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Veolia remporte les élections municipales à Marseille (2)

11 octobre 2013

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les nouveaux contrats de DSP pour l’eau et l’assainissement que devrait, pour l’essentiel, accorder Marseille Provence Métropole (MPM) le 25 octobre prochain à Veolia, pour une durée de quinze ans et un chiffre d’affaires global de 3 milliards d’euros, signent bel et bien la fin d’une époque. Demain Marseille ne sera plus Marseille, et la SEM ne sera plus la SEM. Elles se sont pourtant tant aimées…



(…) A la suite d’une sécheresse particulièrement sévère où un rationnement à un litre d’eau par jour fut instauré pour chacun des 160 000 habitants, et à une épidémie de choléra qui fit plusieurs milliers de victimes, le maire Maximilien Consolat, décida, en 1834, de construire un canal destiné à amener l’eau de la Durance jusqu’à Marseille.

Une loi autorisant la déviation de la Durance vers Marseille est votée en 1838. Les travaux vont durer 11 ans et le 29 novembre 1849, l’eau du canal arrive sur le plateau de Longchamp où un monument sera construit pour commémorer l’événement.

Dès le début du XXe siècle, le réseau existant s’est avéré largement insuffisant pour faire face au développement de la ville (la population de Marseille atteint 650 000 habitants en 1936). Il reste cantonné dans un rôle de distribution d’eau de voirie doublé d’un réseau fournissant parcimonieusement aux usagers domestiques une eau de piètre qualité.

La situation calamiteuse du service de l’eau a conduit le préfet nommé administrateur extraordinaire de la ville après l’incendie des Nouvelles Galeries en 1938, à confier l’étude de sa modernisation à la Société d’Etudes des Eaux de Marseille constituée à parts égales par la Compagnie Générale des Eaux et la Lyonnaise des Eaux. Un traité conclu en juillet 1941 et approuvé par décret du 29 décembre 1942 confie l’exploitation du service d’adduction et de distribution d’eau dit "Régie du Canal" à une société dénommée Société des Eaux de Marseille (SEM). »

(Extrait de la Lettre d’observations définitives de la CRC des Bouches-du-Rhône du 16 juin 2000).

L’empire du Sud

La Société des Eaux de Marseille (SEM) était depuis 1960 le « concessionnaire » (on découvrira plus avant qu’il ne s’agit pas d’une concession, mais d’un « affermage concessif », ce qui revêt une importance non négligeable pour ce qui va se passer en 2013), responsable de l’exploitation intégrale des services publics de production et de distribution d’eau à Marseille et dans ses environs.

Une société privée aux statuts hors du commun, puisque le maire de Marseille avait depuis l’origine droit de regard sur la désignation de son président, occurrence aussi pittoresque que catastrophique comme on le verra.

La SEM gérait également, à travers une de ses filiales, la SERAM, les réseaux d’assainissement de la ville. Outre Marseille, elle exploitait aussi la distribution d’eau et l’assainissement dans plus de 60 communes des Bouches-du-Rhône.

L’entreprise (détenue à l’origine à parts égales - 48,82% chacune – par la Compagnie Générale des Eaux, Veolia Environnement, et Suez-Lyonnaise des Eaux, Ondeo) employait 857 agents en 2003, et réalisait un chiffre d’affaires de 261,5 millions d’euros.

Elle était l’axe principal de l’action du Groupe Eaux de Marseille, qui représentait lui rien moins que 20 sociétés, avec plus de 150 installations, réalisant un chiffre d’affaires de 431,1 millions d’euros. Il employait ainsi au total, en 2003, 2539 salariés.

Le groupe gérait donc, outre la distribution d’eau et l’assainissement de la cité phocéenne, celle de 70 autres communes et syndicats intercommunaux de Provence. A quoi il fallait ajouter des activités dans d’autres domaines de l’environnement, de l’informatique et de l’éclairage.

La distribution de l’eau à Marseille concernait d’abord les habitants, mais aussi les industries, les agriculteurs, les bornes d’incendie, et les fontaines. L’eau distribuée provient essentiellement de la Durance, d’où elle est acheminée par le « Canal de Marseille », long de 87 kilomètres. Celle du Verdon, stockée dans la réserve de Vallon Dol, d’une contenance de 3 millions de m3, constitue une ressource complémentaire.

