de PCB dans le fleuve n’est-il pas l’arbre qui cache la forêt ?

 La « relocalisation » dans le courant des années 70 d’une part notable des activités industrielles du « couloir de la chmie » rhône-alpin dans la Plaine de l’Ain peut-elle être corrélée à ce désastre écologique, eu égard aux conclusions de l’étude ci-dessus qui atteste d’une diffusion massive des PCB dans l’environnement, par le biais d’un « relarguage » dont le vecteur sont les eaux de pluie ?

La question sera-t-elle posée ?

La contribution postée par un internaute originaire de la région, dans le forum du site Rue 89, le 1er septembre 2007, y invite :

« Inaugurée en grande pompe par Mme Giscard d’Estaing il y a une trentaine d’années, l’usine Tredi de Saint-Vulbas a toujours "impunément" pollué.

A 60 kilomètres de la préfecture de Bourg-en-Bresse, à 5 kilomètres de la centrale nucléaire de Bugey.

Je suis natif de Loyettes, écoeuré du silence de nos élus, maires, conseillers généraux et régionaux. Le député De la Verpillère, succédant à son père à Lagnieu à moins de 10 kilomètres, ne peut rien ignorer de ces problèmes.

L’a-t-il évoqué à l’Assemblée ?

Le bassin formé par le Rhône et l’Ain constitue une des plus grandes nappes phréatiques de la région : Tredi est en plein milieu !


Mais du Pyralène, depuis que ses propriétés isolantes ont été connues, il en fut utilisé à profusion dans les transformateurs, les disjoncteurs, de beaucoup de fabricants de ces matériels.

En vrac : usine Alstom La Savoisienne à Aix-les-bains (liaisons du lac du Bourget avec le Haut-Rhône par le canal de Saviere).

Plus bas : Alstom, anciennement Delle-Alstom à Villeurbanne.

Le fabricant de transformateurs Jeumont-Schneider à Lyon : un gros transformateur pouvait contenir jusqu’à plusieurs tonnes de PCB, remplacé suite à son interdiction par de l’huile minérale.

Ensuite, plus bas, l’Isère se jette dans le Rhône, en amont de Valence, et l’Isère à Grenoble borde l’usine Schneider, ex Merlin-Gerin, également très gros utilisateur de PCB.


Jusqu’à la raffinerie Esso de Fos sur mer qui utilisait du Pyralène dans les « pots » des transmetteurs de régulation…

Tredi n’est peut-être pas le seul coupable de déversements massifs de ce mortel produit.

Au fait, qui fabriquait le Pyralène/PCB/Askarel ?

Qu’est-il advenu des stocks excédentaires ? »

A suivre.

Lire :

Le Rhône pollué par les PCB : un Tchernobyl français ?

Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 14 août 2007.

Pollution du Rhône : 10 questions sur un désastre écologique majeur.

Les eaux glacées du calcul égoïste, 23 août 2007.

« Le Rhône interdit : il est pollué jusqu’à la Méditerranée »

Le Nouvel observateur, 23 août 2007.

Le « couloir de la chimie » sur la sellette

Les eaux glacées du calcul égoïste, 28 août 2007.

Pollution au PCB : après le Rhône en France, la Suisse découvre à son tour l’ampleur de la contamination.

Carnets d’eau – Le Monde Diplomatique, 30 août 2007.

Le pyralène, poison des poissons du Rhône

Rue 89, 1er septembre 2007.

Pollution du Rhône : la video qui accuse

Les eaux glacées du calcul égoïste, 20 septembre 2007.

Pollution du Rhône : questions sans réponses

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 septembre 2007.

Marc Laimé - eauxglacees.com