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L’eau a besoin de démocratie, par Dominique Bonnard (*)

20 mai 2013

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Forte d’une expérience de plus de dix ans de luttes en faveur d’une gestion publique, équitable et soutenable de l’eau, l’association des usagers de l’eau des Pyrénées-Orientales pousse un cri d’alarme. Le concept du partenariat public-privé, étendu à tous les domaines, à des conséquences très grave pour la vie publique. Il conduit, en fin de compte, à une privatisation de fait du politique, qui finit par corrompre jusqu’aux fondements de la démocratie.



« Nombre d’élus, dont les membres du SIAEP d’Arles-sur-Tech, ne semblent pas prendre la mesure des enjeux de l’eau et de la situation de stress hydrique de la vallée du Tech qui se traduit au travers des tensions croissantes entre les usages des masses d’eau.

Plus grave, jamais nos politiques locaux ne donnent des signes de prise en compte de la formidable mutation du monde en cours qui nécessitent une reconsidération des schémas en vigueur. Ils vivent recroquevillés sur des archétypes d’une vie de village qui n’existe plus.

A cela s’ajoute le fait que nombre d’entre eux ont délégué la plupart des services publics locaux. On finit par se demander à quoi servent les élus en livrant ainsi la majorité des services publics au privé. L’élu est devenu peu à peu un prestataire de service. Il ne défend plus les intérêts des citoyens. On assiste à la perpétuation d’un jeu de rôle entre politiques qui sont, pour le plus grand nombre, dans l’incapacité de répondre aux vrais problèmes que les citoyens se posent.

Concernant le SIAEP d’Arles-sur-Tech, à la lecture des documents publics auxquels nous avons accès, aucune évolution ne transparaît qui pourrait traduire une volonté d’entrer en compétence sur la gestion de l’eau ne serait-ce que pour être en réelle capacité de contrôler les délégations au privé car on ne peut déléguer que ce que l’on connaît. Il n’est encore pas capable de tenir des réunions du syndicat sans la présence de Veolia, ce qui en dit long sur l’emprise du délégataire, fait caractéristique que soulignait la Cour des Comptes dans son rapport 2011.

En 2007 un mouvement citoyen sans précédent s’est heurté à des élus refusant tout débat sur une question majeure. Il est profondément dommage et incroyable qu’un tel précédent n’ait pas servi à nourrir une réflexion de la part des élus du moment qui sont toujours en fonction.

Nous sommes à un peu plus de deux ans de l’échéance du contrat en cours. C’est-à-dire que ce dossier va se retrouver une nouvelle fois au centre des débats des prochaines élections municipales. Mais dans le contexte d’une situation socio-économique qui s’est bien davantage dégradée et une colère rentrée des citoyens qui s’est accumulée.

Il est évident que les élus ne pourront pas faire miroiter un retour en régie à des fins électorales en se contentant d’effets d’annonces. Un retour en régie ne se décrète pas, un retour en régie se prépare, se construit et pour cela des décisions concrètes doivent se prendre maintenant et nous allons faire des propositions précises dans ce sens. Un retour en régie digne de ce nom ne peut être envisagé que dans la transparence et la démocratie et en premier lieu en concertation avec notre association, en associant ainsi les usagers à ce processus.

Sur un autre sujet, ces mêmes communes citées font partie des 206 communes sur les 226 que notre département compte, qui ont choisi de déléguer à Veolia, une fois de plus, la mise en conformité des fosses septiques en créant un syndicat départemental centralisé : le SPANC 66.

En procédant de cette manière, les élus ont organisé une mise à distance de l’usager de tout interlocuteur local et ainsi évacué un dossier gênant sur le plan électoral, surtout en milieu rural. La première étape des contrôles s’est déroulée dans un contexte d’abus d’interprétation des lois et de refus d’en débattre.

Ceci n’est qu’une première étape, la gestion du SPANC sera aussi au cœur des prochaines élections municipales. La communauté de communes d’Argelès qui gère en régie ce service a choisi de fixer, par exemple, les contrôles des fosses septiques tous les huit ans (le Grenelle de l’environnement autorise un contrôle tous les dix ans). Notre syndicat prévoit un contrôle tous les cinq ans afin d’assurer une rente de financement à la structure. Là aussi, les choses devrons évoluer dans l’intérêt général.

Ce concept du partenariat public-privé étendu à tous les domaines à des conséquences très grave pour la vie publique. C’est en fin de compte, de fait, une privatisation du politique.

Ce système finit par tout corrompre jusqu’aux fondements de la démocratie. L’actualité politique nous le rappelle. Comme on voudrait nous le faire croire, ce n’est pas une histoire de mouton noir, tout être humain est faillible, nous le savons.

Mais comme nous le rappelait souvent Danielle Mitterrand « il ne faut pas s’attaquer aux hommes mais aux causes, au système qui produit ces situations », en l’occurrence ce concept pernicieux de Partenariat Public-Privé.

Nous avons plus que jamais besoin de transparence de gestion, d’une démocratie vivante. Une démocratie formelle ne saurait être la réponse.
L’association a une parole libre et responsable ce qui constitue sa force et fait qu’elle soit entendue par un grand nombre de citoyens.

Pour citer encore Danielle Mitterrand ; celle-ci nous disait en 2010 à Amélie les Bains, lorsqu’ elle est venue soutenir notre lutte « …./ qu’aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de radicalité et d’appeler un chat, un chat ! ».

L’action de l’association engagée depuis huit années, plus que jamais continue sur tous les fronts : SPANC, SIAEP d’Arles sur Tech, etc., afin que l’usager-citoyen tout comme l’élu s’implique dans une gestion pérenne de nos biens communs. »

(*) Président de l’association des Usagers de l’Eau des Pyrénées Orientales.

Marc Laimé - eauxglacees.com