Le Canal de Marseille alimente ainsi cinq usines de production, dont trois sont implantées à Marseille : Sainte-Marthe, d’une capacité de 450 000 m3 par jour, Vallon Dol, 170 000 m3 par jour et Saint Barnabé, 104.000 m3 par jour. La quatrième assure l’alimentation en eau potable d’Aubagne, avec une capacité de 27 000 m3 par jour et la dernière, celle d’Allauch, a enfin, une capacité de 8000 m3 par jour. Le périmètre desservi représente ainsi 20 000 hectares.

La plus grande usine d’assainissement enterrée de France

Marseille a très longtemps, trop longtemps, purement et simplement rejeté ses eaux usées à la mer, avec le résultat qu’on connaît : des fermetures de plage à répétition tous les étés, encore aujourd’hui d’ailleurs…

Inauguré en 2007 le nouveau complexe de traitement des eaux usées de Marseille, avec 17 000 hectares desservis et près d’un million d’habitants, figure au rang de l’un des réseaux d’assainissement les plus importants de France.

Afin de positionner Marseille comme une ville performante en matière de traitement des eaux usées, le chantier Géolide visait à moderniser les installations existantes pour en faire une référence européenne.
Il s’articule autour de trois sites de traitement interconnectés et complémentaires. Une usine de traitement des boues dont la rénovation s’est achevée en 2007 (ancienne carrière de la Cayolle). Une usine de traitement physico-chimique des eaux, construite en 1987 (sous le stade Delort), qui élimine les matières en suspension présentes dans l’eau usée. Et une usine de traitement biologique des eaux, sous l’esplanade Ganay, dédiée principalement aux pollutions solubles, mais également aux matières en suspension résiduelles et aux détergents.

Mise en service en 2008, Géolide est la plus grande usine enterrée de traitement des eaux usées du monde (30 000 m²) et était destinée à traiter 90 millions de m3 d’eaux usées par an. Son fonctionnement s’inscrit, selon la SEM, dans une démarche durable de préservation des eaux de baignade et des fonds marins des Calanques de Marseille, et apporte la garantie de niveaux de rejet mieux adaptés à la faune et à la flore sous-marines de Méditerranée.

« Fondé sur un respect total et durable de l’environnement local. Géolide respectera l’objectif zéro nuisance visuelle, sonore et olfactive. »
Ce chantier phare a été confié par la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole au groupement d’entreprises Géolide, piloté par OTV France Sud (Groupe Veolia), associé à neuf partenaires régionaux.
Premier pilier du nouveau complexe Géolide, la station de traitement des boues de Marseille a également achevé son lifting en 2007. Implantée à Sormiou, sur une ancienne carrière désaffectée, cette usine des boues visait à faciliter la réhabilitation de cette zone de Calanques, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Pour ses promoteurs, Géolide était aussi un véritable exemple, tant par sa phase chantier - respect des critères « Natura 2000 » pour la faune et la flore présentes sur le site – que par celle de l’exploitation, avec un retraitement complet des eaux, la production d’énergie et la mise en oeuvre d’un séchage des boues particulièrement performant.

« Initialement construite en 1987, cette usine de traitement des boues voit aujourd’hui son processus de traitement significativement optimisé par : 4 centrifugeuses entièrement automatisées permettant une déshydratation maximale des boues ; un procédé de séchage ultra-performant installé pour réduire davantage les volumes de matières traitées à évacuer et « hygiéniser » les boues ; une canalisation de 6 km permettant d’acheminer, pour traitement, le rejet des eaux usées vers l’usine de traitement des eaux, ajoutait la SEM en 2008. »

Les travaux du complexe Géolide s’inscrivaient dans un vaste programme de mise aux normes européennes engagé par Marseille Provence Métropole en charge de la collecte et du traitement des eaux usées des 18 communes de son territoire. C’est ainsi que plusieurs stations de traitement des eaux usées, comme celles de Châteauneuf-les-Martigues, Marignane, Sausset-les-Pins/Carry-le-Rouet, de La Ciotat/Ceyreste, de Cassis, et de Marseille, à laquelle seize communes sont raccordées, ont également été réalisées ou modernisées dans le courant des années 2000.

