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Pour le Figaro, Suez et Veolia comptent au rang des plus grands prédateurs financiers de la planète

7 août 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Quand la planète financière s’affole, la vérité finit par sortir du puits. Pour une rupture, c’est une rupture, l’organe central de la bourgeoisie française, dont les détenteurs de « pertefeuilles » paniquent au vu de la crise générée par la bulle immobilière américaine, recommande vivement à nos amis boursiers de miser sur les « valeurs sûres », ces sociétés en « situation oligopolistique » qui ont le pouvoir de « répercuter une hausse des coûts sur leur prix de vente », au premier rang desquelles Suez et Veolia. Si c’est Le Figaro qui le dit…



Quand on se souvient du déluge d’anathèmes que déversent depuis des années les grandes entreprises du secteur de l’eau sur leurs contradicteurs : « Vous racontez n’importe quoi, vous n’y connaissez rien, nous exerçons une mission de service public, nous sommes totalement transparents…, l’eau paie l’eau… », l’aveu vaut son pesant de moutarde !

Ne voilà-t-y pas que l’organe central de la bourgeoisie hexagonale casse le morceau en plein mois d’août.

Les détenteurs de « pertefeuilles » sont au bord de l’apoplexie ? Les portables explosent dans les résidences huppées de 22 pièces avec jacuzzi et salle de cinéma, les yachts reviennent plein gaz vers la terre ferme, histoire d’essayer de sauver les meubles s’il en est encore temps ?

Pas de panique, amis de la finance, des stock-options, des LBO et autres dérivés à haut risque.

Si « le marché du crédit ne s’autorégule plus », M. Christophe Donay, responsable de la stratégie chez Kepler Equities, vous conseille, dans les pages boursières du Figaro du 7 août 2007, de « miser sur les secteurs dont la croissance paraît la plus sécurisée. »

On vous le donne en mille (et gratuitement), c’est quoi ces valeurs miracles ?

(…) « Pendant la période de trouble, il vaut mieux éviter les secteurs de l’assurance et de la banque, bien trop proches des marchés de dettes et de taux. Les valeurs défensives peuvent prendre le relais à court terme, mais ce ne sont pas celles qui vont tirer le marché à la hausse.

Il faut miser sur les secteurs dont la croissance des profits paraît la plus sécurisée. C’est-à-dire les entreprises qui ont le pouvoir de répercuter une hausse des coûts sur leur prix de vente : le « pricing power ».

Les services aux collectivités (Suez, Veolia) en situation oligopolistique et assurés d’une demande forte en eau potable entrent dans cette catégorie.

De même, les produits de luxe assurent la croissance des profits de groupes comme Porsche, LVMH ou Hermès... Enfin, dans certains secteurs, l’offre demeure insuffisante par rapport à la demande. Les raffineurs de pétrole dont les capacités restent limitées alors que la demande tirée par la croissance mondiale ne cesse d’augmenter bénéficient de cet avantage. À l’opposé, les opérateurs télécoms, qui se trouvent dans un marché concurrentiel, sont à éviter. »

Nous vivons décidément une formidable ère nouvelle. Le Figaro nous confie benoîtement qu’à rebours des affirmations catégoriques des intéressés, Suez et Veolia peuvent répercuter comme bon leur semble, eu égard à leur situation oligopolistique et à leur assurance de maîtriser, jusqu’à plus soif, une demande forte en eau potable, une hausse des coûts sur leur prix de vente…

Et notez bien que l’ami Christophe Donay insiste sur le fait qu’il faille surtout éviter « les opérateurs télécoms, qui se trouvent dans un marché concurrentiel ! »

Ite missa est.

Merci Le Figaro.

Va falloir rappeler d’urgence les services de com de Suez et Veolia pour apaiser les remous…

L’optimisme conquérant de Veolia

On comprend mieux à cette aune que le président de Veolia, M. Henri Proglio, ait pu affirmer dans une interview accordée à "La Tribune" le lundi 2 avril 2007, que « Veolia doublera de taille dans dix ans »…

Confirmant ses ambitions à l’international le P-DG du groupe affirmait de surcroît demeurer confiant sur le renouvellement du contrat des eaux d’Ile-de-France.

"Notre plan stratégique nous amènera à doubler de taille d’ici à dix ans" affirmait-il, précisant miser avant tout sur la croissance organique du groupe. Veolia ne s’interdit pas pour autant de regarder à l’international "si l’opportunité se présentait" même "ce n’est pas indispensable". Par ailleurs, si Suez n’est pas à vendre, il intéresse toujours le groupe Veolia Environnement.

Selon lui, 4 types de nouveaux entrants émergent désormais dans son secteur. En Europe, "les concurrents de demain, les plus agressifs viennent d’Espagne. Des groupes, au départ de BTP, comme ACS Dragados ou FCC, qui commencent à se développer à l’international".

Le deuxième type d’acteurs sont les fonds d’investissement, notamment d’infrastructures, qui pour certains souhaiteront peut-être rester dans ce métier.

