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Usagers et gestion de l’eau

29 juillet 2013

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La question de la participation des usagers aux politiques publiques de l’eau et de l’assainissement va être reposée à la rentrée lors de la table ronde sur l’eau qui se tiendra au cours de la Conférence environnementale, puisqu’il y sera notamment question de la création d’un quatrième collège d’usagers au sein des Comités de bassin, idée portée par Delphine Batho, violemment combattue par la FNSEA, jusqu’au sein du Comité national de l’eau, et qui divise parfois au sein même de la société civile.



L’UFC-Que Choisir a ainsi vivement stigmatisé en juin dernier, exemples à l’appui, les simulacres de la participation des usagers dans les différentes instances de gestion de l’eau, appelant clairement à une reprise en main de la politique de l’eau par l’état…

Or l’état, à l’inverse, s’apprête à confier de nouvelles compétences considérables aux collectivités locales, dans le domaine de la lutte contre les inondations et la « gestion des milieux aquatiques ». Ce que de nombreux élus, et leurs associations, stigmatisent comme un nouveau désengagement, de surcroît non financé, alors que d’autres l’appellent de leurs vœux…

Côté CLCV, qui s’est follement entiché de l’ANC, on participe, avec constance et détermination, sans trop rien dire, mais on participe...

FNE s’inquiète de l’existence des moyens, tant humains que financiers, qu’il faudrait déployer pour faire vivre cette « démocratie de l’eau », et sollicite dès lors très directement les pouvoirs publics à cet effet.

50 Millions de consommateurs et la Fondation France Libertés multiplient les opérations spectaculaires, sur le prix de l’eau, la qualité de l’eau potable, les fuites dans les réseaux, appelant les consommateurs à dénoncer "online" ces scandales, sans toujours étayer solidement des dénonciations alarmistes qui font les délices des medias.

Héritage de l’ancrage local de la gestion de l’eau, spécificité française détonnante à l’échelle européenne, des milliers d’associations, de collectifs, s’engagent, militent, dénoncent, participent aussi à d’innombrables instances de débat, concertation…

Là-dessus un appareil diffus tente d’imposer partout à bas bruit l’idée que la « gouvernance partagée de l’eau » est l’une des 7 merveilles (française) du monde, mensonge éhonté que véhiculent politiques, médias, entreprises, et surtout la proliférante bureaucratie de l’eau aux mille et un pseudopodes désormais déclinés en conférences citoyennes participatives, Wiki, opérations de com permanentes qui ne visent bien évidemment qu’à interdire tout débat de fond, avec un succès hélas tout à fait évident…

Comme en atteste hélas, et à elle seule cette distinction dit tout de la période, le nouveau titre de Mme Hélène Valade, "Directrice du DD et de la stratégie d’opinion" de la Lyonnaise des eaux...

L’affaire repose, en partie, sur l’éclosion fulgurante d’une foultitude de "Comités d’usagers" dans lesquels sont invités à siéger de sémillants retraités, qui participent ainsi d’une autre singularité hexagonale, puisque la France, ce faisant, peut s’enorgueillir de compter sur son territoire un nombre incalculable de légations de la Corée du Nord, toutes dévouées à la glorification des grands Timoniers et Timonières qui oeuvrent au "Bien commun", surtout avant les prochaines municipales :-)

Comme les grandes manoeuvres ont déjà débuté pour faire obstacle à toute réforme réelle de la politique de l’eau, à l’initiative d’une coalition d’acteurs dont il serait d’ailleurs urgent de préciser la typologie cocasse (entreprises, associations professionnelles privées, fonctionnaires, bureaucraties socio-professionnelles, organismes de recherche suspendus aux financements croisés de l’ANR et de l’Onema, élus inconnus du grand public, seconds couteaux de la scène politique nationale, mais vrais barons de l’eau, experts adoubés par les mêmes, représentants iconiques auto proclamés de la société civile…), il apparaît utile d’interroger à nouveau les conditions concrètes de la participation des usagers aux politiques publiques.

Nous commencerons par Jean-Louis Linossier, membre de l’Association des consommateurs d’eau du Rhône, (ACER), de la Coordination des associations de consommateurs d’eau (CACE), d’ATTAC 69, et on en passe, qui a tiré quelques enseignements d’une déjà longue implication dans les luttes engagées en faveur d’une gestion publique, équitable et soutenable de l’eau :

« Nous siégeons dans une CLE de SAGE où, après avoir pendant 4 ou 5 ans étudié le fonctionnement de la nappe phréatique de l’Est Lyonnais menacée par la pollution et des prélèvements agricoles qui menaçaient les usages domestiques, nous en sommes à la phase de prise de décisions pour une répartition durable et écologique de la ressource.

Les débats, bien que très courtois, n’en sont pas moins quelquefois tendus entre les différents usagers de la nappe.

Les usagers domestiques, bien que trop faiblement représentés, sont de plus en plus entendus et écoutés car, à l’instar du monde agricole, nous étudions soigneusement les dossiers à propos desquels la CLE est consultée pour avis et nous exposons nos avis et propositions sans complexe, et droit dans les yeux du microcosme politico administratif.

Sur l’espace de cette nappe, trois exploitations bio sont soutenues par les élus locaux et le SAGE, contre l’avis des représentants de l’agriculture qui commencent à baisser pavillon.

Nous avons également un syndicat d’irrigation.

C’est dire qu’il faut être très attentifs au tour de table, car, en France, pour l’eau et l’assainissement et plus largement la ressource, tout se passe au niveau local.

Il est donc impératif d’être présent, en face à face avec les élus locaux (leurs communes et intercommunalités) et les administrations territoriales et de maîtriser parfaitement la réglementation (CGCT, Code des Marchés Publics, de l’Urbanisme, de l’Environnement, ...).

Notons que dans ce type d’instance, il n’y a pas de débats sur les compétences d’eau potable et l’assainissement, qui se règlent uniquement au niveau communal ou intercommunal, même si c’est avec les mêmes élus et leurs "services".

D’où l’obligation d’imposer sa participation aux Commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL) quand elles existent, et d’assister, même muets, aux réunion des conseils municipaux ou des conseils communautaires, en exigeant les documents de gestion communicables selon la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), pour bien sûr les analyser et dénoncer les abus.

Certaines franges activistes qui se mobilisent sur la question de l’eau, exclusivement sous l’angle de sa gestion publique, peinent à intégrer ces problématiques.

Or, pour tenter, même au minimum, de peser, il faut aller au contact des décideurs politiques qui ne pensent qu’à leur réélection, surtout à la base de l’organisation territoriale, les communes et les intercos. »

PS : les universités d’été du PS et d’EELV sont totalement muettes sur la question de l’eau.

Marc Laimé - eauxglacees.com