L’envers de la carte postale

Mais la SEM a aussi depuis des décennies symbolisé la puissance de l’un des plus éminents représentants du cartel de l’eau français. M. Loïc Fauchon, ancien bras droit de M. Gaston Defferre, qui a construit un véritable empire dans le sud de la France et à l’étranger, est aussi le président du Conseil mondial de l’eau, baroque structure qui organise tous les 3 ans le « Forum mondial de l’eau. »

En sa qualité de président de la SEM, M. Fauchon portait plainte en 2008 contre l’UFC-Que Choisir, qui avait épinglé le montant exorbitant de la facture d’eau à Marseille.

Tant M. Jean-Claude Gaudin, sénateur maire UMP qui briguait un nouveau mandat en 2008, que son challenger de l’époque, M. Jean-Noël Guérini, président socialiste du Conseil général des Bouches-du-Rhône, s’étaient bien gardés lors de cette échéance électorale d’évoquer une remunicipalisation de l’eau, trustée par Veolia et Suez depuis des décennies. Une décision qui aurait pourtant pu « redonner du pouvoir d’achat » à la population de l’une des villes les plus pauvres de France.

L’association UFC-Que Choisir affirmait donc en novembre 2007 que l’eau était trop chère à Marseille, estimant la « surfacturation » à 56,1% !

Un scandale dans une ville qui comptait quarante mille Rmistes, et dont 28% de la population, évaluée à 830 000 habitants, vivait en dessous du seuil de pauvreté.

Marseille est une ville pauvre. Elle supporte toutes les charges d’une grande métropole sans bénéficier des revenus d’une activité économique largement dispersée à sa périphérie, et donc de l’apport de la taxe professionnelle qu’acquittent ces entreprises excentrées aux communes sur lesquelles elles sont implantées.

M. Claude Bertrand, directeur de cabinet de M. Gaudin, précisait ainsi à Libération le 9 février 2008 que « le potentiel fiscal de la ville est de 554 euros par habitant, alors qu’il atteint près de 2000 euros à Fos. »

Pour ne rien arranger M. Jean-Noël Guérini reprochait à M. Gaudin d’avoir fait passer l’endettement de la ville de 1,5 milliard d’euros à 3 milliards d’euros depuis 1995…

Seuls les Verts, alliés à la liste PS de M. Jean-Noël Guérini, et la gauche radicale qui présentait une liste « Marseille contre-attaque à gauche » proposaient déjà, rejoignant un élu communiste bien isolé qui le revendiquait depuis des lustres, courageux M. Bret, une remunicipalisation du service.

Mais nulle inquiétude alors au siège somptueux de la Société des eaux de Marseille. M. Loïc Fauchon veillait au grain, et les deux grands caïmans de la métropole phocéenne restaient muets sur la question de l’eau.

La présidence du Conseil mondial de l’eau, qui en dépit de son appellation n’est pas une entité étatique ni une ONG, confère en effet à M. Fauchon depuis sa création une influence qui s’exerce bien au-delà de la cité phocéenne.

A l’origine, quelques gouvernements s’étaient impatientés de l’inefficacité et de la dispersion de l’ONU dans le domaine de l’eau et avaient proposé que "toutes les bonnes volontés" se réunissent pour faire avancer ce dossier. Les premiers à répondre à l’appel furent la Banque mondiale et les multinationales... Et M. Fauchon devint le président de cet organisme fort occupé depuis lors à prôner les vertus du partenariat-public-privé aux quatre coins de la planète.

Au fil des ans M. Loïc Fauchon avait conféré à son discours des rondeurs qui ne sauraient toutefois faire oublier les « fondamentaux » du personnage et de son engagement. Comme en atteste cet extrait d’un discours prononcé au Liban en 1998 :

« L’eau, c’est toujours la vie, l’eau c’est parfois la mort. Mais l’eau c’est aussi le pouvoir, l’eau c’est aussi l’argent. Car l’eau est un bien, Mesdames et Messieurs, et ce sera demain encore plus qu’aujourd’hui, une richesse. » (1).

En 2008, tout en préparant le prochain Forum mondial de l’eau qui se tiendrait à Istanbul en 2009, M. Loïc Fauchon, en sa qualité de président de la Société des eaux de Marseille, assignait en diffamation, par devant le tribunal de sa bonne ville, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, qui reprochait nous l’avons vu en novembre 2007 au fleuron marseillais du cartel de l’eau de pratiquer une tarification abusive.

