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Guerre de l’eau en Bretagne (8) : nouvelles tensions entre agriculteurs et défenseurs de l’environnement

7 août 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Lors d’une visite dans une exploitation agricole dédiée au porc et au lait, le ministre de l’Agriculture, M. Michel Barnier, tentait le 20 juillet dernier de convaincre les agriculteurs bretons de la nécessité impérieuse de se mettre en conformité avant la fin du mois de septembre 2007 avec la directive européenne sur la qualité des eaux, sous peine d’une forte amende.
Dans le même temps agriculteurs et écologistes s’affrontent à nouveau autour d’un gigantesque projet de transfert de lisier de la région de Vitré vers celle de Rennes…



La Commission a donné à la France jusqu’à la fin septembre 2007 pour se mettre en conformité avec la directive européenne de 1975 qui limite à 50 mg/l le taux de nitrate dans l’eau, sous peine de transmettre le dossier à la Cour de justice européenne.

Neuf bassins versants bretons ne sont toujours pas en conformité avec cette directive.


M. Barnier soulignait que "le fil de la discussion avec Bruxelles était très ténu" et qu’il se devait de rétablir une "double confiance" : avec la Commission et avec les agriculteurs sur le terrain.


La soixantaine d’agriculteurs présents sur l’exploitation lors de la visite du ministre lui faisaient part d’"un gros malaise" face à cette pression européenne.


Bruxelles a saisi le 27 juin dernier la Cour de justice européenne pour lui demander d’infliger à la France une lourde amende en raison de la pollution par les nitrates de sources d’eau potable en Bretagne. La Commission européenne a recommandé une amende de plus de 28 millions d’euros, assortie d’astreintes journalières de 117 882 euros.


Le contentieux remonte à 1992, quand l’association écologiste Eau et Rivières de Bretagne avait dénoncé dans une lettre à la Commission européenne la violation d’une directive de 1975, en raison de nombreux captages d’eau superficielle destinés à l’eau potable.

Affrontements autour d’un projet de transfert de 36000 tonnes de lisier

Mais depuis peu éleveurs de porcs et défenseurs de l’environnement s’affrontent à nouveau au sujet d’un vaste projet de transfert de fortes quantités de déjections animales (lisier) dans l’est de la Bretagne, région très sensibilisée aux problèmes de pollution des eaux.


Contenant de l’azote, baptisée plus communément nitrate, le lisier est utile jusqu’à une certaine dose pour la terre qu’il permet de fertiliser en réduisant les apports extérieurs d’engrais. Mais, à trop forte dose, il entraîne une pollution des eaux et des rivières, à l’origine en particulier du phénomène des algues vertes en été sur certaines côtes.


L’idée du Groupement d’intérêt économique (GIE) Terre Eau, regroupant 107 élevages, est de transférer 36 000 tonnes de lisier, de cantons en surcharge d’azote vers d’autres, où la teneur des sols est inférieure à la limite prescrite de 140 unités d’azote à l’hectare.


Le transfert s’effectuerait de la région de Vitré (Ille-et-Vilaine) vers celle de Rennes et concernerait une surface de 4266 hectares, répartie sur plusieurs communes de l’agglomération rennaise.

Mais le projet rencontre une forte opposition des riverains, des associations de protection de l’environnement, comme de certains élus.


Pour ceux-ci, ce projet de rééquilibrage risque d’être un remède pire que la pollution qu’il entend réduire. Pour M. Jean-Claude Haigron, maire de Vern-sur-Seiche et représentant des élus de 28 communes hostiles au projet, "c’est une aberration d’exporter par semi-remorques entiers ce lisier, ce qui amènera de nouvelles exploitations à leur niveau maximum de pollution".


"Ce qui est épandu est tout à fait équilibré pour les cultures. Nous suivons des règles d’épandage strictes, en utilisant les dernières technologies. Le projet sera accompagné par la Chambre d’agriculture et tout sera très suivi au point de vue administratif", répond le président de la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine et membre du GIE, M. Joseph Ménard. 


Fin janvier 2007, une commission d’enquête publique avait reconnu les inconvénients et les risques de pollution présentés par ce projet et rendu un avis défavorable.


En dépit de ces réserves, le Coderst (Conseil départemental de l’environnement, des risques sanitaires et technologiques), appelé à se prononcer à son tour, en préparation de l’avis préfectoral, s’est déclaré favorable au projet du GIE, le 22 mai dernier.


En attendant la décision du préfet deux visions différentes de l’agriculture s’affrontent donc.


"Les écologistes veulent que la production agricole baisse en Bretagne. Mais la conséquence sera la baisse de l’emploi et l’importation de poulets de Thaïlande ou du Brésil, des pays qui ont peu de respect pour l’environnement, le social et la qualité", estime M. Joseph Ménard.


Quant au maire de Vern-sur-Seiche, il aimerait que l’Etat "aide les agriculteurs à trouver des solution d’avenir, comme les stations de traitement collectifs, plutôt que de payer des pénalités à l’Union européenne", en raison de la pollution par les nitrates de sources d’eau potable en Bretagne.


Début juillet, M. Jean-Claude Haigron a écrit au ministre de l’Ecologie, M. Jean-Louis Borloo, pour lui demander de recevoir les élus des 28 communes opposées au projet.

Le dossier de l’eau en Bretagne :

Le site d’Ouest-France

Le blog de Ouest-France

Le site de l’association S-Eau-S

Alerte rouge sur le porc en Bretagne

Le principe « pollué-payeur » : une caricature en Loire-Bretagne

La gestion de l’eau à la française ? Un modèle déséquilibré et non durable !

Captages d’eau non-conformes : les mesures décidées par la France

22 mars : Une journée mondiale de l’eau agitée en Bretagne

Rien, ni personne, ne nous empêchera d’organiser des assemblées générales, des réunions d’information et des manifestations !

Le site d’Eau et rivières de Bretagne

Les faits marquant de 2006

Sur le conflit en cours,les communiqués de presse de 2007

Les eaux glacées du calcul égoïste

Nouvelle guerre de l’eau en Bretagne

Guerre de l’eau en Bretagne (2) : duplicités électorales françaises et risques de sanctions communautaires

Guerre de l’eau en Bretagne (3) : les écologistes manifestent le 22 mars, journée mondiale de l’eau

Guerre de l’eau en Bretagne (4) : l’heure de vérité approche

Guerre de l’eau en Bretagne (5) : le lobby agricole déraille

Guerre de l’eau en Bretagne (6) : l’insurrection des consciences

Marc Laimé - eauxglacees.com