Le troisième type de nouvel entrant sont les grandes régies municipales, comme les italiennes, ou les entreprises publiques allemandes, un pays où le premier opérateur privé vient d’être repris par 3 régies détenues par des collectivités locales.

Enfin, les industriels, équipementiers comme General Electric ou Siemens, souhaitent se développer sur ce secteur bien au-delà de leur d’origine.

Mais au-delà de ces nouveaux entrants, M. Proglio soulignait que "notre principal concurrent, c’est le client lui-même, la régie municipale ou le groupe industriel".

Le retour de certains services au profit de régies municipales est une éventualité par exemple à Paris.

Mais le patron du géant français se disait confiant sur le renouvellement du contrat de production d’eau avec le Syndicat des eaux d’Ile-de-France.

Après la lecture matitutinale du Figaro, on comprend mieux son optimisme…

Veolia acquière une partie des activités de Thames Water

Veolia Environnement annonçait de fait le jeudi 9 aout 2007 avoir signé un accord en vue de l’acquisition de plusieurs activités du groupe britannique de distribution d’eau Thames Water pour environ 115 millions d’euros

L’opération, qui concerne des activités non régulées (non soumises au contrôle de l’Ofwat, le régulateur de l’industrie de l’eau britannique) de Thames Water, est réalisée par Veolia Water UK, une filiale britannique de Veolia Eau, la division "eau" de Veolia Environnement.

La transaction devrait être finalisée d’ici la fin de l’année, selon une porte-parole de Veolia Eau, interrogée par l’AFP.

Les activités achetées concernent la prestation de services et la gestion d’actifs dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, précisait Veolia.

Selon le groupe, "elles devraient générer un chiffre d’affaires d’environ 160 millions d’euros en 2008, première année pleine".
"Cette acquisition offre à Veolia Eau de belles opportunités de croissance au Royaume-Uni et en République d’Irlande", a expliqué Antoine Frérot, directeur général de Veolia Eau, cité dans le communiqué.

Veolia, qui multiplie les acquisitions depuis un an, avait annoncé en juin dernier qu’il avait plusieurs cibles dans le domaine de l’eau.

Les profits de Suez au soleil cannois

Pour ce qui est de Suez, et pour ne pas faire de jaloux, on renverra à la lecture de l’enquête publiée sur Marianne en ligne le 6 août 2007, par Alain Léauthier, « Cannes : la politique par les affaires » qui narre par le menu les frasques habituelles de nos sociétés oligopolistiques. Rien de nouveau sous le soleil, toujours les mêmes bonnes vieilles recettes :

« (…) Marianne a pu se procurer le compte-rendu de l’enquête effectuée par le Commandant de police Pierre Haren de la Division économique et financière de la PJ sur l’affaire. L’officier de police y fait état d’un mail adressé par la responsable de la subdivision « Eau Assainissement Qualité des Eaux Littorales » à son supérieur hiérarchique, Georges Argivier :

« J’ai relu le courrier du Préfet à M.Leroy concernant le projet de Cannes sur le STEP. C’est grave qu’il nous ait impliqué de cette façon, alors que notre fax retour indiquait le contraire. De plus, nous n’avons pas eu un seul dossier sur le projet entre les mains (…) De toute façon, nous n’étions et ne pouvions être favorable (à ce projet) dans la mesure où ces travaux ne répondent pas aux normes européennes et ne permettent pas de délivrer un arrêté d’autorisation de rejet. Cette implication (fausse) nous place en mauvaise posture puisqu’elle est contraire à notre mission de police de l’eau ».

Le technicien de la DDE réitèrera d’ailleurs les réserves de son service lors d’une réunion où une majorité de participants (dont le sous-préfet de Grasse) approuveront néanmoins la procédure du marché négocié sans mise en concurrence, au prétexte de « l’exclusivité technique » de la Lyonnaise des Eaux.

Thèse qui n’a guère convaincu le Commandant Pierre Haren : « si la technologie de l’assainissement est complexe, note-t-il dans son rapport, « plusieurs grands groupes maîtrisent parfaitement sa mise en œuvre (Véolia, Bouygues…).

Aurait-on donc fait une faveur à la Lyonnaise ? Le policier ne le dit pas explicitement mais, écrit-il, la Lyonnaise des Eaux n’a semble-t-il pas besoin de cadeaux ».

Et de citer, à l’appui de cette phrase sibylline, les conclusions d’un rapport financier effectué par le cabinet BME Audit et Conseil sur l’assainissement des huit communes concernées.

Au chapitre des charges dites « garanties de renouvellement », l’audit constate que « ces charges calculées sont injustifiées et riches de « super profits » pour les délégataires (la Lyonnaise, nldr), la Ville de Cannes ayant notamment vu, sur les trois années 2000 à 2002, trois fois plus de « garantie renouvellement » inscrites en charges calculées que de dépenses de renouvellement effectivement exécutées, ce qui représente tout de même près de 2,6 millions d’euros et aurait largement financé les travaux d’urgence du 23 février 2004 (ceux de la station d’épuration, ndlr)… ».

Marc Laimé - eauxglacees.com