M. Fauchon se désistera finalement avant que l’affaire ne vienne à l’audience.

On comprendra mieux pourquoi après lecture de La Lettre d’observations définitives qu’adressait la Chambre régionale des Comptes de la région PACA à la ville de Marseille le 16 juin 2000…

Les critiques de la Chambre régionale des comptes

(…)

3.2. PRESENTATION DU SERVICE DE LA VILLE DE MARSEILLE

La ville de Marseille n’a pas d’adjoint délégué au service de l’eau et les relations de haut niveau se font uniquement entre le PDG de la SEM et le maire de la ville. Il arrive, pour les questions financières, que l’adjoint délégué aux finances, intervienne.

En cas d’échanges de courrier avec la SEM, il est nécessaire que le maire désigne expressément son adjoint, comme ayant reçu délégation pour traiter spécifiquement du dossier. Enfin c’est le conseiller municipal délégué aux affaires de santé publique qui a en charge le contrôle de la qualité de l’eau, et des problèmes d’hygiène liés à la consommation de l’eau par l’intermédiaire du Service Communal d’Hygiène et de Santé (SCHS).

Deux services interviennent principalement dans le domaine de l’eau : la direction des services concédés et la direction de l’eau et de l’assainissement

3.2.1 La direction des services concédés

La direction des services concédés (DSC) est l’une des 14 directions de la ville de Marseille. Elle est composée d’une vingtaine d’agents, principalement des cadres. Elle se définit comme une administration de mission qui assiste et contrôle, tant sur le plan administratif et juridique que financier et technique, les organismes gérant un service public dans le cadre d’une convention de délégation, soit plus d’une trentaine.

Consciente de la disproportion entre ses effectifs et les missions qui lui sont dévolues et également de ses insuffisances, une politique de restructuration a été engagée concernant ce service, mais toujours à moyens constants. Un contrat d’objectifs a été mis en place fin 1996. Après la création de la Direction de l’Eau et de l’Assainissement (DEA), la DSC n’a conservé que la gestion du contrat avec la SEM, avec son volet financier. Elle prépare et suit le budget annexe de l’eau depuis son instauration (1997). Elle contrôle les relations contractuelles et reste l’interlocuteur privilégié de la SEM au niveau de sa direction.

3.2.2 La direction de l’eau et de l’assainissement.

Afin de regrouper l’ensemble des moyens consacrés à l’eau dans une gestion plus cohérente, une direction de l’eau et de l’assainissement a été créée en 1996. La DEA comprend le service de l’assainissement et une cellule eau. Elle est rattachée à la Direction Générale des Services Techniques (DGST), elle-même dépendant d’un secrétaire général adjoint différent de celui qui coiffe la DSC. Elle comporte, pour la cellule Eau, 8 agents dont 2 ont été transférés de la DSC. La DEA intervient pour les activités techniques opérationnelles, essentiellement en matière de travaux. Une réunion mensuelle (DSC/DEA/SEM) permet une coordination entre les intervenants.

3.3.3.3 Les travaux à la charge du délégataire

L’avenant n° 9 du contrat prévoit à l’article 9 de son cahier des charges les modalités de renouvellement des installations. Pour cette catégorie de matériel, la SEM, dans son compte rendu annuel, précise les interventions faites de façon très détaillée.

Il appartient à la ville de s’assurer de la réalité des prestations et de leur conformité avec la nécessité du renouvellement ainsi effectué ainsi que de la conformité avec le plan de renouvellement et sa programmation. L’état des lieux, complété par une mise à jour permanente, devrait permettre de répondre à cette interrogation.

De même, sont à la charge du délégataire le renouvellement des feeders (canalisations principales d’un diamètre supérieur à 400 mm), le réseau secondaire et les branchements. Le cahier des charges fixe les objectifs de renouvellement de ces équipements. Pour ce qui concerne les feeders l’objectif est de renouveler d’ici le terme du contrat tous ceux qui ont été posés avant 1905 soit 17 km de canalisations.

Au 31 décembre 1998, 3 016 m/l ont été renouvelés soit une moyenne sur la période 1992 - 1998 de 431 m/l par an alors qu’elle aurait du être de 773 m/l par an. Il est cependant à signaler que 950 m/l ont été posés au cours de la seule année 1998.

