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Le dessalement de l’eau de mer grâce à l’énergie nucléaire existe déjà…

2 août 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Contrairement à ce qu’ont affirmé en chœur l’ensemble des medias, critiquant l’annonce d’un projet franco-lybien de construction d’une usine de dessalement alimentée en énergie par un réacteur nucléaire, en soulignant que cette technologie n’était déployée nulle part ailleurs dans le monde, une unité de dessalement implantée à Aktau, au Kazakhstan, fonctionne ainsi depuis 1973.



Stupéfaction à l’issue de trop brèves vacances. La quasi-totalité des medias français se sont gaussés de l’annonce d’un projet de construction d’une unité de dessalement de l’eau de mer en Lybie, qui serait alimentée par un réacteur nucléaire. On conçoit qu’Areva et Suez aient pu se frotter les mains. On conçoit moins que pareille contre vérité ait pu aussi aisément emporter l’adhésion de l’ensemble des medias dits d’information. Quoique à force on s’habitue…

L’amusant étant que cette information ait été publiée sur ce site en novembre 2006. Camarades rédacteurs encore un effort…

En matière de dessalement de l’eau de mer, un procédé qui connaît actuellement un boom fantastique, deux types de technologies ont successivement été mises au point.

La distillation consiste à faire évaporer l’eau. Généralement couplées à des centrales électriques, les unités de ce type qui ont été construites sont des usines énormes, concues pour d’importantes capacités. Aussi ne sont-elles rentables qu’avec une énergie très bon marché. Ce qui explique qu’elles aient d’abord été implantées dans les pétro-monarchies du Golfe arabo-persique.

Un second procédé a été développé depuis une vingtaine d’années. Il repose sur l’utilisation de membranes, filtres très fins qui retiennent toutes les impuretés et le sel, d’où la dénomination des procédés par nano-filtration ou osmose inverse. Ces procédés sont onéreux, et posent encore des problèmes de reminéralisation.

Mais le dessalement est loin d’être une panacée. L’eau potable obtenue à partir de l’eau de mer, sous réserve qu’elle ne soit pas polluée par les hydrocarbures, demeure chère et grosse consommatrice d’énergie, fournie par des centrales électriques qui rejettent des gaz à effet de serre. Ceux-ci contribuent aux changements climatiques et agissent sur le cycle biologique naturel. Sans compter que la production d’un litre de fuel consomme elle-même une vingtaine de litres d’eau. Par ailleurs chaque litre d’eau produit par dessalement d’eau de mer produit un litre de saumure, solution concentrée de sels minéraux divers et de matières organiques. Si cette saumure n’est pas fortement diluée avant rejet en mer, elle y provoque la croissance de dangereuses colonies d’algues.

Au total nombre d’experts considèrent que cette technologie ne deviendra bon marché que quand elle adoptera l’énergie nucléaire, qui fournira à la fois les kilowattheures nécessaires à la production de l’eau et de l’électricité. C’est déjà le cas avec le réacteur d’Aktau, au Kazakhstan, qui fonctionne ainsi depuis 1973.

Mais ces procédés se développent néanmoins très rapidement, puisque près de 35 millions de m3 d’eau douce sont produits chaque jour par 12 000 installations, à partir des mers et des océans, soit 0,3% de l’eau consommée sur la planète. Au rythme actuel, qui enregistre un doublement de la production tous les 10 ans, les spécialistes estiment que cette production grimpera à 60 millions de m3 par jour en 2010. Et pourrait à nouveau doubler d’ici à 2025. La désalinisation ne concerne plus seulement les riches et désertiques Etats du Golfe, où fonctionnent les plus importantes installations. L’usine de l’émirat de Fajairah fournit ainsi chaque jour 450 000 m3, de quoi approvisionner, par exemple, les 3/4 des Parisiens.

On apprenait ainsi le 26 décembre 2005 que Veolia Eau démarrait l’exploitation de la plus grande usine au monde de dessalement d’eau de mer par osmose inverse, à Ashkelon, en Israël. Avec une capacité de production de 320.000 m3 d’eau potable par jour (soit 108 millions de m3 par an), il s’agit de la plus grande usine de dessalement au monde utilisant la technologie membranaire d’osmose inverse. L’usine, réalisée par Veolia Eau Solutions & Technologies et ses partenaires israéliens, est composée de deux unités parallèles pouvant produire chacune 54 millions de m3 par an (à titre indicatif, 108 millions de m3 représentent la consommation de 1,4 million habitants pendant un an). La première tranche produit de l’eau potable depuis fin septembre 2005, tandis que la seconde tranche, en phase de réception, devait être opérationnelle à la fin du mois de décembre 2005. Le contrat, d’une durée de 25 ans, avait été attribué en septembre 2001 à Veolia Eau et ses partenaires israéliens à la suite d’un appel d’offres international lancé par le gouvernement israélien. Il porte sur le financement, la construction et l’exploitation de l’usine de dessalement et représente, pour le consortium, un chiffre d’affaires total cumulé d’environ 1,5 milliard d’euros sur la période (dont environ 400 millions d’euros revenant à la société d’exploitation contrôlée par Veolia Eau).

Les solutions de dessalement essaiment en fait déjà, en dépît de leur coût et de leurs inconvénients pour l’environnement, tout autour de la Méditerranée.

L’Algérie et l’Espagne ont clairement opté pour cette réponse pour résoudre leur problème de pénurie. L’Algérie construit une installation qui produira 1,8 million de m3 par jour, et d’ici quelques années l’alimentation d’Alger proviendra presque exclusivement de la mer.

En Espagne les premières unités ont été installées dès les années 80 aux Canaries. Palma de Majorque s’est dotée de 3 usines, dont la plus importante fournit 68 000 m3 d’eau par jour. De quoi alimenter une dizaine de millions de touristes et une vingtaine de golfs. Et 2 autres usines vont être construites à Palma et à Ibiza. Sur la côte espagnole, l’usine de Carboneras, près d’Almeria, la plus grande d’Europe, avec 120 000 m3 par jour, alimente à la fois l’agriculture et le tourisme. Au total, d’ici 5 ans, l’Espagne pourrait produire au moins 1,7 million de m3 par jour, sur une quinzaine d’installations. Sans compter une usine gigantesque à Barcelone, qui devrait fournir à elle seule 200 000 m3 par jour pour satisfaire aux besoins de l’agglomération.

L’Espagne est déjà au 5ème rang mondial pour le recours au dessalement, avec plus de 900 unités en fonctionnement, derrière les Etats-Unis ou le Koweit. La tendance est la même en Italie (11ème rang mondial) et en Grèce.

Dans le nord de l’Europe, la Belgique étudie l’implantation de plusieurs unités. En Angleterre, la Thames Water Authority, qui gère l’alimentation du Grand Londres, projette la construction d’une usine qui traiterait l’eau saumâtre de la Tamise, avec pour objectif une production journalière de 150 000 m3, permettant d’alimenter 900 000 personnes.

L’Allemagne et les Pays-Bas ont déjà eux aussi construit quelques installations.

En France enfin quelques régions songent à s’équiper, notamment sur la facade Atlantique, victime de sécheresses chroniques.

Reste que si les nouveaux systêmes de filtration de l’eau de mer par des membranes ont permis d’en abaisser le coût, la technologie de dessalement reste chère, aux alentours de 0,50 centimes d’euros par m3. Elle restera donc hors d’atteinte de nombreux pays du Sud, ceux-là mêmes qui en auraient le plus besoin.

Marc Laimé - eauxglacees.com