Comme le fait observer la SEM c’est en fin de contrat que pourra être constaté le respect de cette obligation mais il appartient à la ville de s’assurer au moment de son déroulement que le délégataire ne prend aucun retard pour en tirer les
conséquences.

L’objectif fixé pour le réseau secondaire consiste d’une part à abandonner le réseau d’eau brute et d’autre part de renouveler un linéaire de conduites suffisantes pour qu’au terme du contrat, l’âge statistique moyen du réseau d’eau filtrée (qui est de 1 787 km) soit inférieur ou égal à 100 ans.

Bien que non précisé dans le cahier des charges, il résulte des différents travaux préparatoires que l’objectif annuel est de 21 km de conduites à renouveler par an. Jusqu’au 31 décembre 1998, il a été renouvelé un peu plus de 117 km de canalisation soit une moyenne annuelle de 16,8 km. Cependant en 1998, il a été traité 23,2 km de réseau ce qui permettra de rattraper le retard constaté si cet effort est poursuivi. L’objectif est de maintenir l’âge statistique moyen du parc des branchements inférieurs à 25 ans et à 50 ans pour les appareils publics. Au total 3 850 branchements sont à renouveler en moyenne par an. De 1992 à 1998 il a été renouvelé 19 559 branchements soit une moyenne de 2 794 branchements, donc 1 000 de moins que prévus au contrat. Toutefois en 1997 et 1998 la barre des 3 000 a été franchi sans toutefois atteindre les objectifs initiaux et le retard s’accumule.

(…)

Le contrat est intitulé "concession". Cette appellation n’est pas neutre et elle est
systématiquement reprise par les différentes parties. Il ressort des comptes rendus de réunions concernant en particulier l’avenant n° 9, que pour les participants, il était exclu que ce contrat puisse être interprété autrement, ce qui permettait en particulier, de ne pas mettre en place un budget "eau".

Ainsi n’étaient pas pris en compte les amortissements à la charge de la collectivité et leur nécessaire financement. Le montant de la surtaxe n’avait donc pas à être soumis au vote de l’assemblée délibérante et le service de l’eau pouvait rester embryonnaire, ce qui permettait, entre autre, au service financier de la ville de répartir les enveloppes budgétaires indispensables au fonctionnement a minima de ce "service". En effet, la M49 précise que lorsqu’il y a concession il ne doit pas y avoir budget de ce service.

Le contrat est en fait un contrat de type "affermage" avec des îlots "concessifs".
Incontestablement le délégataire doit réaliser, financer, entretenir et remettre à l’issue du contrat un certain nombre d’équipements comme, par exemple, les compteurs des abonnés "tous usages" les plus nombreux, les turbines etc...

L’usage considère que les équipements qui doivent faire l’objet d’un renouvellement en cours de contrat et qui ne l’ont pas encore été font partie du domaine concédé c’est le cas pour les réseaux de distribution d’eau filtrée qui auront plus de cent ans en 2013 et de certains branchements.

En revanche le renouvellement d’autres équipements est de l’entière responsabilité de la collectivité comme par exemple les réservoirs de toute sorte, le canal de Marseille, le gros œuvre des bâtiments, les usines de potabilisation et les canalisations et branchements ne rentrant pas dans le champ de compétence du délégataire, la réalisation des équipements nouveaux etc...

Les collectivités du périmètre auraient dû en tirer les conséquences et établir un budget annexe, qui est obligatoire, permettant d’intégrer à leur bilan les équipements dont elles ont la responsabilité, de suivre comptablement les opérations effectuées directement ou non par ce service, de fixer le montant de la surtaxe qui leur est nécessaire pour atteindre l’équilibre financier.

3.3.2.3 Le patrimoine.

La balance de sortie du compte de gestion 1997 fait apparaître au compte 21 "immobilisations corporelles" un total de 1 357,4 MF. Or le contrat de délégation dans son annexe VI indique que le total du patrimoine du périmètre du canal de Marseille est de 8 617 MF (valeur TTC 1991). Il sera noté que ne figurent pas les réservoirs.

La différence de 7 260 MF, à supposer comme cela doit être le cas, que les deux montants soient TTC, et en étant conscients du fait qu’une partie du patrimoine appartient aux autres communes du périmètre (ouvrages d’intérêt local) provient d’une part du fait que la ville n’a pas voulu transférer la totalité des immobilisations du service de l’eau pour minimiser le montant des amortissements techniques afin de ne pas augmenter ses charges et d’autre part de la non prise en compte des immobilisations devant être renouvelées au cours du contrat, l’instruction M49 qui s’applique au budget annexe de l’eau ne prévoyant pas, contrairement a ce qui se passe pour la M14, de chapitre pour les immobilisations concédées.

En 1998, les équipements soumis à amortissements avaient une valeur de 356,87 MF et le montant des amortissements de l’exercice n’était que de 8,3 MF, ce qui était néanmoins un progrès par rapport à l’exercice 1997 où le montant des équipements soumis à amortissements n’était que de 305,44 MF et le montant des amortissements techniques de 7,1 MF.

Ces amortissements ne couvrent pas, et de loin, le montant en capital des annuités d’emprunt qui sont de 55,5 MF, le délégataire prenant en outre en compte 230 MF d’emprunts de la ville et des emprunts contractés par la SEM pour le compte des villes de Marseille et d’Aubagne (34,6 MF) soit une charge supplémentaire en capital et intérêts de 31,6 MF telle que comptabilisée par la SEM.

Enfin il convient de signaler que la logique des dépenses de renouvellement telles qu’elles ont été définies dans le cadre des concessions veut qu’elles soient financées d’une part par les amortissements techniques pratiqués et d’autre part par les provisions pour renouvellement qui sont effectuées.

La notion de renouvellement consiste dans l’engagement de procéder au
remplacement du bien à l’identique afin de permettre la continuité de l’exploitation ou le maintien d’un niveau de production donné. Dans la pratique il s’agit de remplacer les équipements qui ont atteint leur durée de vie technique. Il convient de signaler que la durée de vie réelle peut être plus grande que prévue ou au contraire plus courte du fait de la qualité des matériaux utilisés, de l’agressivité ou non de l’eau et du sous-sol. De ce fait l’exécution d’un plan de renouvellement est délicate.

Pour le service de l’eau de Marseille, le délégataire a, contractuellement, des obligations de renouvellement de certains équipements - réseau de distribution et les branchements qui atteindront avant la fin du contrat leur durée de vie présumée -, il se comporte dans ce cadre comme un concessionnaire.

Il est tenu, selon les pratiques en vigueur et généralement admises en particulier par les services fiscaux, de faire des provisions dont le montant est calculé, pour les biens renouvelables pendant le contrat, à partir du coût estimé des travaux à réaliser.

Il résulte de ce qui vient d’être dit que tous les équipements, qui ne sont pas compris dans les îlots concessifs y compris les réseaux et branchements dont le renouvellement n’est pas prévu au terme du contrat ou qui a été réalisé, doivent faire l’objet d’une prise en compte dans le compte 21 de la comptabilité du service et donc faire l’objet d’amortissements selon les règles habituelles.

La mise en place des plans quinquennaux de travaux, certes indispensables, ne peuvent pallier la carence d’un plan de renouvellement à l’identique de celui fait par le délégataire permettant de prendre en compte tous les équipements qui ne font pas partie de l’obligation contractuelle par nature ou parce que devant s’effectuer après la fin du contrat.

Il pourrait ainsi être chiffré le montant des éventuelles provisions à faire pour compléter le montant des amortissements techniques afin de répondre aux exigences de la continuité du service public.

Dans sa réponse la ville de Marseille confirme les observations faites et indique qu’il convient encore de régulariser la prise en compte du patrimoine. Elle précise que le budget doit prendre en compte les investissements figurant dans les plans prévisionnels ainsi que le tableau d’extinction de la dette ce qui permettra d’envisager le niveau de la surtaxe. La Chambre a pris acte de ces intentions. »

Note :
(1) Loïc Fauchon : « Le problème des ressources en eau dans les 20 années à venir », Droit international des cours d’eau internationaux - Éducation à une culture de l’eau partagée et protégée. Actes du colloque international de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), Université St-Esprit de Kaslik au Liban en collaboration avec l’Université d’Aix-Marseille, jeudi 18 juin 1998.

A suivre...

Lire aussi :

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Les eaux glacées du calcul égoïste, 9 octobre 2013

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Marc Laimé - eauxglacees.com